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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 53

Le mardi 9 mai 2000
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Président pro tempore


LE SÉNAT

Le mardi 9 mai 2000

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Seconde Guerre mondiale

Le cinquante-cinquième anniversaire du Jour de la victoire en Europe

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, c'est avec un grand plaisir que j'interviens cet après-midi pour souligner le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre en Europe.

En effet, le 8 mai 1945, la Seconde Guerre mondiale prenait fin pour le Canada avec la capitulation sans condition de l'Allemagne en Europe. Après six longs hivers empreints de désespoir, les Canadiens, où qu'ils soient au pays, se réjouissaient de la fin de cette étape de la guerre. Les hommes et les femmes envahirent les rues alors que des défilés de la victoire se déroulaient sur toutes les rues principales du Canada. Les cloches des églises pouvaient être entendues des milles à la ronde pendant que des feux de joie étaient allumés et que les enfants criaient de joie. Pendant ce temps, une douleur indescriptible était ressentie par bon nombre de jeunes veuves, de parents, de frères et de s9urs, à la pensée qu'un être cher avait fait le sacrifice ultime pour nous assurer la liberté.

Cette année, plus de 4 000 anciens combattants canadiens commémorent le cinquante-cinquième anniversaire du Jour de la victoire en Europe en retournant en Hollande, un endroit qui a une signification particulière pour eux. Pour les anciens combattants, c'est l'occasion de se rappeler une époque et un pays où ont été commises les atrocités du passé et où sont morts au champ d'honneur parents et amis.

Les Hollandais n'ont pas oublié la vaillante bataille que ces soldats ont livrée contre un ennemi monstrueux. Hier, aux Pays-Bas, plus de 150 000 personnes ont fait la haie tout le long du parcours et ont applaudi continuellement, histoire d'exprimer leur amour et leur gratitude envers les soldats canadiens qui les ont libérées des chaînes de la guerre.

L'accueil émotif que les soldats ont reçu en Hollande devrait inciter les Canadiens à ne jamais oublier ce qui a été gagné et ce qui a été perdu, tout cela pour défendre le droit d'être libre.

Honorables sénateurs, force nous est aujourd'hui de remercier tous et chacun de ces soldats d'avoir procuré aux Canadiens la liberté dont nous jouissons en ce moment. Je crois qu'il n'est que juste que nous honorions les sacrifices du passé en faisant en sorte que cette histoire jamais ne se répète.

La Semaine nationale des soins palliatifs

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je suis heureuse d'informer mes collègues ainsi que tous les Canadiens que nous célébrons depuis hier et jusqu'au 14 mai la Semaine nationale des soins palliatifs.

Les soins palliatifs ont pour objet de soulager la souffrance et d'améliorer la qualité de vie des personnes qui sont atteintes ou se meurent d'une maladie à un stade avancé. Ce genre de soins fait participer le malade et sa famille à la planification du traitement et des soins de sorte qu'ils puissent faire des choix fondés sur la connaissance et la compréhension.

Dans le cadre des soins palliatifs, les membres d'une équipe multidisciplinaire de médecins, infirmières, travailleurs sociaux, planificateurs de services de soins à domicile, bénévoles et autres thérapeutes offrent un soutien social, économique et spirituel au malade ainsi qu'à sa famille.

L'Association canadienne des soins palliatifs est un organisme national qui joue un rôle de premier plan en matière de soins palliatifs en hospice au Canada sous diverses formes dont la collaboration et la représentation, l'élaboration de normes nationales régissant les soins, le soutien à la recherche, la recommandation d'améliorations à la politique, l'attribution de fonds à la recherche et le soutien aux soignants. Cet organisme tâche également d'accroître la sensibilisation, les connaissances et les compétences liées aux soins palliatifs auprès du public, des fournisseurs de soins de santé et des bénévoles.

(1410)

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter les dévoués professionnels, soignants et bénévoles qui dispensent les soins palliatifs, de même que l'Association canadienne des soins palliatifs et ses organismes affiliés, qui travaillent à assurer le confort et la dignité des mourants.

Le décès du juge Ronald Newton Pugsley, c.r.

Hommage

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, le Canada a perdu un brillant juriste, un juge remarquable et un Canadien éminent. Le juge Ronald N. Pugsley est décédé subitement au cours de la fin de semaine à son domicile à Halifax. Il laisse le souvenir d'une riche et fructueuse carrière juridique car il a été un des avocats plaidants les plus célèbres au Canada avant de devenir juge à la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse.

Le juge Pugsley est né à Toronto; il était le seul fils de Thompson et Mabel Pugsley. Il a fait ses études au Upper Canada College et a par la suite reçu des diplômes en art, en commerce et en droit à l'Université Dalhousie, à Halifax. C'était un étudiant exceptionnel.

La carrière juridique du juge Pugsley a commencé en 1957, dans la firme Stewart, MacKeen and Covert, qui est devenue ensuite la firme Stewart, McKelvey, Stirling and Scales, où il est devenu plus tard un associé principal. En 1973, il a été nommé conseiller de la reine.

En tant qu'avocat plaidant, le juge Pugsley a participé à certaines des affaires juridiques les plus connues de la Nouvelle-Écosse, y compris l'enquête sur Donald Marshall. Il a aussi été président de la Nova Scotia Barristers Society et membre du American College of Trial Lawyers. Il a également été président de la Dalhousie Law School Alumni Association. Le juge Pugsley a été cofondateur du programme de contentieux civil de l'école de droit où il a enseigné pendant de nombreuses années.

Honorables sénateurs, j'ai eu l'honneur d'assister le juge Pugsley dans le cadre de plusieurs procès. C'était un brillant avocat qui se préparait jusque dans les moindres détails pour sa comparution devant le tribunal. C'était un avocat de génie et ce qui le différenciait de la plupart des autres avocats plaidants, c'étaient ses contre-interrogatoires, des oeuvres d'art. Le juge Pugsley maîtrisait l'art d'obtenir sans problème de l'information de témoins, ce qui marquait souvent le point tournant d'un procès. Dans bien des cas, l'avocat de la partie adverse et les témoins ne comprenaient que trop tard les répercussions dévastatrices de cette épreuve. Il était une inspiration et il va nous manquer.

La grandeur du juge Pugsley ne lui a pas monté à la tête; il était toujours courtois, gentil et poli avec tous ceux qu'il rencontrait. Il a été nommé à la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse en 1993.

Honorables sénateurs, le juge Ronald N. Pugsley va nous manquer. J'offre mes condoléances les plus sincères à son épouse, Joan, à ses fils, Michael et Alex et à ses filles, Alison, Meredith et Amy.

La défense nationale

L'état de navigabilité des hélicoptères Sea King-Le carnet de vol d'un pilote

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, le message radio «Pan Pan Pan» venant d'un aéronef signale un problème en vol. Même s'il ne met pas en danger la vie des occupants de l'aéronef à ce moment-là, le problème pourrait très bien devenir une urgence. Ce signal dit au personnel au sol de se préparer à réagir à une urgence possible et il met fin à tous les bavardages sur les circuits radio pertinents.

Honorables sénateurs, ce ne sont pas tous les problèmes qui peuvent justifier un tel message, mais si la situation empire, au point qu'une mesure d'urgence doit être prise, on diffuse alors le message de détresse «mayday». C'est souvent le dernier message provenant d'un tel aéronef.

Un jeune pilote de Sea King a récemment manifesté son inquiétude en essayant de mettre en contexte la querelle au sujet du sens des termes «sûr» et «dangereux». Cela fait cinq ans qu'il pilote des Sea King et son carnet de vol indique que, pendant cette période, il a cumulé quelque 860 heures de vol et qu'il s'est trouvé 24 fois dans une situation donnant lieu à la diffusion d'un message «Pan». Selon ses calculs, il s'est trouvé dans une telle situation une fois toutes les 12 sorties, soit toutes les 36 heures de vol, le temps moyen d'une mission étant de trois heures. Cela ne veut pas dire qu'il n'a pas eu de difficultés pendant les 11 autres sorties, seulement que le problème ne justifiait pas de message «Pan».

Toutes les situations pan ne sont pas causées par des défaillances de l'appareil. Par exemple, elles peuvent être dues à une accumulation de glace inhabituelle ou à l'imminence d'une panne de carburant, mais on me dit que dans le cas des Sea King, 90 p. 100 des situations «Pan» sont d'origine mécanique. Durant l'entraînement des équipages, les instructeurs rappellent toujours qu'un incident ou une urgence à bord d'un Sea King peut avoir lieu alors que l'appareil se trouve, en pleine nuit, à 100 milles de son navire d'attache, au-dessus de l'Altantique Nord et par gros temps.

Ce même jeune aviateur est convaincu que les équipages sont bien entraînés pour faire face aux problèmes de ce genre et que les Sea King sont encore «sûrs». Toutefois, comme les autres pilotes de Sea King, il n'aime pas entendre dire par des personnes qui ne comprennent pas la situation et qui répètent ce que disent les autorités que l'hélicoptère n'est «pas dangereux», donnant ainsi à penser que tout va bien et que les questions de sécurité associées avec ce vieil appareil, pourtant bien fatigué et peu fiable, ne sont pas si urgentes que cela.

La conservation de l'eau douce

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, la ressource la plus précieuse au monde n'est pas l'or, le diamant ou le pétrole, mais l'eau, l'eau fraîche, propre et potable. Nous en avons la preuve tous les jours dans les reportages sur le bétail mort en Mongolie, en Inde et au Pakistan, la sécheresse dans le Midwest américain, mais surtout dans les reportages qui nous montrent les membres amaigris, les visages émaciés et les regards ternes des enfants qui meurent en Éthiopie.

L'eau recouvre près de 70 p. 100 de la surface de la terre, mais presque toute cette eau, sauf 2,5 p. 100, est salée. La majeure partie des faibles réserves d'eau douce du monde est emprisonnée dans les calottes glaciaires des pôles et au sommet des montagnes. Le reste provient en grande partie des pluies de la mousson ou s'écoule vers la mer par les plus grands cours d'eau. La plupart des êtres vivants doivent se disputer le peu qui reste accessible. Or, nous les humains, qui ne représentons qu'une des quelque sept millions d'espèces qui se partagent la planète, consommons 54 p. 100 de toute l'eau accessible. Selon les prévisions, la population mondiale augmentera de 45 p. 100 au cours des 30 prochaines années. Si on ajoute à cela que près de la moitié des terres arables du monde font déjà l'objet d'une culture intensive, que les terres agricoles et les ressources en eau sont déjà exploitées à pleine capacité et que des gens meurent déjà de faim, c'est une tragédie d'une ampleur inimaginable qui nous attend.

Honorables sénateurs, le Canada a la chance de posséder les plus grandes réserves d'eau douce au monde. L'Ontario compte à elle seule quelques 3 000 lacs. Il y a 2 600 kilomètres de littoral le long des Grands Lacs, ce qui représente le plus long littoral lacustre au monde, et pourtant, nous sommes malgré tout en difficulté. La nappe phréatique dans le sud de l'Ontario n'a jamais été aussi basse. Dans les Grands Lacs, les niveaux aquatiques sont inférieurs d'un demi-mètre à un mètre à la normale. Les ports s'assèchent et on procède actuellement au dragage pour garder les voies navigables internationales et certains ports de plaisance ouverts. De plus, nous avons enregistré, l'hiver dernier, parmi les plus faibles précipitations de neige de l'histoire. Il n'y a aucune amélioration de la situation en vue.

Honorables sénateurs, nous ignorons si les changements climatiques qui commencent à se manifester sont attribuables à un cycle normal de réchauffement et de refroidissement ou s'ils sont le fruit de l'inventivité irréfléchie et de la négligence humaines. Quoi qu'il en soit, cette situation va durer longtemps et on ne pourra pas y remédier à peu de frais, aisément ou rapidement, si toutefois il est possible d'y remédier.

Tous les niveaux de gouvernement doivent commencer à éduquer la population sur les moyens de conserver l'eau. Nous devons cesser de gaspiller sans retenue cette ressource. J'exhorte le gouvernement fédéral à lancer un programme proactif d'incitatifs positifs à l'intention de l'industrie, en vue de réduire la consommation d'eau dans les secteurs de la fabrication et de la construction.

Honorables sénateurs, lisez les journaux et vous connaîtrez l'avenir. Si nous ne commençons pas dès maintenant à conserver volontairement cette précieuse ressource, des mesures de conservation finiront inévitablement par nous être imposées.

(1420)

L'honorable Michael A. Meighen et Mme Kelly Meighen

Félicitations à l'occasion de la réception de doctorats honorifiques de l'Université Mount Allison

L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, hier, pendant la collation des grades du printemps, à l'Université Mount Allison, au Nouveau-Brunswick, des doctorats honorifiques ont été décernés à un honorable sénateur et à sa charmante épouse. Je demande aux sénateurs de se joindre à moi pour féliciter le sénateur Michael Meighen et Mme Kelly Meighen.

Le Programme d'échange de pages avec la Chambre des communes

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous présente les pages qui nous viennent de la Chambre des communes cette semaine.

Adrienne Fowlie est originaire de Nepean, en Ontario, et étudie les sciences environnementales et l'anglais à l'Université d'Ottawa.

[Français]

Mark Greenan est étudiant en sciences politiques à la faculté des sciences sociales de l'Université d'Ottawa. Mark est natif de Summerside, dans l'Île-du-Prince-Édouard. À ma droite se trouve Devorah Kobluk, étudiante à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa.

[Traduction]

Sa matière principale est l'anglais. Elle est originaire d'Edmonton, en Alberta.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Puissiez-vous passer une semaine intéressante et enrichissante avec nous.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la responsabilité en matière maritime

Rapport du comité

L'honorable Lise Bacon, présidente du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le mardi 9 mai 2000

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-17, Loi concernant la responsabilité en matière maritime et la validité de certains règlements, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 4 avril 2000, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les amendements suivants:

1. Page 10, article 29: Remplacer les lignes 3 à 18 par ce qui suit:

«maritimes nées d'un même événement, en cas de décès ou de blessures corporelles causés à des personnes transportées sur un navire autrement que sous le régime d'un contrat de transport de passagers, est fixée au plus élevé des montants suivants:

a) 2 000 000 d'unités de compte;

b) le produit de 175 000 unités de compte par:

(i) le nombre de passagers que peut transporter le navire aux termes du certificat requis au titre de la partie V de la Loi sur la marine marchande du Canada,
(ii) le nombre de personnes à bord du navire, si aucun certificat n'est requis au titre de cette partie.
(3) Le paragraphe (2) ne s'applique pas:

a) dans le cas du capitaine d'un navire, d'un membre de l'équipage et de toute autre personne employée ou occupée à bord, en quelque qualité que ce soit, pour les affaires de ce navire;

b) dans le cas d'une personne transportée à bord d'un navire autre qu'un navire utilisé à des fins commerciales ou publiques».

2. Page 14, article 37: Remplacer les lignes 32 à 42 par ce qui suit:

«Canada à tout lieu au Canada, directement ou en passant par un lieu situé à l'extérieur du Canada;

b) faute de contrat de transport, au transport par eau de personnes ou de personnes et de leurs bagages sur un navire, à l'exception :

(i) du capitaine du navire, de tout membre de l'équipage et de toute autre personne employée ou occupée à bord, en quelque qualité que ce soit, pour les affaires de ce navire,
(ii) d'une personne transportée à bord d'un navire autre qu'un navire utilisé à des fins commerciales ou publiques».
Respectueusement soumis,

La présidente,
LISE BACON

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Bacon, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi sur le recyclage des produits de la criminalité

Première lecture

Son Honneur le Président informe le Sénat qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du jeudi 11 mai 2000.)

[Français]

Projet de loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-445, Loi visant à changer le nom de la circonscription électorale de Rimouski-Mitis.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour du jeudi 11 mai 2000.)

L'Association interparlementaire Canada-France

Dépôt du rapport du groupe canadien de la réunion tenue à Paris, France

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport du groupe canadien de l'Association interparlementaire Canada-France, qui a participé à la réunion du comité permanent de l'association à Paris, du 6 au 10 mars 2000.
[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Les propos que mes collègues et moi avons exprimés la semaine dernière ne sont pas un message de détresse. Cependant, qu'on ne se trompe pas; c'est bien un message «Pan».

Comme vous le savez, les personnes aux commandes qui ignorent un message «Pan» engagent leur responsabilité pénale, tout comme ceux qui ignorent un message de détresse. La seule différence est dans la durée de la peine d'emprisonnement.

Le gouvernement va-t-il continuer d'ignorer ce message «Pan, Pan, Pan» ou bien a-t-il l'intention de mettre en branle un programme afin de remplacer les hélicoptères Sea King? Est-ce qu'on est en train de maintenir le statu quo? Les décisions ont-elles déjà été prises depuis longtemps? Le gouvernement n'a-t-il en fait nullement l'intention d'opter pour un programme de remplacement, que ce soit tout de suite ou dans un avenir prévisible?

(1430)

Qu'en est-il exactement? Il n'est pas juste pour les femmes et les hommes qui servent à bord de ces avions et pour cette Chambre qui continue à poser des questions de ne pas obtenir de réponses à ces questions.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de l'intérêt suivi qu'il porte à cette importante question. Je le remercie aussi de ses éclaircissement au sujet de certains commentaires faits en cette Chambre la semaine dernière.

Je comprends que l'honorable sénateur insiste sur cette question. Je dirais que toutes les parties concernées, y compris le ministre de la Défense nationale, ont fait savoir publiquement que le remplacement de ces appareils était une affaire d'une très haute priorité. En fait le ministre a déclaré que c'était une affaire de première priorité car ces appareils sont vieux et, comme nous l'avons dit, ils exigent des travaux considérables pour leur maintenance.

Le ministre reconnaît également, comme le sénateur qui a soulevé la question dans cette Chambre, que le remplacement ne se fera pas du jour au lendemain. Même en supposant qu'une annonce officielle soit faite cet après-midi, le gouvernement continuerait d'appliquer un important programme de réparation, de rénovation et de modernisation de l'équipement de l'ordre d'environ 50 millions de dollars. Ce programme progresse semble-t-il rapidement et devrait être terminé dans un délai raisonnable. Il ne vise pas à exclure ou à éliminer la priorité dont nous avons parlé, mais il montre que le ministre est bien conscient de l'urgence de ce genre de modernisation.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, je n'avais pas vraiment l'intention de poser une question complémentaire, mais le ministre vient de dire encore une fois que le gouvernement réagit aux problèmes de sécurité des Sea King en mettant de l'avant un programme de modernisation de 50 millions de dollars. Le ministre sait-il que près de la moitié de ces 50 millions de dollars servent à réduire les coûts de soutien? Prenons le cas, par exemple, du plan de soutien des systèmes d'armes du Sea King, le WSFP 1998-2003, en date du 4 septembre 1997. En résumé, nous sommes le dernier pays à utiliser ces types de moteur et de transmission. Le coût et le manque de disponibilité des pièces de rechange de ces deux éléments sont responsables de la hausse des dépenses, et non la bienveillance d'un gouvernement préoccupé par la sécurité des aéronefs. Nous avons dû dépenser cet argent, faute de quoi ces appareils n'auraient pas volé, que ce soit de façon sécuritaire ou non.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je suis content que l'honorable sénateur se reporte au rapport que je lui ai fourni au sujet de la nature du programme de 50 millions de dollars. Ce n'est pas un rapport entièrement complet. Je ne répéterai pas les détails que j'ai donnés précédemment, mais je soulignerai qu'il y a des programmes concernant le remplacement et la réparation de la section centrale, la mise à niveau du moteur et le remplacement de la transmission, réparations qui à elles seules représentent 46,5 millions de dollars. Ce sont des réparations importantes et elles sont entreprises afin de donner suite à des préoccupations en matière de sécurité et, en effet, pour prolonger la vie opérationnelle utile des aéronefs. Certains des problèmes mentionnés par l'honorable sénateur et d'autres intervenants sont rattachés comme il faut s'y attendre à ces divers programmes de modernisation. Il est à espérer que ces dépenses qui sont faites à un rythme assez rapide permettront de corriger la majorité des problèmes existants.


Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de donner la parole à d'autres sénateurs, je tiens à vous présenter un très distingué visiteur qui est à la tribune: Son Excellence Li Ruihuan, président de la Conférence consultative politique et populaire chinoise de la République populaire de Chine. Le président Li est accompagné d'une délégation de la Conférence consultative qui, je le souligne aux honorables sénateurs, est à peu près l'équivalent du Sénat du Canada.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs de la délégation, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


L'environnement

L'Ontario-Les répercussions du projet de développement sur la moraine d'Oak Ridges

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat à propos du rôle du gouvernement relativement à la question de savoir si on devrait mettre un terme au développement de la moraine d'Oak Ridges. En 1999, la ministre de l'Environnement avait mis sur pied un groupe d'experts des évaluations environnementales pour évaluer l'autoroute de Red Hill Creek en fonction, selon ses mots, du niveau de préoccupation du public relativement au projet et de l'effet néfaste considérable qu'il pourrait avoir sur l'environnement.

La moraine alimente quelque 30 rivières, et le développement de ces terres risque de modifier de façon dramatique la manière dont la moraine traite l'eau. Pour ce qui est de la préoccupation du public, près de 3 000 résidents de la région métropolitaine de Toronto ont assisté, trois soirs différents, à des réunions publiques pour s'opposer au développement, et 465 scientifiques ont signé un document dans lequel on demande de protéger la moraine. Le gouvernement de l'Ontario a aussi déclaré qu'il était préoccupé. Le ministre actuel de l'Environnement, responsable alors des pêches et des océans, a également reconnu les préoccupations locales et les répercussions potentielles sur l'environnement en demandant un examen du prolongement proposé de l'autoroute Red Hill Creek.

Pourquoi le gouvernement du Canada, par l'entremise de son ministère des Pêches et des Océans ou du ministère de l'Environnement, ne s'est-il pas déclaré autorité responsable, comme il l'a fait dans le cas précédent, en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, et n'a-t-il pas mis sur pied un groupe d'experts, comme il l'a fait dans le cas de l'autoroute Red Hill Creek, afin de s'assurer que les résidents de la région du Grand Toronto continuent de bénéficier d'eau douce et de rivières poissonneuses et d'avoir l'assurance que leur gouvernement se préoccupe réellement de l'environnement dans cette région?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur de cette question. Elle souhaite obtenir des informations très spécifiques sur ce projet. Je n'en connais pas les détails et je pense qu'il serait sage de ma part de porter cette question à l'attention du ministre de l'Environnement, l'ex-ministre des Pêches comme elle l'appelle. Le ministre était bien connu pour son grand attachement aux questions environnementales, et ce, bien avant qu'il prenne ce portefeuille. Je lui demanderai quelle est exactement la position actuelle du gouvernement du Canada et, peut-être, quel pourrait être le rôle ou la position du gouvernement de l'Ontario et de son ministère de l'Environnement.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, je connais, bien entendu, les qualités du ministre de l'Environnement et je pense que c'est une personne admirable. Néanmoins, il me semble qu'il y a là une responsabilité fédérale. Il ne s'agit pas seulement d'aider le gouvernement de l'Ontario. Cette responsabilité est prévue par la loi fédérale, et elle a été exercée - à mon agréable surprise - pour la question de l'autoroute Red Hill Creek.

Il n'est pas dans notre intention de discréditer politiquement qui que ce soit, mais, lors de sa conversation avec le ministre ou le ministère, le leader du gouvernement pourrait peut-être découvrir pourquoi, dans le cas de l'autoroute Red Hill Creek, ils ont très rapidement bougé alors que, dans le cas présent, qui va avoir un impact considérable en Ontario, ils n'ont pas encore agi.

(1440)

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je vais certainement porter cette question à l'attention du ministre, ainsi que les renvois que le sénateur Spivak a faits à l'autre situation. Il faut espérer que le ministre traitera également de ce dossier-là dans sa réponse.

Comme l'honorable sénateur le sait, le gouvernement fédéral et les provinces se partagent la compétence en matière d'environnement. Comme j'ignore les détails du projet dont parle le sénateur, j'hésiterais à tirer des conclusions à ce moment-ci. Je vais certainement poser la question au ministre, et de la manière exprimée par le sénateur.

La défense nationale

L'accord avec les États-Unis sur le système de défense antimissiles balistiques-Le processus décisionnel

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre pourrait-il confirmer, ou alors fournir des explications à cet égard, un reportage paru dans le Toronto Star la semaine dernière, selon lequel un comité spécial du Cabinet aurait été formé pour examiner la question controversée de la participation du Canada au système national de défense antimissiles proposé par les États-Unis?

Le ministre pourrait-il indiquer comment le gouvernement prendra cette décision? Est-ce que ce sera par voie d'une décision secrète du Cabinet, d'une motion du gouvernement ou d'une consultation auprès des spécialistes du désarmement nucléaire au Canada?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai pas entendu toute la question. En ce qui concerne la première partie, je ne suis pas au courant de la constitution d'un tel comité, mais cela pourrait simplement vouloir dire que je n'en fais pas partie. Cependant, je vais poser la question au nom de l'honorable sénateur.

L'honorable sénateur aurait-il l'obligeance de répéter la deuxième partie de sa question?

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je remercie le ministre pour sa réponse. Bien des Canadiens s'inquiètent de la manière dont le Canada prendra sa décision concernant sa participation au système national de défense antimissiles proposé par les États-Unis. Selon l'article paru dans le Toronto Star, un comité spécial du Cabinet doit être constitué pour arriver sans tarder à une décision à cet égard.

Le gouvernement a-t-il pris note des déclarations faites depuis deux semaines à la conférence des Nations Unies sur l'examen du traité de non-prolifération? À cette conférence, les proches alliés des États-Unis, en particulier le Royaume-Uni et la France, ont critiqué le système de défense antimissiles, disant qu'il menace la stabilité internationale et mine les accords sur le contrôle des armements.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je suis convaincu que le gouvernement est au courant de ces déclarations. En ce qui concerne le système américain de défense antimissiles, le gouvernement n'a pas encore pris position. En fait, mes données indiquent que le gouvernement américain, ou l'un de ses départements, n'a pas demandé au gouvernement canadien de participer à ce projet.

Je ne peux pas prévoir ce que fera le gouvernement ou le Cabinet. Cependant, pour le moment, le Cabinet n'a adopté aucune position. À ce que je sache, le Cabinet n'a pas été appelé à prendre position.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, il y a trois mois, le gouvernement n'avait pas exprimé sa position à ce sujet. Le ministre des Affaires étrangères s'y est cependant opposé. Le ministre de la Défense nationale a mentionné que l'affaire n'était pas réglée. Il semble exister un manque de coordination entre deux ministres au conseil des ministres. C'est embêtant pour le gouvernement.

J'aimerais savoir si la réponse du leader du gouvernement signifie que le gouvernement n'a pas pris position. Il y a trois mois, le gouvernement n'avait pas exprimé clairement sa position. Pourtant, à un moment donné, le gouvernement devra se brancher. C'est ce que nous voulons savoir. Quand le gouvernement se branchera-t-il?

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, j'ose croire que mes informations ne datent pas de trois mois. Le gouvernement n'a pas pris position dans ce dossier. De toute évidence, il participe à la défense du continent avec les États-Unis, dans le cadre du NORAD, mais il n'a pas pris position à ce sujet.

Les informations les plus récentes que je possède, et je vais vérifier pour m'assurer d'avoir les renseignements les plus à jour, indiquent que le gouvernement n'a reçu aucune demande. Tant et aussi longtemps qu'il ne reçoit pas de demande à cet égard, il n'a aucune raison de prendre position dans un sens ou dans l'autre.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, on a posé cette question récemment à certains d'entre nous dans une autre région du globe. Il nous semble qu'un débat se déroule déjà au Cabinet; il a donc certainement été saisi de la question, du moins dans un but de discussion. Nous voulons tous savoir qui l'emporte pour le moment. Qui gagne, le ministre des Affaires étrangères ou le ministre de la Défense nationale? De même, qui parle au nom de qui?

J'ai eu l'honneur d'assister aux travaux de la Commission du désarmement des Nations Unies aux côtés du premier ministre Trudeau. Comment se fait-il que, chaque fois qu'il est question de traités de non-prolifération, nous pointions immédiatement du doigt l'Inde et le Pakistan tout en observant le silence sur le Moyen-Orient? Ce n'est plus un péché d'affirmer en public qu'Israël est une puissance nucléaire. Auparavant, c'était un péché mortel ne serait-ce que de laisser entendre que ce pays disposait d'un arsenal nucléaire. Pourtant, le gouvernement du Canada et notre ambassadeur auprès des Nations Unies refusent obstinément de mentionner quatre des non-signataires de ce traité, pour n'en montrer du doigt que deux, l'Inde et le Pakistan. Soit qu'on nomme tous ceux qui ne l'ont pas signé, soit qu'on les désigne collectivement.

Le ministre peut-il nous faire savoir d'ici à la fin de la semaine qui a le dessus, en ce moment, dans les discussions au Cabinet?

En deuxième lieu, pourrait-il obtenir que le gouvernement, lorsqu'il mentionne les non-signataires du traité de non-prolifération, les nomme tous? Je sais à quel point cela peut embarrasser certains de nommer tous ces non-signataires, mais Israël en est un et il a contaminé tout le Moyen-Orient. Il a lancé au Moyen-Orient une course à l'armement qui est totalement contraire aux principes chers au Canada, ce grand artisan de la paix dans le monde.

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, il est un peu plus aisé de répondre à la seconde question qu'à la première. En ce qui concerne la seconde question, je ne manquerai pas de transmettre la requête du sénateur, qui voudrait que chaque fois qu'il sera question des non-signataires du traité de non-prolifération de l'armement nucléaire, tous les non-signataires soient nommés.

Quant aux délibérations qui pourraient se dérouler au Cabinet, il m'est difficile de promettre d'en rendre compte ou même de dire si elles ont effectivement eu lieu. Toutefois, si le Cabinet prend une décision sur cette question, je ne manquerai pas d'en informer les sénateurs dans les meilleurs délais.

Les affaires étrangères

La réaction à la guerre civile en Sierra Leone

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, quand les Nations Unies n'ont pas voulu, ou n'ont pas pu, intervenir énergiquement au Kosovo, le Canada a été l'un des pays à avoir mené une action innovatrice au nom de la sécurité humaine.

(1450)

Le leader du gouvernement au Sénat conviendra-t-il que les enjeux de sécurité humaine en Sierra Leone sont aujourd'hui aussi graves que ceux qui existaient au Kosovo il y a un an? Quelles solutions innovatrices le Canada propose-t-il compte tenu du fait que l'ONU ne peut pas pour le moment ou ne veut pas intervenir là-bas?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Andreychuk de soulever cette question très à propos, comme nous pouvons le voir ces derniers jours dans les actualités.

Le sénateur n'ignore probablement pas que le Canada n'a pas d'ambassade en Sierra Leone. Notre haut-commissariat en Inde, le pays voisin, cumule la responsabilité pour la Sierra Leone.

On me dit que le ministère diffuse un avertissement consulaire aux voyageurs dans lequel il leur conseille de ne pas visiter ce pays. Plus récemment, en mai, cet avertissement a été mis à jour de façon à demander non seulement aux Canadiens de ne pas se rendre dans ce pays, mais encore aux Canadiens qui y sont déjà de le quitter au plus vite.

Même si nous n'avons aucune présence diplomatique dans ce pays, je crois que notre ministre y est allé il y a environ une semaine. À ses propres risques, probablement, il s'est entretenu avec diverses parties en vue d'exposer clairement la position du Canada, qui est en faveur du respect et du renforcement de l'accord de paix et du maintien de la présence onusienne. Je crois que c'est bien cela.

Il a été décidé de maintenir la présence des casques bleus. On me dit qu'à l'heure actuelle, ils y sont en plus grand nombre que n'importe où ailleurs dans le monde. On me dit aussi que des renforts y seront dépêchés pour parer aux problèmes de sécurité personnelle que mentionne le sénateur.

Honorables sénateurs, je ne connais pas suffisamment la situation en Sierra Leone pour la comparer à d'anciens points chauds du globe, mais je sais que la situation y est très grave. Le ministère des Affaires étrangères la suit de près. Il est à espérer que les forces des Nations Unies y seront renforcées et qu'elles pourront revenir à leur rôle de maintien de la paix plutôt que de s'occuper de la situation actuelle, qui n'a rien de paisible.

Le sénateur Andreychuk: Ce qui me préoccupe, c'est que dans le cas de l'Afrique, nous cherchons toujours à «renforcer la présence des Nations Unies», alors que dans celui de l'Europe, nous intervenons directement, comme nous l'avons fait au Kosovo.

Honorables sénateurs, je ne puis penser à une situation plus désespérée que celle de la Sierra Leone. Des enfants perdent des membres tous les jours. C'est effrayant. Dans cette guerre, des enfants font office de soldats. Il est certain que le renforcement des forces de maintien de la paix et l'envoi d'autres casques bleus ne suffiront pas, compte tenu du mauvais fonctionnement des structures de contrôle et de commandement là-bas. Si la sécurité humaine veut dire quelque chose dans le monde, il faut qu'elle ait un sens non seulement en Europe, mais aussi dans le monde entier.

Quelle est la position du gouvernement au sujet de l'utilisation du thème de la sécurité humaine pour faire quelque chose de créatif et de différent en Sierra Leone? Par exemple, cette question est liée aux diamants. En Angola, le Canada a pris une bonne initiative en préconisant une cessation immédiate du commerce illégal de diamants. Que fait le gouvernement canadien, qui s'est placé à l'avant-scène de la sécurité humaine, en Sierra Leone aujourd'hui?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, en ce qui concerne la situation en Sierra Leone, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement du Canada a pour mission d'appuyer les efforts des Nations Unies. Il est très important que les efforts des Nations Unies soient couronnés de succès sur ce théâtre. Ce n'est pas l'affaire d'un seul pays. Nous appuyons les efforts des Nations Unies. En ce qui a trait aux effectifs, j'estime que notre contingent en Sierra Leone est très petit. D'ailleurs, je pense qu'il a été en bonne partie relevé. Nous n'avons probablement presque plus personne à l'heure actuelle. Notre présence y est donc minime.

La composition de la force des Nations Unies est une question qui a été déterminée par les Nations Unies, en consultation sans doute avec le Canada à titre d'un des chefs de file mondiaux dans les efforts de maintien de la paix, mais notre présence n'était pas requise de cette manière sur ce théâtre. Toutefois, nous ferons tout ce que nous pouvons. Je crois savoir que 700 ou 800 soldats britanniques sont arrivés sur les lieux et on espère qu'ils renforceront la sécurité personnelle, du moins autour de la capitale.

Honorables sénateurs, nous devrions continuer d'appuyer et de renforcer les efforts des Nations Unies de toutes les manières possibles, y compris l'envoi de soldats supplémentaires, comme d'autres pays l'ont envisagé, à la demande des Nations Unies. J'estime que les efforts vont dans ce sens.

L'autre question que le sénateur a soulevée concerne les répercussions commerciales des mesures que pourrait prendre le gouvernement. C'est une question au sujet de laquelle les efforts pour rechercher une solution se poursuivront sans aucun doute. En fait, on croit que le conflit s'est aggravé quand les troupes des Nations Unies se sont approchées de la source des diamants.

Les Nations Unies

L'appui du gouvernement au Centre pour les victimes de torture

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, le gouvernement serait-il disposé non seulement à faire preuve de leadership au Conseil de sécurité des Nations Unies afin de faire quelque chose sans délai au sujet de la situation en Sierra Leone, mais également à envisager de renforcer son engagement envers le Centre des Nations Unies pour les victimes de torture?

Nous avons eu des réunions sur les mines terrestres et j'appuie entièrement l'initiative du Canada à cet égard en raison des innocents, particulièrement les enfants, qui sont tués ou mutilés par ces engins. Les mutilations qui se produisent encore aujourd'hui laissent des conséquences physiques et psychologiques qui se feront sentir longtemps sur ce continent et dans le monde. La dernière fois que j'ai vérifié, le Canada accordait 30 000 $ au centre pour les victimes de torture. J'ai cru comprendre que le ministre essaierait de faire passer cette somme à 60 000 ou à 100 000 $. La somme de 30 000 $ ne suffit tout simplement pas, étant donné ce que font les autres pays du monde.

Non seulement j'invite le gouvernement à agir immédiatement au sujet de la situation en Sierra Leone, mais je demande aussi au leader si le gouvernement est prêt à envisager un engagement à long terme pour pouvoir apporter une aide efficace aux enfants touchés.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je communiquerai bien sûr au ministre les questions du sénateur Andreychuk sur ces deux sujets, soit les activités des Nations Unies et l'aide aux victimes de ce conflit, et je lui demanderai d'y répondre.

La santé

La réaction devant la progression de la demande

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon une nouvelle étude d'IMS Health Canada, un groupe d'information sur la santé, si la tendance révélée par les statistiques récentes sur l'utilisation des services de santé par les baby-boomers se maintient, les coûts des services de santé augmenteront de façon marquée au fur et à mesure que ce groupe vieillira. Selon IMS, les baby-boomers, c'est-à-dire les Canadiens de 40 à 59 ans, qui constituent 27 p. 100 de la population, comptent pour 52 p. 100 de l'augmentation de 22 millions de visites chez le médecin en 1999.

Comment le gouvernement répondra-t-il à la demande de médicaments d'ordonnance d'une population vieillissante dont la consommation de médicaments est en augmentation? Qu'advient-il du régime national d'assurance-médicaments que le gouvernement avait proposé en 1993? Ce régime fait-il encore partie de la stratégie gouvernementale de revitalisation des soins de santé et, sinon, le gouvernement a-t-il prévu des mesures de remplacement pour faire face à l'augmentation de la demande?

(1500)

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Le sénateur soulève une question intéressante. Pendant les deux années où je n'ai pas assumé de charges publiques, j'ai participé à une activité liée à la santé. J'ai assisté, à Toronto, à une importante conférence au cours de laquelle le ministre de la Santé et le président de l'Ontario Medical Association ont fait un exposé conjoint - ce qui, en soi, constitue un exploit. Ils ont placé deux graphiques côte à côte. Le premier graphique montrait l'énorme augmentation des coûts annuels par personne, à partir d'un certain âge. Ce graphique était divisé en fonction de diverses catégories démographiques, par exemple, les groupes d'âge de zéro à 30 ans, de 30 à 45 ans, de 45 à 60 ans et de 60 ans et plus.

Le deuxième graphique présentait des données démographiques sur la population canadienne - c'est justement dans ce groupe d'âge qu'il y a une forte concentration d'individus. Le sénateur a probablement entendu parler du livre de David Foot intitulé Entre le Boom et l'Echo. Ce groupe d'individus est en train de prendre de l'âge et il va bientôt coûter très cher.

La préoccupation soulevée par le sénateur est très légitime. Je m'étonne toujours qu'il n'y ait pas plus de personnes qui font des observations directes ou qui attirent l'attention sur cette question, car elle représente un énorme défi pour nous tous - probablement le défi le plus important que le gouvernement ait à relever, selon moi. Je suis heureux que le sénateur soulève cette question.

Comment les gouvernements du Canada composeront-ils avec cette réalité? Ils devront certainement engager des fonds. Avec le temps, nous devrons engager des ressources supplémentaires dans le système pour résoudre le problème. Cependant, la solution n'est pas uniquement d'ordre monétaire. Quand on examine les deux graphiques, on constate très rapidement qu'il est impossible d'injecter de l'argent dans le système suffisamment vite pour résoudre le problème que pose cette forte concentration d'individus.

Les provinces et le gouvernement fédéral discuteront de ces questions très prochainement. En fait, il est déjà question d'une autre rencontre des ministres de la Santé, qui serait suivie, à un moment donné, par une rencontre des premiers ministres. Voilà le genre de question qu'il faut poser. La solution ne se limite pas nécessairement à injecter des fonds dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Il faut faire un examen beaucoup plus approfondi du problème. Je pense que les gouvernements devront mettre de côté le sectarisme politique pour résoudre ce problème, qui touche tous les gouvernements du Canada et qui constitue probablement le défi le plus important que nous ayons à relever.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, en donnant cette réponse, le ministre se trouve-t-il à dire que le gouvernement a prévu plus d'argent pour régler ce problème dans sa stratégie actuelle de revitalisation des soins de santé?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, la réponse courte à cette question est que des fonds additionnels ont été prévus. Toutefois, à mesure que nous avancerons dans ce dossier, je peux prévoir que tous les gouvernements devront accroître leurs engagements.


[Plus tard]

Visiteurs de marque

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, avant de passer à un autre orateur, je voudrais présenter M. Robert Sturdy, qui est à notre tribune en compagnie de son épouse, Elizabeth. M. Sturdy est président de la délégation du Parlement européen pour les relations avec le Canada. Il est au Canada pour participer à un atelier sur la salubrité des aliments, organisé par l'Association parlementaire Canada-Europe.

M. Sturdy, nous sommes impatients de nouer des liens d'amitié étroits avec le Parlement européen. Bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je veux d'abord appeler l'article 4 sous la rubrique «Affaires du gouvernement», soit la reprise du débat sur le projet de loi C-20, qui a été ajourné au nom du sénateur Pitfield.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec.

L'honorable P. Michael Pitfield: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de parler longuement de cette mesure législative aujourd'hui. Malheureusement, toutefois, des problèmes de santé m'ont empêché de terminer le travail que je suis en train de préparer pour vous en respectant les normes de qualité auxquelles je tiens et que vous méritez.

Si j'invoque le Règlement maintenant, c'est pour m'excuser de ce retard et vous demander d'être patients pendant que je continue de me préparer afin de pouvoir vous présenter mon discours jeudi prochain au lieu d'aujourd'hui.

Les problèmes dont nous discutons sont très complexes et, en plus, ils ne datent pas d'hier. Pour des raisons de ce genre, ils ne touchent pas uniquement une personne ou une organisation au sein de notre système gouvernemental, ni même une seule période de temps. Bien au contraire, ils touchent tous et chacun d'entre nous, ceux à venir comme ceux qui nous ont déjà quittés, et c'est pourquoi il est si important et approprié de les soumettre à un comité parlementaire.

Le gouvernement semble prêt à se pencher sur le rôle de la Chambre des communes d'une manière souple et subtile. Je crois que tous en seront heureux. Je serais d'ailleurs étonné qu'il ne se penche pas aussi sur le rôle du Sénat dans la même optique.

Je m'inquiète à l'idée que le comité, comme bon nombre d'autres au cours des dernières années, se retrouvera forcé d'accepter du matériel d'un calibre assez faible. Comme je considère qu'il est essentiel que le travail que nous avons devant nous soit bien fait, je vous demande de m'accorder le temps de vous présenter ce matériel.

Le gouvernement n'a pas eu grand-chose à dire en ce qui a trait à la représentation des intérêts liés au régionalisme, aux droits individuels et à la diversité dans la Constitution. Toutes ces questions sont liées entre elles. Je suis persuadé qu'un Sénat adéquatement réformé et tiré de son extraordinaire isolement pourrait être utile, en tant qu'institution, pour appuyer et renforcer nos objectifs constitutionnels. Nous devrions certainement être en mesure de soumettre ces questions à notre comité.

Honorables sénateurs, je trouve essentiel que ces questions soient prises en compte et étudiées très attentivement. Je reconnais la qualité des recherches dont notre collègue, le sénateur Joyal, m'a fait part. Il a préparé un dossier très bien documenté à ce sujet qui mérite d'être étudié attentivement. Ce dossier touche la souveraineté nationale et les fonctions du Sénat à titre d'institution nationale. Ce sont des arguments très forts dont le gouvernement doit tenir compte.

(1510)

Avec votre patience et votre compréhension, honorables sénateurs, je suis persuadé que nous pourrons mener cette responsabilité à bien.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, suite aux commentaires formulés par notre distingué collègue sur le rappel au Règlement, nous serons heureux d'entendre ce qu'il aura à nous dire jeudi prochain.

[Français]

L'honorable Melvin Perry Poirier: Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole dans le cadre du débat sur le projet de loi C-20. Plusieurs intervenants de cette enceinte se sont fait entendre sur cette question en abordant ce projet de loi sous tous ses angles.

Plusieurs ont concentré leur intervention sur le rôle que le Sénat est appelé à jouer dans l'évaluation de la clarté de la question et de la majorité référendaire. Je pense que ce rôle n'est pas négligeable puisque la Chambre des communes prendra en considération les résolutions ou déclarations officielles du Sénat sur cette question.

Pour ma part, je limiterai mon intervention à la légitimité du projet de loi et au besoin crucial auquel il vient répondre.

Honorables sénateurs, depuis au moins 35 ans, la vie publique canadienne, et en particulier la vie politique québécoise, a été marquée par la menace constante de la sécession du Québec. Il existe différentes façons de répondre à cette menace. On me permettra d'en énoncer quatre.

Certains disent qu'il faut combler tous les désirs des ultra-nationalistes québécois, de façon à les garder satisfaits au sein du Canada. Le problème majeur que pose cette approche, c'est qu'elle mène inévitablement à une surenchère politique et constitutionnelle, puisqu'il n'existe aucun moyen de satisfaire les nationalistes à tous crins.

D'autres proposent d'entamer une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles, en faisant fi du peu de réceptivité dont fait l'objet ce type de débat à travers le pays. Le dilemme de cette formule est très évident, puisque nous avons encore à l'esprit les échecs qu'a connus cette approche par le passé.

D'autres encore proposent de ne rien faire du tout, étant donné le peu de soutien tangible dont jouit une option véritablement séparatiste dans l'opinion publique. J'y vois pour ma part la pire des avenues possibles. J'estime au contraire que le gouvernement du Canada doit être prêt à toute éventualité, ce qui nous amène à la quatrième façon d'aborder le problème séparatiste au Québec.

Je crois que l'approche la plus sensée et la plus pertinente pour faire face à cette question est une option équilibrée, qui consiste à travailler jour après jour à l'amélioration de notre fédération et à s'assurer qu'advenant un troisième référendum sur la souveraineté, les Québécois ne risquent pas de perdre le Canada sur un malentendu. En d'autres mots, il faut s'assurer que le processus d'un troisième référendum réponde à des critères et à des exigences de clarté. Voilà l'approche que retient le gouvernement du Canada.

Je n'ai pas besoin de plaider longtemps pour faire ressortir la pertinence d'une telle approche. La survie d'un pays est la question la plus fondamentale sur laquelle un peuple peut avoir à se prononcer. L'exigence de clarté s'impose donc d'elle-même.

[Traduction]

Les référendums de 1980 et de 1995 ont montré que les dirigeants séparatistes du Québec ne reculent devant rien et sont prêts à recourir à n'importe quel stratagème pour rallier la majorité à leur option. Cet aspect du débat a été déjà étudié longuement. Je ne m'y attarderai donc pas aujourd'hui. Nous ne devons pas oublier que ce sont les astuces du gouvernement péquiste qui nous ont incités à agir pour garantir que les Québécois ne perdront pas leur pays, le Canada, à moins qu'ils ne disent clairement que c'est ce qu'ils veulent.

[Français]

Nous sommes d'autant plus justifiés d'intervenir que ce projet de loi respecte en tous points l'avis rendu public par la Cour suprême en août 1998. Cet avis met en relief le besoin de clarté dans le processus référendaire.

Honorables sénateurs, je me demande à quoi peuvent s'attendre de notre part les opposants à ce projet de loi et quelle est leur conception du rôle d'un gouvernement. Il va de soi que notre pays nous tient à coeur et que nous renoncerions à nos responsabilités si nous négligions de nous assurer de la clarté du processus référendaire. Les premiers à s'en plaindre seraient les Québécois, et ils auraient raison.

En choisissant cette voie, le gouvernement du Canada ne brime aucunement les Québécois et ne les prive d'aucun droit. L'avis de la Cour suprême stipule qu'advenant une majorité claire à une question claire, le gouvernement du Canada aurait l'obligation d'entamer des négociations sur la sécession avec le gouvernement du Québec. Le projet de loi vient donner effet à cet avis.

Le texte de l'avis précise par ailleurs qu'il revient aux acteurs politiques de déterminer ce que sont une majorité claire et une question claire. Le gouvernement du Canada étant, hors de tout doute, l'un de ces acteurs, il a la responsabilité de s'assurer qu'il n'entamerait de telles négociations que s'il juge que la question et la majorité permettent de constater la volonté de la population d'une province de faire sécession d'avec le Canada.

Ce n'est pas avec enthousiasme que le gouvernement du Canada procède à l'adoption de cette législation. De nombreuses autres questions doivent aussi retenir son attention mais, comme je l'ai mentionné plus tôt, peu d'enjeux se révèlent aussi fondamentaux que la survie même d'un pays.

Nous devons à tous les Canadiens, à ceux qui nous ont précédés comme à ceux qui vont nous succéder, de nous assurer que ce pays ne sera pas brisé sur un malentendu ou une manoeuvre politique partisane.

[Traduction]

Chose certaine, le projet de loi a fait l'objet de certaines critiques. On a soutenu par exemple qu'il n'était pas nécessaire de légiférer, que l'avis de la Cour suprême suffisait. Je ne partage pas cette opinion, honorables sénateurs.

Le gouvernement avait le devoir de donner effet à l'avis de la Cour suprême et de nous doter des moyens de garantir que l'approche adoptée par le gouvernement péquiste se conforme à toutes les exigences d'une démocratie soucieuse de la règle de droit. Le projet de loi C-20 répond à cette recherche de clarté, clarté qui est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie.

[Français]

Honorables sénateurs, ce gouvernement fait le pari de la clarté. Nous sommes à l'aise avec cette démarche. D'une part, parce qu'elle s'impose en toute logique et, d'autre part, parce que nous avons la conviction que, dans la clarté, les Québécois ne renonceront jamais au Canada.

(1520)

C'est ce qu'indiquent tous les sondages d'opinion, qui révèlent qu'une question claire et sans confusion ne vaut qu'un faible appui à la séparation du Québec. Au contraire, une question confuse, qui fait appel par exemple aux notions d'association ou de partenariat, génère un appui plus prononcé en faveur des souverainistes. C'est une tendance qui a été observée depuis la création du mouvement indépendantiste au Québec.

[Traduction]

On a soutenu également que le projet de loi ne ferait que raviver la flamme du nationalisme au Québec. Il convient cependant de définir ce qu'on entend par nationalisme, honorables sénateurs.

La notion de nationalisme, telle qu'elle existe au Québec, ne va pas forcément de pair avec le séparatisme. Beaucoup de dirigeants québécois ont exprimé un sain nationalisme qui a été un facteur de changement, sans préconiser la séparation du Québec.

[Français]

Par-dessus tout, nous faisons confiance au jugement des Québécois. Nous sommes persuadés que, si un troisième référendum sur la souveraineté devait leur être imposé, les Québécois, dans la clarté, rejetteraient la voie de la rupture.

Pour toutes ces considérations, honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi C-20. Nous n'avons pas la prétention de croire qu'il solutionnera à lui seul la question de l'unité nationale, mais nous avons la conviction qu'il constitue un grand pas en avant, en mettant l'accent sur l'héritage démocratique que les Québécois partagent avec les autres Canadiens.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur Perry Poirier accepterait-il de répondre à quelques questions?

Le sénateur Perry Poirier: D'accord.

Le sénateur Prud'homme: L'honorable sénateur ne serait-il pas de l'avis qu'il y ait non seulement un comité pour étudier cette question, mais que l'on puisse aussi envisager que ce comité sénatorial parcoure le Canada? Si nous adoptions le projet de loi tel qu'il est libellé, nous éliminerions le Sénat du processus de discussion. Un seul comité est-il suffisant pour étudier cette question? Étant donné l'importance du sujet discuté, n'y aurait-il pas lieu que ce comité puisse voyager à travers le Canada pour bien comprendre et saisir toute la portée de ce projet de loi très important?

Le sénateur Perry Poirier: Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Prud'homme a une très bonne idée. Un comité qui parcourerait le Canada d'un bout à l'autre pourrait répondre à la question plus facilement qu'un seul comité siégeant à Ottawa.

[Traduction]

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je crois que la plupart de mes collègues de ce côté-ci se rendent compte que je ne vais pas appuyer le projet de loi C-20. Je vais effectivement parler contre le projet de loi C-20.

Ayant dû m'absenter du pays au cours des dernières semaines, je me suis fait envoyer le compte rendu des débats et j'ai continué de me renseigner sur le sujet. Je crois que je suis le premier représentant de l'Ouest à me prononcer sur le projet de loi. Je ne vais pas aborder le projet de loi dans toute son étendue. Je vais m'en tenir à la question de la préséance et à la question du rôle du Sénat dans le dossier.

J'ajouterais toutefois que, trop souvent, quand on lance une pierre dans l'eau, je veux dire dans cette enceinte, on pense que le clapotis ne se fait entendre qu'à Ottawa. Il ne faut pas oublier - et c'est la raison pour laquelle je souscris à la partie du projet de loi où il est question de clarté - qu'il y a des séparatistes en Alberta. En effet, ils avaient formé le deuxième parti en importance au début des années 80. Qui sait, il revivra peut-être de ses cendres. Les Albertains commencent à être passablement fortunés, et c'est un fait bien connu que la plupart des gens fortunés ont tendance à s'enfuir ailleurs avec leur argent ou à ériger un mur autour de leur fortune. Le concept de séparatisme n'est peut-être pas mort à tout jamais.

Honorables sénateurs, je voudrais féliciter le gouvernement d'avoir songé à un projet de loi sur la clarté ou sur les conditions de séparation d'une province. J'épouse entièrement cette idée. Je trouve cependant que ce processus comporte une lacune puisque le Sénat en est exclu. C'est là une lacune capitale du projet de loi C-20, une erreur fatale.

Honorables sénateurs, nous pouvons analyser la question de savoir si le Sénat devrait ou non jouer un rôle dans le cadre du projet de loi, en examinant l'aspect politique et l'aspect juridique. Voyons d'abord l'aspect juridique. Dans leurs interventions, le leader du gouvernement au Sénat et, plus tard, le sénateur Fraser ont parlé du fait que ce serait à la Cour suprême et aux acteurs politiques, ou aux représentants élus, de décider. J'ai alors eu un bref entretien avec le ministre responsable à l'autre endroit et je lui ai demandé pourquoi le Sénat avait été exclu. Il m'a répondu de façon tranchante que c'était parce que si nous ne l'avions pas été, la Cour suprême aurait déclaré la loi ultra vires, illégale. Après avoir poursuivi mes recherches et parlé aux recherchistes, j'ai conclu que si nous sommes dans le pétrin, c'est à cause d'un recherchiste qui ne savait pas faire la distinction entre un acteur politique et un représentant élu.

Venant de l'Alberta, je dois admettre qu'il est facile de confondre acteurs et représentant élus. Toutefois, une telle erreur ne devrait pas être commise lorsqu'il s'agit de faire des recherches pour une mesure législative. En d'autres termes, si l'on avait défini correctement l'expression «acteurs politiques», comme cela aurait dû être le cas au départ, je ne pense pas que le Sénat aurait été exclu.

Honorables sénateurs, certains diraient que je suis trop charitable, qu'il est des gens connus pour toujours glisser des peaux de banane au Sénat, que ceci n'est pas un accident, mais un acte délibéré. Je préfère, venant de l'Ouest et ayant respiré l'air sain des Rocheuses, penser qu'il s'agit en fait d'une erreur plutôt que d'un acte délibéré.

Honorables sénateurs, partant de là, nous pouvons examiner la question du Sénat et du vote régional.

(1530)

Rappelez-vous, honorables sénateurs, que si la Chambre des communes doit trancher une question, elle doit tenir compte du fait que près de 60 p. 100 des électeurs vivent en Ontario et au Québec. Peut-être qu'au cours de la prochaine génération ou dans deux générations, deux tiers du vote national seront regroupés dans une Chambre. Au Sénat, cependant, le Québec et l'Ontario seront toujours limités à moins de 50 p. 100. S'il y a un rempart contre la dictature de la majorité, c'est bien le Sénat. Dans les domaines de la religion, de la race et des ressources, le Sénat est là.

On peut dire que, dans ce cas-ci, on ne parle que d'une province. Le fait est que lorsqu'on ouvre une porte, on ne sait jamais jusqu'où cela va aller.

Je vais vous citer un passage du discours du sénateur Fraser qui figure à la page 914 des Débats du Sénat du 30 mars. Le sénateur Fraser est la présidente de notre caucus, une personne extrêmement intelligente. Elle a déclaré:

Je suis cependant fortement touchée par l'argument voulant que l'objet du projet de loi C-20, l'approche du gouvernement à l'égard d'une sécession possible d'une province du Canada, est une autre question de ce genre, une chose qui est si fondamentalement politique, si intimement et directement liée à la volonté du peuple, qu'elle tombe également dans cette petite mais très importante catégorie où c'est la Chambre des communes, et non le Parlement dans son ensemble, qui doit prendre la décision et, bien entendu, assumer la responsabilité à cet égard.

On se rapproche de la sédition. C'est une politique très dangereuse. Comprenez-vous que le sénateur Fraser est non seulement la présidente de notre caucus, mais que son discours a probablement été passé au crible par le cabinet du premier ministre? Elle n'a pas fait que parler en l'air de cette question; elle parlait d'autorité.

Le sénateur Fraser pourrait fort bien nier cela et elle aura une chance de poser une question dans un instant. Elle est, à mon avis, une personne très importante dont je suis de très près l'opinion.

Je dois demander ce qui se produit ici. Ces choses sont-elles si fondamentalement et intimement liées qu'elles doivent être faites par la Chambre des communes? Qu'est-ce qui justifie cela sur le plan constitutionnel? Est-ce le Québec cette fois-ci? S'agira-t-il des droits autochtones une autre fois? Qu'en est-il de ceux d'entre vous qui viennent des Maritimes et de l'Ouest? Et s'il était question d'une politique énergétique nationale?

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Taylor: Supposez par exemple, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, que la Chambre des communes décide d'exiger une politique nationale en matière d'énergie au moment où le prix mondial du pétrole se situe à 80 $ le baril. Ils pourraient exiger un changement à la Constitution. Ils pourraient décider qu'ils ont commis une erreur stupide en accordant la responsabilité des ressources aux gens des Maritimes et de l'Ouest. Qu'arrivera-t-il s'ils disent qu'ils doivent modifier la situation par l'entremise d'un projet de loi, mais que la question est si importante qu'ils préfèrent ne pas demander le point de vue du Sénat à ce sujet?

Allons encore un peu plus loin. Supposons que la question des langues autochtones se pose dans l'Extrême-Arctique. Qu'arrive-t-il si la Chambre des communes décide, pour le bien du pays, de ne pas mettre les entreprises du Nord à l'abri d'une invasion par les entreprises du Sud en mettant la langue dans une sorte de carcan artificiel et qu'elle décrète être la seule à se prononcer sur cette question?

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Taylor: À partir de là, tout prend essentiellement l'allure d'une course. Qu'est-ce qui est supposé les arrêter?

Je viens de rentrer d'une conférence interparlementaire qui a eu lieu en Jordanie. Les Israéliens, les Arabes et les Iraniens discutaient tous au sein de leurs différents groupes raciaux. Nous devons nous rendre compte que nous sommes chanceux au Canada de vivre dans une société qui est presque non raciale. Pourquoi en est-il ainsi? Parce que c'est ainsi que nous la présentons. Le fait que nous n'ayons pas beaucoup de préjugés ne tient pas uniquement au fait que nous sommes nés sous des cieux favorables. De fait, ma vision de l'humanité est si noire que je crois que nous n'avons pas de préjugés parce que nous n'avons pas assez de pouvoirs pour l'emporter sur les autres, de sorte que nous devons tous nous entendre.

Une voix: Je suis d'accord avec vous.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Taylor: Cela étant dit, pourquoi devrions-nous faire demi-tour dans ce projet de loi et accorder à une Chambre majoritaire, qui a besoin uniquement de l'accord de l'Ontario et du Québec, le droit de fouler aux pieds les droits de tous les autres?

Le Sénat existe pour une bonne raison. Nous devrions réfléchir très sérieusement avant de nous prononcer sur quelque résolution que ce soit qui exclut le Sénat du processus. Grâce à ce précédent, il serait très facile pour la Chambre des communes de décider qu'elle peut gérer le pays seule. Il n'était pas nécessaire de présenter un projet de loi dans ce cas-ci. Ils auraient pu adopter une résolution au sein de leur propre Chambre. Ils n'avaient pas besoin de se présenter ici et de nous demander de signer notre arrêt de mort.

Le sénateur Prud'homme: Bravo!

Le sénateur Taylor: Pour une raison quelconque, il y a là-bas un dépositaire de la «sagesse» qui croit qu'une majorité élue de deux provinces ne peut jamais se tromper. Je n'en crois rien.

Avant de me rasseoir, je voudrais parler de stratégie.

Le sénateur Prud'homme: Oh, oh!

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je ne vois pas où je me suis trompé, mais si le sénateur Prud'homme m'encourage par ses applaudissements, je vais devoir relire mes propos.

En ce qui a trait à la stratégie, le Parti libéral est sans aucun doute le seul parti à la Chambre des communes à exiger une majorité supérieure à 50 p. 100 des voix plus une. Il exige une majorité de soixante-six et deux tiers pour cent.

Que croyez-vous qu'il se passera si un gouvernement minoritaire est élu aux prochaines élections? La question dont nous sommes saisis aujourd'hui ne se rendra même pas jusqu'au Sénat. Le Sénat sera le seul qui restera à réclamer plus qu'une majorité de 50 p. 100 des voix plus une pour légitimer une séparation finale.

Supposons, terreur des terreurs, qu'émerge ce parti venu de l'Ouest, qui n'était à peu près rien il y a un an. Les gens pouffaient de rire quand je les mettais en garde au sujet du Parti réformiste. Cette formation politique partie de presque rien a acquis beaucoup de vitesse à la fin de l'année dernière. On peut maintenant presque entendre le bruit du galop...

Le sénateur Cools: Mais il est poète!

Le sénateur Taylor: ...et un grand cri à la Frankie Lane, pendant que les Stockwell Day, Preston Manning et Joe Clark parcourent le pays au pas de charge. L'un d'eux pourrait devenir premier ministre. C'est possible. On voit de drôles de choses en démocratie. Ceux d'entre nous qui croient à la règle des deux tiers seraient alors très reconnaissants que le Sénat s'interpose, face à la Chambre des communes et à sa majorité de 50 p. 100 des voix plus une.

La stratégie sur laquelle repose ce projet de loi me déconcerte. En terminant, j'estime que nous ne devrions pas renvoyer ce projet de loi en comité, car il comporte de graves lacunes. C'est un mauvais projet de loi.

Le cabinet du premier ministre et les rédacteurs du projet de loi devraient oublier leur orgueil et reconnaître que l'idée d'écarter le Sénat, sans parler du reste du projet de loi, reposait sur la conclusion erronée de recherchistes qui ont confondu des intervenants politiques avec des représentants élus. Il suffit de suivre la période des questions dans l'autre endroit pour se rendre compte à quel point c'est facile à faire.

Certains disent que les sénateurs sont nommés pour approuver d'office ce que dit le premier ministre. Je n'ai jamais compris pourquoi les juges de la Cour suprême, qui sont nommés à leur poste et peuvent l'occuper jusqu'à l'âge de 75 ans, sont présumés être impartiaux sur le plan politique, alors que les sénateurs, qui sont également nommés et restent en fonction jusqu'à 75 ans, devraient servir servilement celui qui les nomme au Sénat. Il y a là quelque chose de contradictoire. J'aime à croire qu'on m'a nommé ici dans un certain contexte d'indépendance.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Taylor: Je voudrais reprendre à mon compte certains des propos d'un grand parlementaire, sir Winston Churchill, qui a déclaré qu'il n'avait pas été élu pour présider au démantèlement de l'Empire britannique. À mon tour, je ne pense pas avoir été nommé pour présider à la dissolution du Sénat.

Des voix: Bravo!

L'honorable John G. Bryden: Le sénateur Taylor accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Taylor: J'accepte volontiers une question du sénateur Bryden.

Le sénateur Bryden: Honorables sénateurs, ce discours était excellent, qu'on soit d'accord ou non avec le fond, et je dirais même courageux. Je félicite le sénateur.

Le sénateur s'est principalement attaché à expliquer que l'un des rôles les plus utiles du Sénat est d'assurer la protection des minorités et des régions du Canada. En fait, il n'en a pas parlé, parce qu'il ne pouvait pas tout inclure dans son discours, mais je vais tout de même lui poser la question, pour la forme: sait-il que les Maritimes, telles qu'on les connaissait à l'époque, auraient refusé d'adhérer à la Confédération si les parties prenantes n'avaient pas convenu de créer un Sénat, une Chambre haute, pour représenter les intérêts des régions pour les cas où le Haut et le Bas-Canada se retrouvaient en position de majorité et, par conséquent, en position de contrôler la Chambre des communes - en fait, la situation que l'on observe aujourd'hui?

(1540)

Le sénateur Taylor: Oui, honorables sénateurs, je le sais. Je remercie le sénateur Bryden de l'avoir souligné. C'est sans doute ce qui explique pourquoi les sénateurs auront leur chance. Si les réserves pétrolières et gazières s'avèrent aussi importantes que d'aucuns le laissent entendre, beaucoup de gens viendront à Halifax baiser l'anneau de mon collègue.

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, que le sénateur Taylor me permette de le rassurer un tant soit peu. Il a indiqué que mes observations de tout à l'heure au sujet de ce projet de loi pourraient avoir été vérifiées par le cabinet du premier ministre.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, je regrette de devoir interrompre le sénateur Fraser, mais les 15 minutes sont écoulées. Le sénateur Taylor aimerait-il demander une prolongation?

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je demande qu'on accorde une période de questions.

Son Honneur le Président pro tempore: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, peut-être le sénateur Taylor serait-il rassuré de savoir que mes remarques n'ont pas été revues par qui que ce soit. Personne à l'extérieur de mon bureau ne savait ce que je comptais dire sur ce projet de loi. Peut-être certaines personnes auraient-elles aimé exercer un certain contrôle sur mes paroles, mais cela n'a pas été le cas. Ce que j'ai dit n'était que le fruit de mes propres réflexions, qui ont porté sur bon nombre des points soulevés par le sénateur Taylor.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je suis soulagé d'entendre les propos de madame le sénateur Fraser, bien que je doive avouer que je suis un peu étonné de sa témérité. Lorsque j'ai lu l'exposé en question, comme je l'ai dit, je l'ai trouvé si politiquement teinté qu'en bon fils d'agriculteur de l'Ouest, cela m'a effrayé au plus haut point.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question à poser au sénateur Taylor. Compte tenu de la realpolitik en vigueur dans cette Chambre et dans cette ville, et compte tenu de ce que je pourrais considérer comme l'approbation du fait que nous avons actuellement un défi historique à relever à titre de sénateurs pour atteindre, maintenir et protéger l'intégrité de cette Chambre et son consentement, quel genre d'amendement l'honorable sénateur croit-il que nous pourrions proposer pour permettre le genre d'acceptabilité dont le gouvernement aurait besoin? Quel genre d'amendement pourrions-nous proposer, nous qui appuyons les grands principes du projet de loi mais qui avons tout de même des réserves quant à certaines parties de ce projet de loi, comme la question du rôle du Sénat, qui puisse être acceptable pour le gouvernement et lui permette de comprendre que ce n'est que l'intégrité de notre système bicaméral qui est en cause? Devons-nous songer à un amendement portant sur l'échéancier, autrement dit prévoir que le Sénat ne retarderait pas l'étude de la clarté de la question? L'honorable sénateur est-il d'avis que le gouvernement accepterait un amendement proposant un comité mixte de la Chambre des communes et du Sénat qui se pencherait sur la clarté de la question? Quel genre d'aide le sénateur est-il prêt à accorder à ce sujet en particulier?

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je n'ai pas rédigé d'amendement, car, comme l'a dit l'honorable sénateur, il y a d'autres questions, mis à part le rôle du Sénat. Une chose qui m'a toujours impressionné, et parfois stupéfié, c'est de voir à quel point le système des comités fonctionne bien au Sénat. J'ai toujours cru qu'un chameau, par exemple, était une vache qui avait mal tourné après qu'un comité en eut été saisi. En général, il semble cependant que les comités, ici, fassent un bon travail. Ainsi, je pense qu'il serait bon de renvoyer une question telle que celle-ci à l'un de nos comités afin qu'il l'étudie.

À propos de comités, je suis quelque peu déçu que nous parlions de créer un nouveau comité. Lorsqu'on change ainsi les comités, on envoie au public le message qu'on manipule un peu le processus et on établit également un précédent pour des situations futures. Si on a un comité de l'agriculture qui est contre la Commission canadienne du blé, on met en place un autre comité qui est favorable à la Commission canadienne du blé. Si on a un comité des affaires étrangères qui est contre l'OTAN, on met en place un autre comité qui est favorable à l'OTAN. Cela peut continuer ainsi sans fin. Lorsqu'on commence à créer de nouveaux comités, certains commencent à craindre qu'on tente ainsi d'obtenir immédiatement la réponse souhaitée plutôt que de laisser le comité examiner la question.

Je ne siège pas au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, mais je sais qu'il y a de véritables tigres des deux côtés de ce comité, et je pense que c'est très bien.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, le sénateur Taylor aurait-il l'obligeance de répondre à une autre question?

Le sénateur Taylor: Certainement.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je suis sûre que le sénateur Taylor est bien informé, comme la plupart d'entre nous, de l'attitude de M. Stéphane Dion à l'égard du Sénat. Je suis sûre qu'il a lu dans la presse, comme je l'ai fait à de nombreuses occasions, que M. Dion estime que le Sénat devrait être aboli. Cela n'est un secret pour personne, et on n'a pas tenté de le cacher. On n'a pas tenté d'attirer l'attention sur la loyauté au parti, sur la constitution du Sénat ou sur son histoire.

Le sénateur Taylor se souviendra que, il y a quelques années, lors d'un congrès du Parti libéral, un délégué a posé une question à M. Dion sur le choix qu'il ferait entre le nationalisme et un parti politique. Sauf erreur, c'est à ce moment-là que M. Dion a fait sa célèbre déclaration: «Mon pays passe avant mon parti.» Le sénateur Taylor se souvient-il de cette déclaration?

Le sénateur Taylor: Je m'en souviens.

Le sénateur Cools: Il a fait cette déclaration parce qu'on lui avait demandé si la place de M. Charest était au Québec et comment il se faisait qu'un conservateur puisse devenir libéral. M. Dion avait répondu par ces propos très célèbres. Ils ont été cités dans tout le pays. Ils ont même été cités dans cette Chambre. Il a déclaré: «Mon pays passe avant mon parti.»

Comme je ne crois pas que M. Dion discuterait de ce projet de loi avec moi, le sénateur saurait-il me dire si le «Mon pays passe avant mon parti» de M. Dion s'applique aux sénateurs du Parti libéral?

Le sénateur Taylor: Je ne sais pas si le pays passe avant mon parti, mais il semble que ce soit en fait une bonne politique. Ma vieille grand-mère pleine de bonté disait qu'elle votait toujours pour la personne. Lorsque je lui demandais pour qui elle avait voté, elle avait immanquablement voté pour le candidat du Parti conservateur, car elle n'avait jamais trouvé une autre personne pour qui il valait la peine de voter. On pourrait soutenir qu'un bon parti fait ce que le pays veut, de sorte qu'il semble toujours que le pays passe avant toute chose. J'estime qu'il devrait en être ainsi.

(1550)

Pour ce qui est de M. Dion, je suis au courant de son passé. Je l'ai rencontré une fois. Nous nous connaissons très bien, lui et moi. Nous avons assisté au Stampede de Calgary ensemble. Cela crée des liens que les Canadiens de l'Est ne peuvent peut-être pas comprendre. Ce n'est pas tout à fait comme nous couper le doigt et mêler nos sangs, mais cela crée des liens de regarder les animaux se faire torturer. La monte du taureau plaît évidemment à tout politicien.

C'est M. Dion qui a dit croire que la Cour suprême aurait déclaré le projet de loi irrecevable, s'il avait fait une place au Sénat, en partant bien sûr du principe que les représentants élus devraient trancher la question. Je crois que tout ce débat à propos du Sénat repose sur une erreur. Une erreur de plume a donné lieu à une fausse interprétation.

Depuis, je ne l'ai plus vu. Je l'ai certes entendu dire qu'il croyait que le projet de loi serait illégal aux yeux de la Cour suprême s'il laissait le Sénat à sa position normale.

Cela amène deux questions. Je sais que madame le sénateur Cools n'aime pas plus la Cour suprême que moi. La Cour suprême pourrait trancher, comme elle l'a fait dans le cas du homard, et redéfinir ce qu'est un acteur politique. Je ne sais pas si l'on ira demander au tribunal de statuer sur ce qu'est un acteur politique. Le fait est que, pour le moment, les recherchistes de M. Dion ont interprété la décision comme faisant référence seulement à des représentants élus.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, parmi ceux qui ont lu la décision de la Cour suprême, nous sommes nombreux à avoir été renversés par le manque de clarté et de précision du jugement proprement dit. Certes, les tribunaux écrivent à propos des pouvoirs du Parlement et des premiers ministres et de la promulgation des lois. Il est incroyable qu'une expression aussi imprécise et vague ait été employée par accident.

Le sénateur Taylor a fait allusion à la question que j'ai posée plus tôt. Ma secrétaire, qui suit la diffusion électronique de nos délibérations depuis son bureau, en bas, m'a fait parvenir l'article de journal que vient de me remettre un page. Il s'agit d'un article de Joan Bryden, qui a été publié dans l'édition du dimanche 22 mars 1998 de la Gazette de Montréal. En voici un extrait:

[...] le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, qui a reçu l'ovation la plus longue et la plus spontanée pour la réponse la plus brève.

«Mon pays passe avant mon parti», aurait simplement répondu Dion à un délégué qui demandait pourquoi le gouvernement ne protestait pas quand on dépeignait Charest, chef du «cinquième parti», comme le champion du fédéralisme.

Nous ne réglerons peut-être pas la question ici, mais nous pourrions la poser à M. Dion quand il comparaîtra devant nous.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, en ce qui concerne le projet de loi C-20, je voudrais soulever une question de première importance. Je m'adresse aujourd'hui aux honorables sénateurs à titre de sénateur et d'Inuk.

La question à laquelle je fais allusion n'a pas été suffisamment étudiée par la Chambre des communes. Il s'agit de la nécessité pressante de veiller à ce que les peuples autochtones du Canada, en particulier ceux de la province qui envisage une sécession, puissent participer directement à toutes éventuelles négociations devant mener à une sécession. J'exhorte donc le Sénat à amender le projet de loi C-20 pour y inclure expressément les peuples autochtones en tant que participants directs.

Les autochtones qui, comme moi, vivent au Québec, savent que la menace d'une sécession du Québec est très réelle. Comme le signalait un article paru à la une du quotidien The Gazette, le 8 mai dernier, le gouvernement québécois lance actuellement une offensive de taille en faveur de la souveraineté du Québec. À cet égard, le premier ministre Lucien Bouchard a déclaré: «Notre objectif, notre obsession, c'est la souveraineté du Québec dans les plus brefs délais.»

De plus, dans la dernière version de son projet de loi 99, le gouvernement québécois cherche à nier aux peuples autochtones le statut de peuple distinct. Nous sommes forcés de nous identifier comme faisant partie d'un seul peuple québécois. On nie nos droits à l'auto-identification et à l'autodétermination. Dans un éventuel référendum québécois sur la sécession, notre voix sera étouffée. Les actes que commet le gouvernement québécois sont une violation grave de nos droits humains.

Au fil des ans, les peuples autochtones du Québec ont apporté une immense collaboration au débat sur la sécession. Nous avons tenu nos propres référendums afin d'exprimer notre volonté démocratique de demeurer sur notre territoire traditionnel au Canada. Nous avons participé à titre d'intervenants dans les renvois sur la sécession du Québec. Bon nombre d'entre nous poursuivons nos efforts pour que le Québec ne se sépare pas du Canada.

Pourtant, nos efforts et nos positions sont affaiblis par les mesures que prend le gouvernement fédéral. Je fais allusion ici à l'incapacité du projet de loi C-20 de garantir la participation des peuples autochtones à toutes éventuelles négociations sur la sécession. Nous vivons et nous nous gouvernons depuis des milliers d'années dans ce qui est maintenant connu comme le Canada, où on nous refuse pourtant un traitement égal et respectueux.

Pendant le débat à la Chambre des communes sur le projet de loi C-20 à l'étape de la troisième lecture, le ministre des Affaires intergouvernementales, Stéphane Dion, a confirmé que le paragraphe 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982 établissait un principe contraignant. Ce principe oblige le fédéral et les gouvernements provinciaux à inviter les peuples autochtones à participer aux discussions sur toute modification de la Constitution nous concernant. M. Dion prétend que le projet de loi C-20 respecte ce principe puisqu'il ne limite pas les futures négociations sur la sécession aux seuls gouvernements fédéral et provinciaux.

M. Dion reconnaît que le gouvernement n'a pas expressément inclus les peuples autochtones dans le projet de loi C-20 à titre de participants à toutes futures négociations sur la sécession. Il estime que le projet de loi ne devrait pas aller «au-delà de l'avis de la cour en créant une obligation pour d'autres acteurs que ceux auxquels elle a assigné» l'obligation de négocier la sécession. En ce qui concerne les peuples autochtones, cet argument ne tient tout simplement pas.

Premièrement, notre participation aux négociations constitutionnelles est déjà expressément prévue au paragraphe 35.1 de la Loi constitutionnelle de 1982. Deuxièmement, la Convention de la Baie James et du Nord québécois et autres traités avec les peuples autochtones du Québec ne peuvent être modifiés sans le consentement des autochtones. Ce fait renforce la position des peuples autochtones en tant qu'«acteurs politiques» distincts qui doivent participer pleinement et directement à toutes futures négociations sur la sécession.

Troisièmement, il est ridicule pour le gouvernement fédéral de dire qu'il n'a pas inclus les peuples autochtones au nombre des participants parce qu'il ne voulait pas nous imposer l'obligation de négocier la sécession. Les peuples autochtones ont toujours dit que nous devons nous représenter nous-mêmes et participer directement à toutes négociations sur la sécession. Le gouvernement a l'obligation fiduciaire d'agir conformément à notre volonté, à nos droits et à notre statut constitutionnels.

Il est inacceptable que les gouvernements fédéral et provinciaux soient expressément inclus dans le projet de loi C-20 en tant que participants à toutes futures négociations sur la sécession et que les peuples autochtones en soient omis. C'est un cas de deux poids, deux mesures. En se prononçant sur le Renvoi relatif à la sécession du Québec, la Cour suprême n'a pas donné un tel pouvoir au gouvernement ou au Parlement du Canada.

(1600)

Conformément aux principes de la démocratie, du fédéralisme et de la protection des droits des autochtones et des droits issus des traités, le projet de loi C-20 doit être modifié afin que les peuples autochtones soient inclus comme participants directs aux négociations futures sur la sécession. Je vous présente aujourd'hui les amendements qui nous permettront d'atteindre cet objectif. Ces amendements sont entièrement conformes à l'esprit et à la lettre de l'avis de la Cour suprême et de la Constitution canadienne. En outre, ils respectent entièrement les droits issus de traités, les droits des autochtones et les autres droits de la personne dont jouissent les autochtones.

Le Sénat du Canada a été créé pour que les régions et les peuples qui ne sauraient autrement se faire entendre aient une voix. C'est la Chambre du second examen objectif. Par conséquent, j'exhorte les honorables sénateurs à modifier le projet de loi C-20. Le Sénat ne devrait pas participer à des gestes d'exclusion des autochtones comme ceux qui ont marqué l'histoire du Canada. En fait, le Sénat ne devrait pas faciliter la division du pays en affaiblissant la position des peuples autochtones dans le contexte de la sécession du Québec.

J'aimerais que ces amendements proposés soient examinés au comité plutôt qu'au Sénat.

L'honorable Lowell Murray: Le sénateur est-il d'avis qu'on pourrait modifier, sans le consentement des autochtones, la relation entre les peuples autochtones du Québec et la Couronne fédérale et le Parlement fédéral? Le tribunal et les provinces pourraient-ils, dans le contexte d'un accord de sécession, simplement transférer la responsabilité à l'égard des peuples autochtones de la Couronne fédérale et du Parlement fédéral vers une nouvelle entité extérieure au Canada, sans le consentement des peuples autochtones du Québec? Qu'en pense le gouvernement d'après le sénateur?

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada ou les provinces, individuellement ou conjointement, n'ont pas le pouvoir de prendre cette décision sans consulter les peuples autochtones.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je ne parlais pas seulement de consultation. Comme l'a souligné notre collègue durant son discours, on pourrait croire que le paragraphe 35.1 garantit la consultation. Je demandais si, en vertu de la Constitution, on peut retirer sans leur consentement les peuples autochtones du champ de compétence de la Couronne fédérale et du Parlement fédéral. C'est une question qu'on voudra peut-être poser au gouvernement à un moment donné.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je vais vous expliquer pourquoi la responsabilité des peuples autochtones ne peut pas être tout simplement transférée du gouvernement fédéral à un gouvernement provincial. L'article 35 de la Constitution est clair: lorsque le statut des peuples autochtones doit être modifié, les autochtones doivent être consultés et ils doivent donner leur accord.

Plus important encore, le seul accord entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec est la Convention de la Baie James et du Nord québécois, qui a été signée en 1975. On qualifie généralement ce texte de traité moderne. Toute modification de la Constitution aurait de nombreuses répercussions sur ce texte. Pour cette raison, il est important que les peuples autochtones soient des participants directs à toute négociation concernant la sécession.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt tout ce qui se rapporte à l'avenir du Canada. Je crains qu'il n'y ait un certain manque de sensibilité au sujet de ce qu'est le Canada. Je le constate depuis sept ans que je siège au Sénat et je l'ai souvent constaté à la Chambre des communes.

C'est une des rares occasions que nous avons de démontrer pourquoi le Sénat a été créé. Nous avons eu une belle occasion lorsqu'il a été question de la promesse faite à la population de Terre-Neuve que son système scolaire ne serait jamais modifié. La démocratie nous a obligés à nier les droits des gens qui s'étaient unis au Canada en 1949. Au moins, nous avons eu un long débat. J'avais exhorté le Sénat à se rendre à Terre-Neuve, et cela a été fait. Je crois que le Sénat a rempli son rôle.

Le sénateur Watt déclare qu'il a l'intention de proposer un amendement, mais qu'il préférerait le faire au comité plutôt qu'ici. Je crains que l'étude en comité ne donne rien. Je ne voudrais pas préjuger des résultats, mais nous pouvons déjà voir dans la liste des membres pressentis pour faire partie du comité que ceux qui seront retenus ne seront pas d'humeur à accepter des amendements. Peut-être est-ce injuste, mais c'est l'impression que j'ai.

Ne serait-il donc pas plus sage pour le sénateur Watt de proposer ses amendements ici? S'il décidait de le faire, mais que le Président décidait que, puisqu'il a terminé son intervention, il ne le peut pas, peut-être le sénateur pourrait-il convaincre un collègue qui n'a pas encore pris la parole de proposer ces amendements à l'étape de la deuxième lecture pour que le Sénat puisse les adopter ou les rejeter. Le sénateur Watt aurait ainsi la possibilité de les proposer à nouveau devant le comité.

Il me semble évident que la Chambre des communes n'est absolument pas disposée à adopter quelque amendement que ce soit au projet de loi C-20. Je me suis entretenu avec de nombreux députés des différents partis. Ils ne veulent pas que l'opinion du Sénat soit prise en considération ni que le Sénat se mêle des affaires de «ces seigneurs», comme je me plais maintenant à les appeler. Ils ne veulent pas que nous nous mêlions de ce qu'ils ont déjà décidé.

(1610)

Les honorables sénateurs savent que les premiers Canadiens me tiennent à coeur. Nous avons tendance à les oublier, mais moi, je ne les oublie pas. J'ai toujours tenu compte d'eux. J'ai changé ma conception du Canada lorsque j'ai commencé à côtoyer des personnes comme les sénateurs Watt et Chalifoux et des gens de partout au Canada.

Le sénateur Watt: Je suis reconnaissant au sénateur Prud'homme de l'intérêt qu'il porte à la question et de sa sincérité et je le remercie de ne pas vouloir que je rate une occasion de mettre en relief les amendements.

Le sénateur Prud'homme a aussi parlé de ce qui lui tient à coeur et de la nécessité de faire un exercice de réflexion et de compréhension et de rétablir le respect qui, souvent, est complètement absent.

Je compte aussi beaucoup sur les membres de notre comité pour qu'ils étudient cette question très sérieusement. Ils auront beaucoup plus de temps pour bien fouiller cette question. J'espère que cela sera aussi instructif pour la Chambre des communes et pour l'ensemble des Canadiens, car ils ont parfois besoin d'être renseignés.

C'est pourquoi, plutôt que de faire ce que le sénateur Prud'homme propose que je fasse, je vais faire confiance au comité qui étudiera la question. Cependant, si rien n'arrive à ce comité, je ne pense pas qu'on pourra m'empêcher de présenter ces amendements à l'étape de la troisième lecture. Ainsi, si le comité choisit de ne pas présenter les amendements, j'aurais toujours l'occasion de le faire.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, je suis satisfait de la réponse. Je pense parfois que nous avons peur de dire que nous sommes satisfaits des réponses données. Je suis donc très satisfait en l'occurrence.

Il arrive que je siégeais à un comité traitant d'une question très délicate en compagnie de sénateurs qui, comme je l'ai remarqué, siégeront à ce comité. Leur sens de l'équité et de l'honnêteté était très évident alors. J'en vois un en particulier qui a siégé au comité spécial chargé des affaires des anciens combattants. Le sénateur Watt a raison: cette expérience nous a bien servis. Les audiences télévisées ont été instructives pour les Canadiens. Je ferai confiance au sénateur Watt. Évidemment, tout dépendra de la question de savoir si le projet de loi sera renvoyé à un comité, et nous n'en sommes pas encore là.

Son Honneur le Président pro tempore: Madame le sénateur Cools, je regrette de vous informer que votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous une prolongation?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai une courte question à poser.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je demande le consentement de la Chambre pour qu'une période de questions soit accordée.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Je remercie le sénateur Watt d'avoir soulevé ce que je considère comme d'importantes questions pour nos Premières nations. Il a dit qu'il s'en remettrait au comité. Si le comité ne propose pas l'amendement qu'il souhaite, il le proposera lui-même à l'étape de la troisième lecture.

La tâche qui attend le sénateur Watt est assez difficile. La première chose à faire serait d'inviter le comité à étudier les questions qu'il a soulevées pour que le comité songe à apporter les amendements souhaités.

Le sénateur Watt songe-t-il à demander au comité d'étudier les effets du projet de loi C-20 sur le traité de la Baie James et les autres questions concernant les premières nations?

Le sénateur Watt: Je remercie le sénateur Cools de sa question. Je me suis entretenu personnellement avec des sénateurs qui ont dit qu'ils deviendraient membres du comité. Je n'ai pas parlé avec tous, mais avec certains d'entre eux. J'entends toujours insister sur l'importance de cette question pour les autres membres du comité, lorsqu'il sera constitué.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Pépin, appuyée par l'honorable sénateur Maheu, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada.

Le sénateur Lucie Pépin, qui a présenté le projet de loi C-23, a entamé le débat de deuxième lecture il y a quelques jours. Répondant à une question du sénateur Fernand Robichaud au sujet des membres d'une même famille qui habitent ensemble pour des raisons économiques, le sénateur Pépin a dit, comme on peut le lire à la page 1190 du hansard:

Vous avez raison de dire qu'il arrive que plusieurs personnes d'une même famille vivent ensemble et qu'un membre de la famille soit responsable de l'autre. Cependant, après avoir étudié les obligations et l'importance d'un projet de loi semblable, le gouvernement est arrivé à la conclusion qu'il faudrait adopter un projet de loi tout à fait différent.

Ce ne sont pas des gens qui vivent en tant que couple. Il serait préférable qu'on sépare les deux situations et qu'on ne les incorpore pas dans le même projet de loi parce que ce sont deux situations différentes.

Honorables sénateurs, la réponse du sénateur Pépin à la question de la dépendance économique tranche nettement avec celle que le ministre de la Justice, Anne McLellan, a faite il y a quelques années. Le 23 septembre 1998, devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qui étudiait le projet de loi C-37 modifiant la Loi sur les juges, elle a dit qu'elle et son ministère examinaient la possibilité d'accorder les avantages sociaux à toutes les personnes ayant une relation de dépendance économique. Voici ce qu'elle a déclaré au comité, comme on peut le lire à la page 20 du fascicule 31 des délibérations du comité:

Je vais être très franche: notre gouvernement a clairement indiqué à ce sujet qu'il va examiner chaque cas selon ses mérites. La cour a également déclaré qu'elle adopterait une approche semblable. Toutefois, je rappellerais aux honorables sénateurs - et je le dis en réponse au sénateur Bryden - que nous faisons un travail politique qui, éventuellement, portera sur un changement fondamental au sujet des prestations susceptibles d'être octroyées au sein de la société canadienne, dans le cadre de la compétence fédérale, à tout le moins, et que nous ne voulons pas nous limiter à une discussion sur les conjoints de même sexe ou de sexe opposé; nous tenons à examiner une question plus légitime relative à la société canadienne, c'est-à-dire la question de vraie dépendance. Une fois ce travail effectué, comme je l'ai déjà indiqué, nous reviendrons devant vous et devant la Chambre des communes pour présenter un texte de loi omnibus qui traitera de l'octroi des prestations en fonction de ce facteur de dépendance. Ce travail est bien entamé et mes collègues et moi-même en parlerons en détail dès la semaine prochaine.

Honorables sénateurs, à un moment donné, la ministre a abandonné l'intention qu'elle avait ainsi déclaré devant le comité, et est passée à ce mode d'octroi des prestations fondé sur le sexe et l'activité sexuelle. J'espère que le comité abordera cette question au cours de son étude du projet de loi C-23 et demandera à la ministre comment il se fait qu'elle a changé d'avis.

Honorables sénateurs, l'année dernière, le Sénat était saisi du projet de loi C-78, Loi constituant l'Office d'investissement des régimes de pensions du secteur public. L'article 75 du projet de loi C-78 employait l'expression «dans une union de type conjugal». Je suis intervenue dans le débat ici au Sénat le 16 juin et le 10 septembre 1999. Je me suis élevée contre cette expression et plus spécialement contre les mots «de type conjugal». Je m'attriste de voir que, près d'une année plus tard, la ministre de la Justice a une fois de plus refusé de suivre mon conseil et n'a pas conçu le projet de loi de façon satisfaisante pour en refléter les objectifs fondamentaux. À l'époque, j'avais fondé ma critique en grande partie sur l'activisme des tribunaux et aussi sur le risque qu'une telle définition pourrait présenter pour le mariage en tant qu'institution sociale et religieuse. J'ai dit à ce moment-là que le terme «conjugal» était un terme distinct du droit matrimonial.

(1620)

Le 16 juin, j'ai dit au Sénat que le gouvernement devait simplement trouver une façon de tenir compte des préoccupations et des intérêts des homosexuels relativement aux prestations de retraite sans diminuer davantage la valeur du mariage. Je crois sincèrement, honorables sénateurs, que le gouvernement est tenu d'équilibrer ces intérêts et je crois aussi qu'il est tout à fait possible de rédiger et de présenter un projet de loi qui puisse assurer cet équilibre.

Le gouvernement doit cesser de manipuler les mots et la signification juridique des mots «homme», «femme», «époux», «épouse», «mariage», «conjoint» et, maintenant, «conjugal». La manipulation juridique des termes et des définitions, qui est si répandue dans les tribunaux et au gouvernement, est cruelle, partiale et inutile, en plus de semer la division. Le terme «union conjugale» se rapporte au mariage, et le «mariage» veut dire l'union d'un homme et d'une femme.

Honorables sénateurs, à l'origine, le mariage était un sacrement de l'Église catholique qui était prescrit par le droit canon et qui a été ensuite appuyé par le droit civil et le droit législatif. À la page 564, le livre de prières de l'Église anglicane, le livre de liturgie de 1549, dit en partie ceci au sujet de la célébration de la cérémonie du mariage:

Le mariage a été institué pour la consécration de l'union entre un homme et une femme; pour la procréation d'enfants qui seront élevés dans la crainte et l'amour de Dieu; et pour la compagnie, l'aide et le réconfort que les conjoints doivent s'apporter mutuellement, tant dans la prospérité que dans l'adversité.

Ce concept du mariage, honorables sénateurs, sert l'humanité depuis quelques centaines d'années déjà et, à mon avis, il ne doit pas être diminué ou ébranlé. Le mariage en tant qu'institution sociale doit absolument être protégé.

Honorables sénateurs, je vais maintenant vous parler des définitions du mot «conjugal» qu'on trouve dans le dictionnaire et du premier sens de ce mot. Je vais aussi expliquer les origines du mot. Le dictionnaire donne la définition suivante du mot «conjugal»:

Relatif à l'union entre le mari et la femme.

Le mot «conjugal» tire son origine du mot latin coniugalis ou conjugalis puisqu'en latin le I remplace le J, qui signifie relatif au mariage. Il y a plusieurs mots latins qui représentent la notion du mariage et les différents aspects de celui-ci, dont coniugium, matrimonium, nuptiae, conubium et consortium. En français, ces termes signifient respectivement conjugal, matrimonial, nuptial, mariage et consortium. Ce sont toutes des expressions qui renvoient à plusieurs dimensions et éléments distincts du mariage et du droit en matière matrimoniale. La célébration elle-même était la nuptiae, soit l'aspect nuptial. Le terme conjugal renvoyait à l'obligation de procréer, le consortium prévoyait les droits et les devoirs reliés aux relations sexuelles entre les époux et le mot matrimonium définissait les nombreuses obligations de l'un envers l'autre et envers la familia. La caractéristique principale et manifeste d'une relation conjugale est l'engagement à engendrer, à avoir des enfants du mariage. Pendant des siècles, la loi et la jurisprudence ont appuyé ces principes. Ce changement proposé est révolutionnaire et n'a jamais été appuyé par le passé.

Honorables sénateurs, le mot «conjugal» est un terme relatif au mariage et ne peut absolument pas, du point de vue juridique, s'appliquer aux relations érotiques ou sexuelles entre des personnes homosexuelles. Il n'est pas aussi élastique sur le plan juridique, social ou biologique que le laisse entendre le projet de loi. Le dictionnaire définit le mot «conjuguer» puis le mot «conjugaison». Il définit le «conjugaison» dans le domaine de la grammaire, de la botanique, des mathématiques, de la physique, de la chimie et de la biologie. Ce terme signifie ce qu'on appelle communément le rut, comme dans l'expression la saison du rut. Dans le domaine de la biologie, le dictionnaire définit le terme comme étant l'union ou la fusion de deux cellules aux fins de la reproduction.

Honorables sénateurs, ce matin, au Comité des finances nationales, nous avons entendu un excellent exposé de certains employés de Santé Canada. Ils parlaient de la reproduction et du développement de mutations des virus, de la menace à laquelle notre collectivité fera face et de la nécessité des vaccins et le reste. De plus, à ce comité, ce matin, on a parlé de certains aspects biologiques de ce qu'on appelle le «mélange de matériel génétique». Il est important de comprendre le sens de tout cela. Dans son acceptation biologique, The New Shorter Oxford English Dictionary nous dit que la «conjugaison» est l'union de deux cellules en vue de la reproduction. En biologie, la «conjugaison» signifie la recombinaison génétique, la recombinaison de matériel génétique. Chez l'homme, un tel mélange produit invariablement un rejeton. Ce rejeton est semblable à ses deux parents puisqu'il est de la même espèce, mais il a ses caractéristiques propres qui en font un organisme ou une personne unique.

Honorables sénateurs, la condition absolument nécessaire à la recombinaison génétique des humains est l'existence de deux types sexuels. Il faut deux types sexuels de la même espèce, et ces deux types doivent être différents, c'est-à-dire différents l'un de l'autre par leur capacité et leur fonction reproductives. La reproduction n'est pas un processus juridique mais biologique.

Les deux types sexuels sont, premièrement, le donneur génétique, généralement décrit comme un mâle, un homme, et deuxièmement, le récepteur génétique, généralement décrit comme une femelle, une femme. Voilà en quoi consiste la recombinaison génétique. C'est la recombinaison du matériel génétique provenant d'un homme et d'une femme. Cela veut dire forcément que la conjugaison biologique, la recombinaison génétique est impossible lorsque les deux organismes sont du même type sexuel, une condition simplement décrite comme l'homosexualité, provenant du préfixe grec homo et du mot «sexuel», donc homosexuel. Des relations homosexuelles ne peuvent être de nature conjugale parce qu'elles ne peuvent entraîner la reproduction. Les deux homosexuels, comme le préfixe homo l'indique, appartiennent au même type sexuel. Par conséquent, les relations homosexuelles, érotiques et charnelles ne peuvent être de nature conjugale.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant parler de la disposition 1.1 du projet de loi C-23, qui dit:

Il demeure entendu que les modifications que la présente loi apporte ne changent pas le sens du terme «mariage», soit l'union légitime d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne.

Il s'agit d'un amendement qui a été fait à la Chambre des communes sur les instances de la ministre McLellan elle-même. Cet amendement a été déposé pour prouver que la ministre se préoccupait du mariage et pour réaffirmer aux Canadiens que le projet de loi C-23 n'aura aucune conséquence sur la définition du mariage. Honorables sénateurs, cet amendement n'apparaîtra dans aucune des dizaines de lois, 68 en tout, que le projet de loi C-23 doit modifier. Ces termes n'apparaîtront dans aucune de ces lois modifiées et disparaîtront tout à fait au moment où le projet de loi C-23 sera adopté.

M. David Brown, un avocat de la firme Stikeman Elliott de Toronto a préparé un avis juridique sur les principes de l'interprétation statutaire en rapport avec le projet de loi C-23. En ce qui a trait à l'article 1.1, David Brown souligne que:

Autrement dit, l'article 1.1 n'est pas une disposition de promulgation du projet de loi; il ne modifie aucune des lois dont il est question dans le projet de loi en incluant une définition du mot «mariage». L'adoption d'une version du projet de loi renfermant l'article 1.1 n'entraînera pas, sur le plan juridique, l'inclusion de la définition de «mariage» dans n'importe laquelle des mesures législatives en question. L'article 1.1 ne constitue pas une disposition d'édiction, mais tout simplement une disposition d'interprétation.

Honorables sénateurs, j'espère que le comité étudiera sérieusement le projet de loi C-23 et qu'il y apportera certaines améliorations. J'espère que le comité tentera de trouver un équilibre entre les intérêts sociaux du mariage et les intérêts sociaux du fait d'accorder des avantages aux homosexuels.

(1630)

Honorables sénateurs, en cette Chambre, le 2 mai, la semaine dernière, en réponse à la question que j'avais posée au sénateur Pépin, le sénateur Joyal a déclaré, et cela figure à la page 1191 des Débats du Sénat:

Le jugement de la Cour suprême dans l'affaire citée par le sénateur Pépin, et notamment le juge Cory, a clairement défini ce qu'est une relation conjugale.

Je demande au comité de se pencher sur cette question. Ma lecture du jugement de la Cour suprême dans l'affaire M. c. H. de 1999 m'amène à une conclusion différente - et je crois que c'est le cas auquel faisait allusion le sénateur Joyal dans sa réponse à la question que je posais au sénateur Pépin. C'est vrai que le juge Cory a mentionné les mots «relation conjugale», mais la cour n'a pas défini ce qu'est une relation conjugale - la question n'a absolument pas été réglée. En fait, le juge Cory a mentionné ces mots dans l'opinion incidente.

Dans l'opinion incidente, le juge Cory a cité une décision d'une cour inférieure, soit l'affaire Molodowich c. Penttinen entendue devant la Cour du district de Toronto en 1980. Je ferais remarquer que le cas Molodowich a discuté de la conjugalité dans le contexte de relations hétérosexuelles. Dans l'affaire M. c. H., le juge Cory a déclaré au paragraphe 59:

Molodowich c. Penttinen (1980), 17 R.F.L. (2d) 376 (C. dist. Ont.), énonce les caractéristiques généralement acceptées de l'union conjugale, soit le partage d'un toit, les rapports personnels et sexuels, les services, les activités sociales, le soutien financier, les enfants et aussi l'image sociétale du couple. Toutefois, il a été reconnu que ces éléments peuvent être présents à des degrés divers et que tous ne sont pas nécessaires pour que l'union soit tenue pour conjugale. S'il est vrai que l'image sociétale des couples de même sexe ne fait pas nécessairement l'objet d'un consensus, l'on s'entend pour dire qu'ils ont en commun bon nombre des autres caractéristiques «conjugales». Pour être visés par la définition, ni les couples de sexe différent ni les couples de même sexe n'ont besoin de se conformer parfaitement au modèle matrimonial traditionnel afin de prouver que leur union est «conjugale».

L'affaire Molodowich c. Penttinen ne faisait pas mention de relations entre personnes de même sexe.

J'espère que le comité se penchera sur cette question. Je suis sûre que bien des questions suivront alors.

Honorables sénateurs, je note que, dans l'affaire M. c. H., la décision de M. le juge Cory, appuyée par le juge en chef Lamer et les juges Claire L'Heureux-Dubé, Beverly McLachlin, Frank Iacobucci et Ian Binnie, ne reposait pas sur le fait que des partenaires homosexuels entretenaient une relation conjugale mais se fondait plutôt sur l'interprétation de l'objet de l'article 29 de la Loi sur le droit de la famille de l'Ontario. Dans un jugement majoritaire, les juges ont conclu que cet article avait pour but de réduire les demandes auxquelles devait répondre le régime d'aide sociale.

Son Honneur le Président: Je regrette de devoir interrompre l'honorable sénateur Cools, mais sa période de 15 minutes est terminée.

Le sénateur Cools: Puis-je avoir la permission de terminer mon discours, honorables sénateurs?

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Cools: Ils ont donc conclu qu'il était discriminatoire d'exclure les couples de même sexe de l'application de ces dispositions étant donné que cela irait prétendument à l'encontre de l'objet de la loi. En réalité, en ce qui concerne la décision, il n'était pas essentiel ni pertinent que M. le juge Cory mentionne que les couples de même sexe entretenaient en réalité une relation conjugale. C'était plutôt une remarque incidente. J'espère que le comité éclairera ce que M. le juge Cory a effectivement dit et l'incidence que cela aura sur la détermination judiciaire du sens d'une relation conjugale.

Honorables sénateurs, j'aimerais citer un passage particulier de la décision rendue en 1980 dans l'affaire Molodowich c. Pentiinen. Le jugement a été rendu par M. le juge Kurisko, de la Cour de district de l'Ontario. Voici ce qu'il disait:

La poursuite visant à obtenir le rétablissement des droits conjugaux correspondait à l'exécution de l'essence même du contrat de mariage qui reconnaît depuis des temps immémoriaux qu'il doit y avoir cohabitation et droits conjugaux.

Honorables sénateurs, je crois sincèrement qu'il est possible d'être équitable dans notre collectivité et qu'il est vraiment possible de rendre justice à tous. Peut-être suis-je un peu naïve, mais je ne le pense pas.

Mon opposition à ce projet de loi tient à l'utilisation particulière de l'expression «relation conjugale». J'ai toujours cru que l'on s'était abstenu d'adopter des lois fondées sur la luxure et l'activité charnelle. C'est ce que j'avais toujours compris. En réalité, très peu de mesures législatives appuient les «rapports sexuels» comme tels. Je crois qu'une meilleure façon d'établir ce projet de loi aurait été de faire appel à la façon traditionnelle de rédiger des ébauches des projets de loi et d'agir d'une façon qui concorde avec nos bonnes traditions.

La dernière chose que je dirai a trait à l'origine de la moralité, à l'origine du mariage et à l'origine des devoirs des époux l'un envers l'autre. J'aurais préféré que le régime d'avantages et d'obligations visé par le projet de loi C-23 soit volontaire plutôt que fondé sur une relation conjugale basée sur la sexualité.

J'ai essayé de passer rapidement en revue certains documents que j'ai sur les origines de la moralité - une question très complexe et très vaste. Ce que nous savons, c'est que la moralité primitive a fait son apparition aux tous débuts de la vie morale de l'homme. Comme nous le savons, chez les animaux, il n'y a pas de moralité, mais plutôt les éléments qui permettent à l'intelligence de façonner la moralité chez l'homme. Les seules connaissances que nous avons de la pensée des primitifs nous viennent des reliques et du folklore décrivant les modes primitifs de pensée. Certains de ces modes de pensée ont été perpétués dans le folklore et dans les pratiques superstitieuses des peuples.

Il est important de comprendre que la moralité et la loi ont commencé à se construire autour de ce qu'on appellerait les besoins fondamentaux des êtres humains. Honorables sénateurs, le besoin fondamental des êtres humains et le besoin fondamental auquel il fallait voir était le besoin de survie et de préservation de la race. Le mariage a toujours été considéré comme l'institution la plus efficace et en tout cas la plus sûre pour cela, c'est-à-dire pour avoir des enfants.

Il est important que la société protège les homosexuels. Nous avons tous lu beaucoup de documents à ce sujet et nous avons tous bien étudié la question. J'ai souvent cité les profonds écrits d'Oscar Wilde, en particulier son ouvrage, De Profundis, dans lequel il parle de tout ce qu'il a souffert à cause de son homosexualité.

Je suis sûre, honorables sénateurs, que vous conviendrez qu'on ne devrait jamais faire souffrir un homosexuel et que justice devrait être faite. J'aurais préféré que la ministre trouve un moyen d'en arriver là sans avoir à fonder sa mesure législative sur le sexe ou l'activité sexuelle. C'est une chose révolutionnaire, du jamais vu.

L'honorable Céline Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur.

Le sénateur Cools: Je vous en prie.

(1640)

Le sénateur Hervieux-Payette: Histoire de bien cerner le sujet de préoccupation du sénateur Cools, aurait-elle préféré que ces avantages soient accordés aux personnes dans des relations de dépendance, que ce soient des parents, une fille et son père qui vivraient ensemble, ou deux amis, deux cousins, ou deux personnes qui subviendraient aux besoins l'une de l'autre et qui vivraient sous le même toit? Aurait-elle également préféré que cette initiative ait été en fait d'application plus générale, sans avoir à entrer dans les chambres à coucher de la nation, c'est-à-dire qu'elle ait été applicable à toute personne dans une relation de dépendance ou d'interdépendance?

Le sénateur Cools: Je remercie l'honorable sénateur de ses observations avisées.

Honorables sénateurs, il me vient à l'esprit une ou deux choses. Il faut reconnaître que tous les sénateurs seraient d'accord pour accorder des avantages dans toutes les situations où des membres d'une famille dépendent financièrement les uns des autres. Je suis persuadée que beaucoup de sénateurs ont à leur charge des parents âgés ou invalides. Une de nos collègues nous a dit qu'elle avait un fils handicapé. Je suis convaincue que tous seraient d'accord, car les exemples dans la communauté sont innombrables d'individus qui ploient sous le fardeau financier d'avoir à subvenir aux besoins de personnes à leur charge. Je vous donne un exemple. Dans notre salle à manger, là-haut, se trouve une serveuse qui a élevé ses petits-enfants. Les relations de ce type sont innombrables.

Honorables sénateurs, je pensais que la ministre aurait opté pour cette solution car elle est de loin la plus facile et la plus intéressante et c'est pourquoi j'ai tenu à verser ses paroles au compte rendu. La ministre a déclaré devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles qu'elle procéderait de la sorte et qu'elle se pencherait sur l'ensemble des relations familiales de dépendance. En foi de quoi, je voudrais que la ministre nous dise pourquoi elle a fait machine arrière et qu'est-ce qui l'y a poussée? Oui, je pense qu'il y a beaucoup de gens au Canada qui assument un lourd fardeau par sens du devoir à l'égard de membres de leur famille ayant besoin d'aide.

Quant au second point soulevé par l'honorable sénateur, qui est une question plus difficile, en 1968, l'homosexualité a été décriminalisée. Je crois que l'une des expressions à l'époque, qui a été inventée par notre ancien chef, M. Trudeau, était que l'État devrait rester hors des chambres à coucher des Canadiens. Honorables sénateurs, ce projet de loi fera l'inverse. Il fait entrer l'État dans les chambres à coucher des Canadiens parce qu'il n'indique pas comment sera déterminée l'existence d'une relation conjugale.

Par exemple, si deux personnes sont mariées, le certificat de mariage constitue la preuve qu'il existe un engagement d'aide mutuelle. Il faut être soucieux, même lorsque les années d'activité sexuelle ont disparu, de l'engagement pris et accepté de façon volontaire. Ce projet de loi ne parle pas de cela. Quelqu'un d'autre devra déterminer si oui ou non une relation conjugale existe. Je dirais à l'honorable sénateur que je ne sais pas du tout comment on fera cela. Peut-être y aura-t-il une police des relations conjugales; je ne sais pas.

Selon moi, cette question devrait être attentivement examinée par le comité. Je vois le sénateur Nolin qui me regarde en face. Je suis certaine que le sénateur Nolin, en tant qu'avocat qui a plaidé dans de nombreuses affaires importantes de règlement d'assurance ou de succession, sait que l'on demande toujours le certificat de décès et de mariage ou de divorce.

Honorables sénateurs, nous avons ici affaire à des choses étranges. Je suis déçue, entre autres, que madame la ministre n'ait simplement pas lu ce que j'avais à dire sur la question. Elle aurait pu trouver un moyen d'atteindre son objectif politique, qui était la question que le sénateur Kinsella a posée, sans utiliser un argument lié au sexe. Je ne connais aucune autre mesure législative qui se penche sur le sexe ou qui recoure à ce genre de termes. Même toute la jurisprudence qui entoure le mariage parle en termes très différents. C'est donc très troublant.

Honorables sénateurs, je ne veux pas que l'on pense que je suis une vieille dame qui se choque facilement. Toutefois, il me semble que la meilleure manière de rédiger des lois est, tout d'abord, de le faire en conformité avec les lois passées, de façon aussi ordonnée que possible et en choquant le moins possible les gens. J'avais cru comprendre que la loi avait toujours évité la luxure.

[Français]

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, c'est avec une profonde fierté que je prends part au débat sur le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les lois du Canada.

[Traduction]

En vertu du projet de loi, les couples de même sexe auront les mêmes avantages et les mêmes obligations que les couples hétérosexuels qui vivent en union de fait. Cette mesure découle du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l'affaire M. c. H., rendue le 18 mars 1998. Ce jugement portait essentiellement sur l'interprétation du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, sous la rubrique «Droits à l'égalité». La Cour suprême s'est appuyée sur cette disposition pour dire que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle était une atteinte directe aux droits à l'égalité garantis par la Charte. Le projet de loi C-23 est d'abord et avant tout une mesure qui porte sur le droit à l'égalité et sur la liberté de choix que ce droit suppose. Pour dire les choses plus simplement, la Cour suprême a décidé que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle était tout aussi répréhensible que celle qui est fondée sur la race, l'origine ethnique ou la couleur.

Honorables sénateurs, nous parlons de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. De quoi s'agit-il? Selon moi, il s'agit d'un des motifs de discrimination les plus graves qui subsistent toujours dans notre société dite libre et démocratique. Rappelons des faits dont un certain nombre d'entre nous se souviennent et qui ne remontent pas si loin dans le passé.

La politique de purification ethnique pratiquée par le Troisième Reich visait plus particulièrement trois groupes: les juifs, les gitans et les homosexuels. On l'oublie parfois, mais, dans les camps d'extermination nazis, des dizaines de milliers d'homosexuels ont péri dans les chambres à gaz. Selon certains historiens de l'Holocauste, notamment Rudiger Lautman, les prisonniers homosexuels étaient, plus que d'autres, soumis aux pires brutalités de l'intolérance masculine. Ils devaient porter l'infamant triangle rose sur la poitrine, et le chiffre 175 dans le dos de leur uniforme, de façon à toujours attirer l'attention des geôliers et des exécuteurs sur leur identité.

Ils étaient soumis aux expériences médicales les plus inhumaines, sans parler des opérations au cerveau et de l'ablation des organes génitaux, sous prétexte de les débarrasser de leur état de dégénérés. Après la guerre, on leur a refusé le statut de victimes des persécutions nazies et toute forme d'indemnisation. Certains ont même dû rester en prison pour purger les peines imposées par la justice nazie.

Honorables sénateurs, la persécution des homosexuels n'a pas pris fin avec la guerre. Elle a sévi de façon tout aussi tragique dans les années noires du maccarthysme, surtout aux États-Unis, et elle a eu des séquelles tragiques au Canada, même aux plus hauts échelons de l'appareil gouvernemental canadien.

(1650)

Le suicide du diplomate Herbert Norman, important collègue de Lester B. Pearson et ambassadeur du Canada en Égypte en 1957, en est l'exemple le plus notoire. À l'époque, son suicide avait été perçu comme le seul moyen d'échapper à l'opprobre public et à la disqualification professionnelle.

Combien de hauts fonctionnaires, de hauts gradés et d'hommes publics ont vu leur réputation détruite par l'allégation suivante: «Oui, mais c'est un homosexuel»? Combien de carrières, dans les années 50 et 60, ont pris fin ou stagné parce qu'être gai était synonyme de chantage potentiel, de faiblesse de caractère et de déviance incompatible avec de grandes responsabilités?

Aujourd'hui, bien sûr, être gai n'empêche pas d'être maire d'une grande ville canadienne, juge, député, sénateur, ministre ou ambassadeur, mais la discrimination a-t-elle vraiment disparu? Les pressions sociales et politiques demeurent malheureusement encore très fortes.

Selon une étude menée par le département des études sociales et professionnelles de l'Université Laval et dont les résultats ont été publiés le 27 avril dernier, 71 p. 100 des jeunes gens gais de 15 à 24 ans ont déjà songé au suicide et 36 p. 100 de ceux-ci ont déjà fait une tentative de suicide.

Les pressions de la société et les stigmates associés à l'homosexualité sont plus forts et plus dévastateurs que pour tout autre motif de distinction interdit par la Charte canadienne des droits et libertés.

Pourquoi avons-nous une charte, en fait? Est-ce pour refléter l'opinion de la majorité ou plutôt les minorités qui considèrent le suicide simplement comme le moyen ultime d'échapper à l'opprobre, à l'esprit de vengeance et à un ostracisme humiliant?

Ces dernières années, le Sénat a pris des mesures pour que l'orientation sexuelle soit un motif de discrimination illicite conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le projet de loi S-15, présenté en 1992 par le sénateur Kinsella, ranimé en 1996 en tant que projet de loi S-2 et encore une fois en 1997 en tant que projet de loi S-5 sur des programmes de promotion sociale pour les victimes de discrimination, traduit l'intérêt du Sénat pour cette grave situation. Cependant, la véritable signification du jugement qu'a rendu la Cour suprême du Canada en 1998 dans l'affaire M. c. H. reste à débattre.

Honorables sénateurs, notre rôle consiste, à mon avis, à examiner le projet de loi C-23 dans le contexte général de l'interprétation que la Cour suprême a donnée à la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

[Français]

Qu'en est-il en fait?

La Cour suprême, en interprétant l'inégalité d'accès aux bénéfices et obligations pour les couples de même sexe comme contraire au droit à l'égalité protégé par l'article 15.1 de la Charte, a reconnu formellement l'orientation sexuelle comme motif prohibé de discrimination. En d'autres mots, la cour a reconnu l'égalité de droit des sexualités. Ce n'est pas sans conséquence juridique pour toutes les autres situations ou conditions où se pose l'exclusion fondée sur l'orientation sexuelle.

Il n'est pas inusité de rappeler qu'en 1981, au moment où siégeait le comité mixte que je coprésidais à l'époque avec feu l'honorable sénateur Harry Hays, la question s'était posée aux membres du comité d'ajouter l'orientation sexuelle à la liste des motifs de discrimination interdits au paragraphe 1 de l'article 15.

J'appuyais d'ailleurs cette approche. À l'époque, les conseillers juridiques du ministre de la Justice nous avaient convaincus qu'il valait mieux s'en remettre à la clause introductive de l'article 15.1, dont la portée générale allait permettre aux tribunaux de se faire l'écho de l'évolution sociale que la société canadienne allait connaître au cours des ans.

En effet, l'énumération des motifs de discrimination mentionnés à l'article 15.1 n'est pas exhaustive. Elle est plutôt illustrative du type de discrimination que les droits à l'égalité cherchent à éliminer. L'inclusion du mot «notamment» confirme d'ailleurs cette interprétation et définit la mesure de la portée de l'appréciation laissée aux tribunaux dans leur évaluation des motifs de discrimination à prohiber.

Ce que la Cour suprême a en fait reconnu, c'est le principe de l'égalité entre les individus, quelle que soit leur sexualité. En d'autres mots, l'orientation sexuelle n'est plus un motif d'exclusion du bénéfice de la loi. Il devient interdit de discriminer une personne ou un couple et de l'exclure des avantages et obligations qui sont accessibles aux autres personnes, uniquement sur la base de leur orientation sexuelle.

Ainsi, le principe d'égalité des citoyens devant la loi, à l'exclusion de toute considération de leur sexualité, devient la norme à respecter dans une société libre et démocratique comme l'est le Canada.

Par conséquent, tout ce qui, directement ou indirectement, est du ressort de l'État canadien, ne peut plus être interdit aux gais et lesbiennes sur la base de leur orientation sexuelle.

Les droits et les bénéfices, les avantages et les obligations sanctionnés par l'État doivent donc leur être accessibles dans les mêmes conditions, de la même manière qu'ils le sont aux autres individus, citoyens ou couples sans égard à leur sexualité.

L'égalité, principe fondateur de l'état de droit, est le fondement de notre société au sein de laquelle les individus sont égaux devant la loi. On ne peut discriminer sur la base de la couleur, de la race ou de l'origine ethnique. Depuis le jugement M. c. H., on ne peut plus discriminer sur la base de l'orientation sexuelle.

Cette nouvelle norme dans notre droit et nos institutions devra entraîner des ajustements et correctifs importants, voire fondamentaux, dont nous ne mesurons pas encore toutes les implications.

En effet, cette question est probablement la plus délicate que les législateurs canadiens aient eu à aborder puisque pour un grand nombre de personnes, elle est déjà l'objet de préceptes moraux commandés par des allégeances religieuses particulières.

C'est pourtant notre responsabilité, en tant que législateurs, d'assumer le défi qui consiste à évaluer toutes les situations où l'État fait encore une distinction dans l'attribution de ses droits et bénéfices sur la base de la sexualité des individus.

Maintenant que la Cour suprême a statué en prohibant la discrimination basée sur l'orientation sexuelle, la volonté politique n'a pas à attendre de consensus pour rétablir les individus dans leur droit fondamental à l'égalité.

L'État a la responsabilité fondamentale de prendre toutes les mesures requises pour que les dispositions de la Charte soient entièrement respectées et que toutes ses lois et décisions en reflètent fidèlement l'application.

Certes, nous ne pouvons pas ignorer les difficultés, voire les passions qu'une telle entreprise peut soulever, mais il faut rappeler la neutralité éthique de l'ordre juridique public et notre responsabilité de protéger les minorités, surtout celles qui sont les plus fragiles, celles qu'il est le plus facile d'exclure et de marginaliser et, pourquoi pas, de ridiculiser.

Plusieurs éprouvent un certain sentiment d'inconfort moral personnel à passer outre à l'enseignement et aux prescriptions de leur foi religieuse pour accepter d'aborder la démarche intellectuelle qui consiste à rajuster les lois et institutions publiques à la pleine reconnaissance du statut égal en droit des gais et lesbiennes et de leur égal accès au bénéfice de la loi.

Mais l'État n'a pas à se prononcer sur les morales ou prescriptions religieuses que les citoyens décident de choisir pour eux-mêmes. Il doit permettre à toutes les morales de cohabiter sans imposer les prescriptions de l'une ou l'autre, surtout si une des morales est dominante et s'impose sur le plus petit nombre, qui a opté pour une approche différente et qui constitue la minorité la plus opprimée sous le poids de la culture de la morale majoritaire.

C'est la question la plus difficile que nous ayons à résoudre en tant que législateurs objectifs. Mettre de côté nos choix et règles personnels pour rétablir les individus discriminés dans la pleine jouissance de leurs attributs de citoyens libres et égaux.

(1700)

C'est pourquoi il m'apparaît que le projet de loi C-23, qui à bon droit est essentiel pour rétablir la pleine mesure de leurs droits à ces citoyens discriminés, contient ce que le terme anglais appelle une «legal inconsistency», ou encore une «contradiction juridique», en établissant que les couples de même sexe vivant en union de fait ont les mêmes bénéfices et obligations que les couples de sexe opposé vivant en situation semblable, mais en réaffirmant à l'article 1 du projet de loi l'exclusion de ces mêmes couples, des bénéfices et obligations qui découlent du mariage.

En toute logique, la reconnaissance juridique du couple de même sexe et son libre accès aux droits et obligations du couple de sexe opposé vivant en union de fait va au-delà d'une simple revendication des droits subjectifs d'un groupe spécifique. Elle est la suite logique d'un processus d'indifférenciation du sujet de droit sans laquelle toute initiative égalitaire reste en deçà de sa plénitude.

Dans ce contexte, le mariage doit être défini comme une institution de nature civile, contractuelle, entre deux personnes de type égalitaire, et qui doit être accessible sans distinction de race, couleur, religion ou orientation sexuelle.

Innoverions-nous à cet égard, lorsque le Parlement canadien aura à aborder cette question? Irions-nous à l'encontre d'une sorte de loi naturelle ou anthropologique?

Honorables sénateurs, d'autres systèmes de droit de pays ou États comparables au Canada ont déjà légiféré ou aménagé un système juridique satisfaisant. Pour ne mentionner qu'un seul, l'État du Vermont, un État américain près de nous s'il en est, vient d'adopter, le 25 avril dernier, il y a moins de deux semaines, une loi qui reconnaît aux couples de même sexe les bénéfices et obligations du Civil Union, l'équivalent institutionnel du mariage traditionnel. Le Parlement français, l'an dernier, a adopté le PACS, ou Pacte civil de solidarité et de concubinage, qui reconnaît également aux couples de même sexe les bénéfices de la sanction publique à l'engagement pris par deux personnes de même sexe de se lier civilement pour partager les obligations de la cohabitation et de la vie commune. Le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède ont également aménagé un système civil qui accorde la reconnaissance publique à l'engagement pris par des couples de même sexe de s'obliger l'un à l'égard de l'autre dans l'entreprise de la vie commune.

Les sociétés française, danoise, norvégienne, suédoise, hollandaise, les Américains du Vermont ont résolu le défi juridique qui consiste à reconnaître la pleine égalité et l'entier accès de la reconnaissance par l'État de l'obligation assumée librement par deux personnes, l'une vis-à-vis l'autre, de partager les responsabilités qui découlent d'une union libre.

Toute politique de reconnaissance passe d'abord par cette étape de la tolérance, avec tout ce que ce terme peut cacher de condescendance distante. Pourtant, l'opinion canadienne se situe probablement au-delà de ces réticences gênées.

Le projet de loi C-23, à cet égard, est une étape essentielle vers la reconnaissance juridique de l'égalité civile pour les couples de même sexe qui désirent s'obliger publiquement l'un vis-à-vis l'autre. Il constitue un jalon déterminant qui exprime les principes fondamentaux du rôle de l'État à l'égard de l'union civile, à savoir la reconnaissance de l'égalité d'accès sans distinction au bénéfice de la loi et de ses institutions.

Dans cette entreprise qui consiste à exprimer dans nos lois la pluralité et la complexité des nouvelles familles, nous ne pouvons pas échapper à la responsabilité qui consiste à aménager la reconnaissance juridique par l'État de l'association égalitaire de deux personnes dans un lien contractuel reconnu.

C'est là la garantie essentielle susceptible de mettre un terme à l'opprobre public et à assurer l'espoir qu'une même mesure de droit peut garantir dans une société caractérisée par la diversité, qu'elle soit de nature politique, religieuse, ethnique ou sexuelle.

Les différentes sexualités font désormais partie du pluralisme social tout comme la race, la couleur ou les opinions religieuses. Toute atteinte ou discrimination basée sur l'orientation sexuelle doit être combattue avec la même rigueur législative que le racisme, la xénophobie ou le sexisme.

L'atteinte au pluralisme des sexualités doit désormais être perçue comme un danger pour les valeurs démocratiques de notre pays. Aménager les conditions de l'espoir en la vie est notre responsabilité ultime pour les générations à venir.

Ce sont là, honorables sénateurs, les réflexions personnelles qui doivent nous interpeller lors de ce débat sur le projet de loi C-23.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, le sénateur Joyal s'oppose au moins implicitement à la clause insérée par la ministre de la Justice, tard dans le débat à l'autre endroit, visant à rassurer les gens quant au fait que le projet de loi n'affecte en rien la définition du mariage?

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je remercie le sénateur de sa question, car elle m'aide à apporter une précision sur un aspect de mon intervention. Je crois qu'il y a une contradiction juridique. Donner une reconnaissance sociale, politique et juridique à un type d'union et imposer des conditions à un autre type remet fondamentalement en question le principe d'égalité. Ou bien ces unions sont égales ou bien elles ne le sont pas. Si certains types d'union de fait sont reconnus, pourquoi le même principe ne s'applique-t-il pas à d'autres types?

La Cour divisionnaire de l'Ontario s'est penchée sur cette question dans l'affaire Leyland et Beaulne c. Canada (Procureur général), en 1992. Trois juges se sont prononcés sur la question même de la définition de mariage. Deux juges ont maintenu la définition traditionnelle, tandis que le juge Greer était d'avis contraire. Je crois que si la Cour suprême du Canada avait à se prononcer aujourd'hui dans l'affaire M c. H, l'opinion du juge Greer l'emporterait. Voilà l'interprétation que j'ai faite du jugement rendu dans l'affaire M c. H.

Ainsi, madame la ministre a ajouté à l'article 1.1 du projet de loi l'interprétation du mariage selon le droit coutumier au Canada, au lieu de le définir dans le cadre d'une loi du Parlement du Canada. Il n'existe pas de définition du mariage dans la loi canadienne. Le seul texte de loi que nous ayons concernant le mariage est celui qui interdit le mariage pour certaines raisons, mais il n'existe aucune définition du mariage. La définition de mariage est essentiellement une définition du droit coutumier. À l'article 1.1 du projet de loi, nous introduisons, dans un texte de loi, la définition du mariage tel qu'interprété par le droit coutumier. Je crois cependant que, depuis le jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire M c. H, cette définition n'est plus exacte.

Permettez-moi de dire clairement que je ne voterai pas contre le projet de loi. J'ai l'intention de l'appuyer tel quel, car il représente une mesure très importante visant à établir clairement le principe de l'égalité selon l'interprétation que la Cour suprême a faite de l'article 15.1 de notre Charte. Le projet de loi laisse cependant non résolue la question de la définition civile du mariage. J'insiste sur l'expression «définition civile du mariage» par opposition à la «définition religieuse du mariage». Il existe à mon avis une distinction fondamentale. Quand l'État définit le mariage en l'an 2000, c'est pour donner accès sur une base égale aux avantages de la loi et aux avantages des institutions publiques.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'intervention et la question ont malheureusement dépassé les 15 minutes autorisées. Désirez-vous accorder la permission de poursuivre?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Murray: Le sénateur voudrait-il nous dire s'il pense que l'article dont je viens de parler, confirmant, le cas échéant, une certaine définition du mariage, finira par être examiné par les tribunaux?

(1710)

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je ne veux pas prédire ce qui se passera devant les tribunaux canadiens, mais maintenant qu'existe le jugement M c. H, quelqu'un quelque part va saisir de nouveau les tribunaux de cette question. Quoi qu'il en soit, comme je l'ai dit dans ma réponse au sénateur Murray, je pense que nous pouvons nous prononcer sur le projet de loi sous sa forme actuelle bien que certains d'entre nous partagent probablement l'opinion que j'ai exprimée aujourd'hui, à savoir que le projet de loi, en redéfinissant le mariage en fonction de la common law, répond à la question de savoir jusqu'où on peut aller dans l'interprétation de l'égalité. Où s'arrête l'égalité?

Comme je le disais, la décision M c. H repose essentiellement sur le paragraphe 15.1 de la Charte. Si nous interprétons une disposition de la Charte d'une manière qui singularise une situation, nous excluons par là même la discrimination raciale tout en l'acceptant dans certaines situation. Par exemple, aux États-Unis, jusqu'en 1967, 16 États interdisaient le mariage entre Blancs et personnes de couleurs Ce motif de discrimination serait interdit dans notre législation.

Pour ce qui est de la définition du mariage, à la lueur de l'interprétation d'autres articles de la Charte et en fonction des principes d'égalité et de non discrimination, la situation est telle aujourd'hui qu'on est loin d'avoir répondu à la question. Vu la complexité de la question, et je suis le premier à le reconnaître, la Cour suprême en sera certainement saisie de nouveau.

L'honorable Landon Pearson: Le sénateur Joyal me permettra sans doute de faire une petite correction, pour la postérité. Je nourris un grand respect pour le sénateur Joyal, et je suis certaine qu'il n'aimerait pas que le compte rendu contienne des inexactitudes. Je suis entièrement d'accord avec ce qu'il a dit sur la question de la discrimination contre les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et ses nombreux résultats tragiques. J'en sais quelque chose. Toutefois, je crains qu'il ait choisi un mauvais exemple. En effet, le suicide d'Herbert Norman n'avait rien à voir avec ce genre de discrimination. Il a été causé par les attaques du comité de la Chambre des représentants des États-Unis sur les activités anti-américaines. Herbert Norman a été conduit au suicide par le fait qu'il était soupçonné d'être un sympathisant communiste plutôt que par quoi que ce soit d'autre dans son passé, comme en attesterait sa veuve.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, j'apprécie la précision de l'honorable sénateur Pearson. Elle est au courant que tout le monde savait, à l'époque, que les vérifications de sécurité concernant les diplomates du Canada étaient aussi rigoureuses que celles qui étaient alors faites aux États-Unis. Elles entraînaient le même genre de conséquences. On avisait les intéressés qu'une vérification de sécurité avait permis de tirer des conclusions qui, si elles étaient rendues publiques, signifiaient la honte, de sorte qu'ils avaient l'occasion de démissionner, d'être promus ou rétrogradés, ou encore d'aller exercer leur profession ailleurs. Je suis certain que le sénateur Pearson est au courant de cas où c'est arrivé. En ce qui concerne Herbert Norman, j'ai lu les mémoires du regretté très honorable Lester B. Pearson et le livre que vient de faire paraître John English sur les années Pearson. Je dirais qu'un doute subsiste. On a attaqué la réputation de Herbert Norman et, quand il a mis fin à ses jours, les mauvaises langues ont essayé de trouver une autre cause. Des allusions ont été faites à son sujet.

Le sénateur Pearson: Honorables sénateurs, j'ai connu Herbert Norman. Sa femme est une amie. J'estime que les aspects douteux de ses antécédents que la vérification de sécurité a mis au jour étaient d'un autre ordre et que son suicide a été une terrible tragédie pour nous tous.

L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je n'ai rien à redire à propos du discours du sénateur Joyal et je veux aussi appuyer ce qu'a dit le sénateur Pearson. J'ai vécu en Afrique deux ans après le décès de M. Norman, et certains de mes amis connaissent très bien la famille de l'ancien ambassadeur. À la suite du suicide qu'il a commis en se jetant en bas du toit de l'ambassade au Caire en 1957, j'ai fait de lui le sujet de la première oeuvre que j'ai rédigée sur l'Afrique. Je crois qu'il serait malheureux de laisser ce qui, selon moi, est une mauvaise impression au sujet des raisons de sa mort. Je crois que son décès est lié à des questions de sécurité qui remontent à l'époque où il était étudiant dans les années 30. Je connais des gens de cette génération qui sont toujours vivants. C'est ce qu'on a dit à l'époque, et je n'ai jamais rien entendu qui puisse changer cette opinion.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, j'ai une petite question à poser. Si je puis me permettre, tandis que je suis debout, je tiens à signaler que, lorsque j'ai répondu aux questions du sénateur Hervieux-Payette, je crois avoir dit que M. Trudeau était ministre de la Justice. À bien y penser, c'était plutôt M. Turner qui était alors ministre de la Justice, tandis que M. Trudeau était premier ministre. Peut-être pourrait-on corriger le compte-rendu.

Madame la ministre de la Justice a dit à maintes reprises à l'autre endroit que le projet de loi C-23 ne diminuera pas le mariage et n'y portera pas atteinte. Elle a aussi répété que le gouvernement du Canada s'est engagé à assurer la subsistance du mariage. Je ne suis pas certaine de dénoter une différence d'opinion, mais nous ferons la lumière là-dessus en comité.

Si j'ai bien compris, le sénateur Joyal a dit, et on me corrigera si je me trompe, que le mariage devrait tout simplement être une union civile, un contrat civil.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, j'ai dit que le mariage est un lien contractuel, reconnu publiquement par l'État, entre deux personnes chargées d'affronter et de partager, sur un pied d'égalité, les obligations de la vie. C'est la définition civile que je donne au mariage. Bien sûr, elle n'a rien à voir avec la définition religieuse qu'une Église ou un code moral pourrait lui donner. Cependant, en ce qui concerne la sanction publique du mariage, c'est cette définition qu'il devrait avoir, à mon avis.

Cela dit, je voudrais m'associer aux propos témoignant de la grande réputation de Herbert Norman, qui jouissait d'une grande réputation. Il était considéré à l'époque comme le diplomate canadien le plus en vue parmi un groupe de fonctionnaires canadiens dont on a fait de grands éloges et qui ont créé une tradition de diplomatie aux Affaires étrangères dont nous avons hérité avec fierté du temps du regretté Lester B. Pearson. La dernière chose que je voudrais faire, c'est de porter atteinte à sa réputation. Je tiens à rassurer le sénateur Pearson et le sénateur Stollery que mon objectif est tout le contraire.

(1720)

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, le sénateur dit que le mariage est un contrat civil, mais, à mon avis, et je crois que la jurisprudence m'appuiera, il n'est pas un contrat civil, même s'il renferme certains éléments d'un contrat, car la plupart des contrats civils peuvent être résiliés, tout comme ils peuvent être conclus par consentement mutuel des deux parties. J'espère que le sénateur Joyal ne laisse pas entendre qu'un simple consentement des deux parties pourrait mettre fin à leur mariage.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, c'est pourquoi le divorce repose sur le consentement mutuel. C'est aujourd'hui la condition du divorce. On peut divorcer pour toutes sortes de raisons, mais, fondamentalement, le divorce est accordé aujourd'hui par consentement mutuel.

Si deux personnes décident de mettre fin à leur mariage, elles se rendent devant le tribunal et remplissent un document. Elles doivent tenter de se réconcilier pendant une certaine période et, après l'expiration de cette période, si aucune amélioration ne s'est produite, l'union est terminée.

Le contexte est bien différent de ce qu'il était il y a 30 ans, surtout dans la province de Québec, alors que le mariage était indissoluble. Ce n'est plus le cas. On peut maintenant mettre fin à un mariage par consentement mutuel. Cela montre clairement que le mariage est un contrat.

Le sénateur Cools: Je crois savoir, honorables sénateurs, qu'on ne peut pas mettre fin à un mariage par consentement mutuel. Il faut pour cela une proclamation et un jugement.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, le sénateur Pépin, appuyée par le sénateur Maheu, propose: Que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Une voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pépin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi sur la Loi électorale du Canada

Troisième lecture-Motion d'amendement-Report du vote

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Murray: Que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 350, à la page 144, par substitution, à la ligne 7, de ce qui suit:

«(2) 4 000 $ pour favoriser les élections d'un ou de».

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Atkins a ajourné cet article après le début du débat sur la motion d'amendement du sénateur Oliver. Le sénateur Atkins se trouve maintenant à une réunion avec d'autres sénateurs qui doivent étudier un autre dossier. J'ai demandé son avis à ce sujet et, pour ne pas retarder indûment l'étude de ce projet de loi, nous croyons que les arguments de notre collègue, le sénateur Oliver, ont réussi à bien faire valoir notre préoccupation. Nous sommes persuadés que cet amendement recevrait l'appui de tous les sénateurs.

Son Honneur le Président: Si personne d'autre ne souhaite intervenir, vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que tous les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

L'honorable Mable M. DeWare: Honorables sénateurs, j'ai discuté avec le whip du gouvernement, et il a accepté que le vote soit reporté à demain, à 15 h 30, conformément au paragraphe 65(3) du Règlement.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): C'est exact, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que l'on fasse sonner le timbre à 15 h 15, le vote différé devant se tenir à 15 h 30?

Des voix: D'accord.

Projet de loi sur les paiements versés en remplacement d'impôts

Troisième lecture

L'honorable Wilfred P. Moore propose: Que le projet de loi C-10, Loi modifiant la Loi sur les subventions aux municipalités, soit lu une troisième fois.

- Honorables sénateurs, je prends la parole à l'occasion de la troisième et dernière lecture du projet de loi C-10, Loi concernant les paiements versés en remplacement d'impôts aux municipalités.

Je voudrais d'abord remercier les sénateurs d'avoir appuyé cette mesure à l'étape de la deuxième lecture. Il est clair que nous reconnaissons tous les avantages du programme de subventions aux municipalités et son importance pour toutes les municipalités du pays. Nombre d'entre nous viennent de localités qui ont profité de l'ancienne pratique fédérale des paiements versés en remplacement d'impôts sur des biens immobiliers. On peut imaginer ce qui arriverait si cette pratique prenait fin en raison de l'exemption constitutionnelle du gouvernement de payer des impôts fonciers. L'impact d'une telle cessation sur les municipalités serait non négligeable, voire énorme dans certains cas. Il ne fait pas de doute que les subventions municipales seraient réduites, que des services seraient amputés et que des emplois seraient perdus.

Honorables sénateurs, ce projet de loi vise à renforcer le système de paiements qui existe actuellement, et non à en réduire les coûts. Le projet de loi C-10 maintient les principes de justice et d'équité qui ont servi de guides au programme depuis sa création et il améliore le caractère prévisible des paiements, ce qui assurera de la stabilité aux municipalités dans leur processus budgétaire.

En 1995, le gouvernement a chargé un comité technique mixte d'étudier diverses options de modernisation du programme de subventions municipales. Le comité réunissait des représentants de la Fédération canadienne des municipalités, du Secrétariat du Conseil du Trésor et de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Il a produit deux rapports, un premier en 1995 et un second en 1997.

Je pense qu'il faut reconnaître le rôle important que le comité technique mixte a joué dans l'examen et la réforme du programme. Il faut aussi rendre hommage à l'actuel ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Après avoir examiné attentivement le travail qui s'est fait depuis quelques années, le ministre s'est engagé personnellement, il y a 18 mois, à moderniser le programme à la lumière des consultations nationales menées auprès d'une vaste gamme d'intéressés. Travaillant en collaboration avec la Fédération canadienne des municipalités, le ministre a entrepris des consultations qui l'ont mené dans 11 villes au cours de l'été 1998 et qui lui ont permis d'apprendre de première main de quelle façon on pourrait améliorer le programme.

Puisqu'il est question de cette tournée, honorables sénateurs, il convient aussi de souligner l'excellent travail des élus municipaux, des spécialistes de l'évaluation et d'autres intéressés qui ont pris le temps d'engager un dialogue constructif et positif avec le ministre. Ces rencontres ont permis d'établir un climat de respect et une nouvelle compréhension entre les deux ordres de gouvernement et elles ont indiscutablement renforcé l'unité de notre pays, à un moment important de notre histoire.

Honorables sénateurs, un certain nombre d'organismes ont joué un rôle à ce chapitre et ont appuyé le projet de loi, dont la Fédération canadienne des municipalités et l'Institut canadien des évaluateurs. Ce qu'il faut retenir de tout cela, c'est qu'il s'agit là d'une solide mesure législative qui permettra d'apporter des changements importants et indispensables à un programme qui sert fort bien les intérêts de notre pays depuis 50 ans. Le projet de loi C-10 lance un message clair, celui selon lequel le gouvernement fédéral respecte les normes établies pour les autres propriétaires fonciers. Il établit un cadre qui permettra d'assurer l'équilibre entre les intérêts de l'ensemble des contribuables canadiens et les besoins des collectivités locales et il fait en sorte que la présence fédérale demeure un facteur positif dans les collectivités d'un océan à l'autre au cours du nouveau millénaire.

(1730)

C'est pourquoi je vous demande, honorables sénateurs, d'appuyer le projet de loi C-10 pour qu'il puisse être proclamé et appliqué le plus rapidement possible.

Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire prendre la parole, je vais mettre la motion aux voix.

L'honorable sénateur Moore, appuyé par l'honorable sénateur Wiebe, propose que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une troisième fois et adopté.)

comité sénatorial spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20

Motion de constitution-Décision du Président-Ajournement du débat

L'ordre du jour appelle:

Motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p. (L'Acadie-Acadia):

Qu'un comité spécial du Sénat soit constitué afin d'étudier, après la deuxième lecture, le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Que, nonobstant l'alinéa 85(1)b) du Règlement, le comité soit composé de quinze membres, y compris:

Le sénateur Joan Fraser
Le sénateur Céline Hervieux-Payette, c.p.
Le sénateur Colin Kenny
Le sénateur Marie-P. Poulin (Charette)
Le sénateur George Furey
Le sénateur Richard Kroft
Le sénateur Thelma Chalifoux
Le sénateur Lorna Milne
Le sénateur Aurélien Gill;
Que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le comité soit autorisé à retenir les services de professionnels et du personnel de soutien et autres qu'il juge nécessaire.-(Décision du Président).

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis maintenant prêt à rendre ma décision concernant l'affaire soulevée à ce sujet.

Jeudi dernier, soit le 4 mai 2000, le sénateur Lynch-Staunton, chef de l'opposition, a invoqué le Règlement après que le sénateur Hays eut présenté une motion proposant de créer un comité spécial pour étudier le projet de loi C-20, relatif à l'exigence de clarté dans le dossier référendaire. L'avis de motion avait été préparé selon les règles plus tôt durant la semaine, soit le mardi. Le sénateur Lynch-Staunton a alors soutenu que la motion était irrecevable pour plusieurs raisons, qu'elle anticipait sur la décision que le Sénat prendra au sujet du projet de loi C-20 et, en conséquence, qu'il serait contraire au Règlement de la mettre en délibération avant la deuxième lecture du projet de loi. Pour étayer sa thèse, il a cité des passages sur l'interdiction d'anticiper tirés de plusieurs ouvrages de procédure parlementaire faisant autorité, dont Erskine May, Beauchesne et La procédure et les usages de la Chambre des communes, de publication récente.

[Français]

Au cours de l'échange sur le rappel au Règlement, le sénateur Kinsella est intervenu à l'appui du chef de l'opposition. Il a dit juger impensable d'instituer un comité spécial pour examiner une question qui, aux termes du Règlement du Sénat, devrait être déférée au comité permanent dont le mandat, a-t-il affirmé, couvre des questions telles que celles que vise le projet de loi C-20. Le sénateur Cools a abondé dans le même sens et prétendu en plus que le libellé de la motion était défectueux. Le sénateur Murray a pour sa part dit ne pas comprendre comment la motion du sénateur Hays pourrait être recevable, compte tenu surtout de la décision du mardi 2 mai 2000 concernant les motions d'instructions aux comités.

[Traduction]

Au terme de l'échange de jeudi dernier, le Président pro tempore a accepté de prendre la question en délibéré, et le Président pro tempore et moi avons depuis eu le temps d'en faire un examen plus poussé. Après avoir réfléchi aux divers arguments soulevés lors du débat et étudié les ouvrages de référence cités, je suis en mesure de rendre la décision suivante sur la recevabilité, en procédure, de la motion du leader adjoint du gouvernement portant création d'un comité spécial chargé d'étudier le projet de loi C-20 après sa deuxième lecture.

En commençant mon étude de l'objection, je me suis rendu compte que certains des arguments présentés contre la motion semblent se recouper entre eux. Je vais néanmoins les traiter isolément.

[Français]

Selon la première objection soulevée par le chef de l'opposition, la motion proposant de créer un comité spécial présuppose que la motion de deuxième lecture du projet de loi C-20 sera adoptée. Ce point de vue n'est pas dénué de valeur, mais je ne crois pas pour autant que la motion viole l'usage parlementaire établi ou qu'elle enfreigne le Règlement du Sénat tel que je le comprends. Il est vrai que la motion présuppose un vote favorable à la deuxième lecture du projet de loi C-20, mais elle n'a pas pour effet de déterminer ce résultat à l'avance. Du point de vue de la procédure, les deux motions sont des questions distinctes. En effet, même si la motion proposant de créer un comité était adoptée avant la deuxième lecture du projet de loi, le Sénat demeurerait libre de voter contre la deuxième lecture du projet de loi, et s'il le faisait, la motion créant le comité deviendrait tout bonnement caduque, comme l'a expliqué le leader adjoint du gouvernement.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton a ensuite signalé que les comités sont liés et limités par leur ordre de renvoi. À son avis, ce principe implique en l'espèce qu'il ne conviendrait pas de débattre la motion portant création d'un comité spécial avant la fin du débat de deuxième lecture, car nous ne serons certains que le Sénat aura adopté le principe du projet de loi C-20 et, par le fait même, établi les paramètres du l'ordre de renvoi qu'après la fin du débat. Ce raisonnement comporte toutefois une faiblesse, que le sénateur Murray a aussi soulignée dans son intervention, car il a estimé qu'une motion portant création d'un comité spécial et une motion d'instructions à un comité se ressemblent, à tout le moins dans la mesure où ni l'une ni l'autre ne peut être présentée avant la deuxième lecture du projet de loi qu'elles visent.

Comme tous ceux qui ont traité de ce point jeudi dernier l'ont admis, une motion portant création d'un comité peut être débattue. En fait, c'est ce qui découle de l'alinéa 62(1)h) du Règlement, selon lequel une motion portant création d'un comité permanent ou spécial peut être mise à l'étude. Le sénateur Hays a de plus signalé qu'aux termes de l'article 93 du Règlement, le Sénat «peut, s'il le juge utile, désigner des comités spéciaux, dont il établit le mandat, délimite les pouvoirs et précise les tâches».

Toutefois, aux termes des paragraphes 62(1)i) et 62(2), la motion portant renvoi d'un projet de loi à un comité après sa deuxième lecture ne peut être ni débattue, ni modifiée parce qu'elle peut être vue comme une motion de procédure et qu'une telle motion ferait automatiquement suite à l'adoption de la motion de deuxième lecture du projet de loi.

Il s'ensuit que la seule façon de renvoyer un projet de loi à un comité spécial ou législatif, ce que permet aussi notre Règlement, consiste à créer ce comité au moyen d'une motion distincte pouvant être débattue. De plus, comme j'ai tenté de l'expliquer, cette motion devrait être adoptée avant le vote sur la deuxième lecture du projet de loi, sans quoi il serait impossible en vertu de notre Règlement de le renvoyer au comité, puisque celui-ci n'aurait pas encore été créé. Plusieurs précédents semblent confirmer ma compréhension de cette procédure.

[Français]

Au cours des douze dernières années, le Sénat a décidé à trois occasions de créer un comité spécial pour étudier un projet de loi. Deux de ces cas sont antérieurs aux modifications apportées au Règlement en 1991. Le premier s'est produit en juillet 1988, et le projet de loi à l'étude était le projet de loi C-72, relatif aux langues officielles. Le second remonte à l'année suivante, en novembre 1989, et concernait le projet de loi C-21 sur l'assurance-chômage. Dans ces deux cas, la première motion a été adoptée après la deuxième lecture, mais la deuxième motion l'a été avant la deuxième lecture. Le troisième et plus récent précédent s'est produit en 1995, lors de l'étude du projet de loi C-110, relatif aux modifications à la Constitution. Dans chacun des trois cas, un avis de la motion a été donné avant l'adoption de la motion portant deuxième lecture du projet de loi. En fait, elles étaient toutes libellées dans les mêmes termes que la motion présentée dans le cas présent, c'est-à-dire qu'elles proposaient toutes de créer un comité spécial en vue d'étudier un projet de loi précis «après la deuxième lecture». En fait, seul le précédent de 1995 a été débattu, même si toutes les motions auraient pu l'être.

En plus de ces précédents au Sénat, un autre cas intéressant s'est produit à l'autre endroit en mars 1993. Une motion avait alors été présentée visant à créer un comité spécial mixte chargé d'étudier le projet de loi C-116, sur les conflits d'intérêts touchant les titulaires d'une charge publique. Bien que les usages de l'autre endroit ne soient pas identiques aux nôtres, il est impossible là aussi, comme au Sénat, de débattre de la question du comité auquel le projet de loi sera déféré après la fin du débat en deuxième lecture. Conséquemment, la motion portant création du comité spécial mixte devait être adoptée avant de mettre aux voix la question sur la deuxième lecture.

[Traduction]

Envisageant les choses un peu différemment que ne le faisait le chef de l'opposition, le sénateur Kinsella a fait valoir que le Règlement du Sénat énonce le mandat de chacun de nos comités permanents, dont celui des affaires juridiques et constitutionnelles. Il a soutenu que le projet de loi C-20 relève clairement du mandat de ce comité et que c'est donc à lui qu'il faut le renvoyer, et non à un comité spécial. Quel que soit son bien-fondé, ce point de vue ignore une autre disposition du Règlement, soit le paragraphe 86(2), qui dit ceci:

Tous les projets de loi, messages, pétitions, interpellations, documents ou autres matières peuvent être renvoyés, sur décision du Sénat, à n'importe quel comité.

(1740)

Cette disposition permet au Sénat, s'il le juge indiqué, de ne tenir aucun compte du mandat des comités permanents. Il semble donc que rien dans le Règlement ne s'oppose à ce qu'une motion portant création d'un comité spécial soit présentée.

[Français]

Enfin, il y a le troisième argument du sénateur Lynch-Staunton, qui recoupe un peu son argument sur l'anticipation. Comme on l'a expliqué jeudi dernier, la règle interdisant d'anticiper n'est pas expressément énoncée dans le Règlement du Sénat ni dans celui de l'autre endroit, même si elle constitue un principe essentiel de nos usages. Beauchesne signale, aux commentaires 512(1) et (2) de sa Jurisprudence parlementaire, à la page 161 de la sixième édition, que l'interdiction d'anticiper découle du même principe que l'interdiction de soulever deux fois «la même question» au cours d'une session. La règle interdisant d'anticiper prévoit:

[...] qu'on ne peut aborder une question à l'avance si la démarche prévue est plus opportune que la nouvelle démarche proposée.

Par ordre décroissant de priorité, un projet de loi l'emporte sur une motion, et une motion prime sur des amendements. Le sénateur Lynch-Staunton a soutenu que comme le projet de loi l'emporte sur la motion proposant de créer le comité spécial, il doit avoir priorité sur elle.

[Traduction]

Je serais disposé à accepter cet argument si on pouvait me prouver que les deux questions sont identiques ou même semblables quant au fond, mais ce n'est pas le cas. La motion portant deuxième lecture du projet de loi C-20 implique une décision sur le principe de la mesure et sur la question de savoir si le projet de loi justifie un examen plus approfondi de la part du Sénat. La motion portant création d'un comité spécial chargé d'examiner le projet de loi C-20 ne porte pas directement sur le principe ou la teneur du projet de loi, mais vise plutôt à prévoir une solution de rechange et la possibilité de renvoyer le projet de loi à un autre type de comité. Ces deux motions ne s'équivalent pas quant au fond, et la règle interdisant d'anticiper ne s'applique pas à leur étude.

Pour toutes ces raisons, je juge que la motion du sénateur Hays est recevable et qu'elle peut être débattue.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis heureux que nous ayons eu l'occasion d'éclaircir la question soulevée par le sénateur Lynch-Staunton. Je dois maintenant parler de la motion, ce que je me propose de faire à ce moment-ci.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Vous feriez mieux de proposer la motion d'abord.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je propose à nouveau la motion même si je l'ai déjà proposée le 4 mai dernier, ce qui avait suscité un rappel au Règlement de la part du sénateur Lynch-Staunton.

Honorables sénateurs, je propose:

Qu'un comité spécial du Sénat soit institué afin d'étudier, après la deuxième lecture, le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Que, nonobstant l'article 85(1)b) du Règlement, le comité soit composé de quinze membres, y compris:

Le sénateur Joan Fraser
Le sénateur Céline Hervieux-Payette, c.p.
Le sénateur Colin Kenny
Le sénateur Marie-P. Poulin (Charette)
Le sénateur George Furey
Le sénateur Richard Kroft
Le sénateur Thelma Chalifoux
Le sénateur Lorna Milne
Le sénateur Aurélien Gill;

Que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité ait le pouvoir de faire comparaître des personnes et produire des documents, d'entendre des témoins, et de faire imprimer au jour le jour documents et témoignages, selon les instructions du comité;

Que le comité soit habilité à permettre le reportage de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, en dérangeant le moins possible ses travaux; et

Que le comité soit autorisé à retenir les services de professionnels et du personnel de soutien et autres qu'il juge nécessaires.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Pourrions-nous avoir des explications sur cette motion, honorables sénateurs?

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, cette motion a été proposée pour permettre à un comité spécial d'étudier le projet de loi C-20, au cas où le Sénat déciderait d'en faire la deuxième lecture. Je crois qu'il est raisonnable de demander pourquoi. Lors du débat sur le rappel au Règlement du sénateur Hays, le sénateur Lynch-Staunton a souligné que nous avons un comité permanent, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui, selon nos règles serait le comité compétent pour étudier un projet de loi comme le projet de loi C-20, quoique le Président ait souligné dans sa décision que le projet de loi peut très bien être renvoyé au comité auquel le Sénat juge à-propos de le renvoyer.

Dans ce cas-ci, nous sommes d'avis de ce côté-ci de la Chambre que la meilleure façon de procéder est de créer un comité spécial. Si je dis cela, c'est pour plusieurs raisons. L'une de ces raisons, c'est que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est très occupé. Il est actuellement saisi de plusieurs mesures législatives. À ce stade du calendrier parlementaire, où nous approchons des vacances d'été, nous nous attendons à ce qu'il soit saisi d'un certain nombre de projets de loi importants venant de l'autre endroit. Il doit aussi examiner plusieurs projets de loi d'intérêt privé, d'intérêt public et du Sénat. Bref, il est très occupé.

Reste à savoir s'il y a une bonne raison de créer un comité spécial qui aurait plus de souplesse pour faire le travail. De ce côté-ci de la Chambre, nous disons que oui et que la meilleure façon de régler le problème est de créer le comité spécial proposé dans la motion.

L'autre chose importante, c'est que le comité peut être d'une taille plus importante que celle de notre comité permanent, qui compte seulement 12 membres. Dans ma motion, honorables sénateurs, je propose la création d'un comité de 15 membres, ce qui nous donnerait un peu plus de souplesse, puisque conformément à la pratique dans le cas d'un comité de 15 personnes, on pourrait recruter deux sénateurs de plus du côté de la partie gouvernementale et un sénateur de plus du côté de l'opposition.

Une autre raison pour laquelle, de ce côté-ci, nous croyons qu'un comité spécial est un moyen approprié de procéder est le fait qu'un tel comité offrirait une certaine souplesse étant donné qu'il n'aurait à se pencher que sur un seul projet de loi. Il pourrait organiser ses journées de séance beaucoup plus facilement qu'un comité permanent, étant donné qu'un comité permanent comme le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà un programme très chargé.

C'est un projet de loi important que nous envisageons de renvoyer à ce comité, si le Sénat veut bien l'adopter en deuxième lecture. Il exigera beaucoup de temps et d'attention. Nous croyons qu'un comité spécial est une très bonne façon de lui consacrer le temps et l'attention voulus. Il se peut que le comité siège le lundi et le vendredi lorsque certains de nos comités siègent. En supposant que ce projet de loi reçoive la deuxième lecture, le comité pourrait même se réunir durant des semaines où on s'attend normalement à ce que le Sénat ne siège pas. Cette décision reviendra aux membres du comité.

Comme les honorables sénateurs vont le noter à partir de la motion que j'ai présentée, le comité aurait le droit de téléviser ses délibérations. En fait, c'est une chose sur laquelle je pense que nous, du côté ministériel, allons insister et je suis persuadé qu'il en ira de même des sénateurs de l'opposition qui pourraient siéger à ce comité.

Il y a une question dont je voudrais parler. Il s'agit de la composition du comité. La motion que j'ai présentée parle d'un comité formé de 15 personnes, mais ne précise pas qui siégerait au nom de l'opposition. Cette question pourrait être réglée d'un certain nombre de façons. Cependant, je crois que notre pratique dans les circonstances est que le comité de sélection se réunisse. Il est présidé par le whip du gouvernement, le sénateur Mercier. Il déterminerait les autres membres. En fait, il confirmerait probablement la composition que j'ai précisée dans la motion dont est saisi le Sénat. Ce comité ferait ensuite rapport au Sénat qui, on peut l'espérer, approuverait ce rapport. Nous aurions alors un comité auquel renvoyer le projet de loi C-20, ce projet de loi important qui a déjà pris tant de notre temps à l'étape de la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, ce sont mes arguments et mon explication de la motion favorisant la formation d'un comité spécial pour étudier le projet de loi C-20.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

(1750)

Projet de loi sur la protection des jeunes contre le tabac

Deuxième lecture

L'honorable Colin Kenny propose: Que le projet de loi S-20, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, il m'arrive parfois de me considérer très chanceux d'appartenir à cette institution, et c'est le cas aujourd'hui. La vie nous a donné la chance de venir en aide à des jeunes Canadiens aux prises avec un problème qui touche toute la société canadienne, et, si je peux persuader la Chambre des avantages que présente ce projet de loi, nous aurons également la chance de modifier profondément la vie des enfants pour les années à venir.

Tout d'abord, j'aimerais décrire le problème auquel ce projet de loi s'attaque. En 1997, quand je me suis penché sur les statistiques relatives au tabac pour la première fois, 40 000 personnes mouraient chaque année d'une maladie reliée à la consommation de tabac. Au cours de l'année dernière seulement, les statistiques recueillies par Santé Canada démontrent que 45 000 décès sont attribuables au tabac chaque année, ce qui constitue une augmentation de 5 000 décès. En réalité, ces chiffres sont probablement très conservateurs parce que Santé Canada ne tient compte que des fumeurs et n'inclut pas dans ses calculs tous les gens qui sont touchés par la fumée secondaire. Ces chiffres pourraient donc s'élever bien au-delà des 45 000.

Deuxièmement, les jeunes commencent à fumer beaucoup plus tôt qu'auparavant. Lorsque j'ai commencé à m'intéresser à la question, 80 p. 100 des fumeurs canadiens commençaient à fumer avant l'âge de 18 ans. Cette année, selon les chiffres de Santé Canada, 85 p. 100 des fumeurs commencent avant l'âge de 16 ans et certains commencent même à fumer dès l'âge de 10, 11 ou 12 ans. Les enfants commencent à fumer avant même d'entrer dans l'adolescence. On n'entend jamais une personne de 40 ans dire: «Je crois que je vais maintenant essayer une cigarette.» On parle ici d'enfants qui commencent de plus en plus tôt à allumer. Puis enfin, il y a la question des coûts. Santé Canada souligne que nous dépensons directement 3 milliards de dollars par année pour des maladies reliées au tabac et indirectement 7 milliards. Ce sont là dix milliards de dollars qui sont dépensés chaque année pour des maladies reliées au tabac.

Les jeunes forment le groupe cible important sur lequel nous devons mettre l'accent. Le projet de loi S-20 concerne les jeunes. Il se penche sur les jeunes et a pour objet de les servir. Ce n'est qu'en mettant l'accent sur les jeunes qu'on arrivera à briser le cycle d'imposture auquel les sociétés de tabac doivent faire appel pour maintenir leurs marchés et leurs profits. Pendant des décennies, les sociétés de tabac ont mené des campagnes énergiques en vue d'attirer des clients de tous les groupes d'âge. Des arguments comme «la liberté de choix» et le «style de vie» sont invoqués. Je suis en faveur de la liberté de choix. À mon avis, cet argument vaut pour tout adulte, mais il ne s'applique pas lorsqu'il est question de jeunes de 10, 11 et 12 ans.

Nous avons une obligation à l'endroit des pré-adolescents. Nous devons les éduquer et les protéger, et c'est là l'objet du projet de loi S-20. Ce document concerne la protection de nos enfants. Ce n'est pas une question de liberté de choix. Tous les sénateurs dans cette Chambre peuvent décider s'ils vont ou non fumer, et je n'interviendrais auprès d'aucun d'entre eux pour chercher à orienter leur décision dans un sens ou dans l'autre. Toutefois, je réagis très différemment lorsque les enfants sont en cause. De nouveau, c'est là l'objet du projet de loi S-20

Au Canada, comme je l'ai dit, 45 000 personnes meurent chaque année de maladies liées au tabac; ce produit est la principale cause de décès évitables au Canada. Pour situer ce phénomène dans son contexte, je souligne que l'automobile, y compris la conduite en état d'ébriété, est la deuxième cause de décès évitables, et que celle-ci entraîne environ 4 000 morts par année. Par conséquent, le tabac est la chose la plus meurtrière à laquelle nous ayons à faire face, le bilan des morts étant dix fois plus élevé que pour toute autre cause.

Honorables sénateurs, je ne veux pas vous porter à tort à croire que la lutte contre le tabagisme au Canada à été une catastrophe. En réalité, je crois que le gouvernement a accompli beaucoup de bonnes choses. Je pense que le gouvernement devrait s'en attribuer le mérite et je suis disposé à le lui accorder. Premièrement, nous avons une excellente législation concernant le tabac. Elle est très utile et productive. Deuxièmement, je crois que le projet de loi C-42 est efficace, dans la mesure où il mettra enfin un terme à la promotion de la cigarette. D'ici trois ans, ce sera chose faite. Selon moi, nous comptons aussi une bonne proposition concernant les étiquettes d'avertissement devant figurer sur les paquets de cigarettes, et je suis donc disposé à reconnaître que le gouvernement a consenti des efforts importants dans tout un éventail de domaines. Toutefois, il reste toujours une importante lacune sur le plan du financement. À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral affecte 20 millions de dollars à la lutte contre le tabagisme, répartis à parts égales entre l'exécution de la loi et l'éducation. Cela représente 66c. par habitant. Par ailleurs, ce même gouvernement perçoit 2,25 milliards de dollars par année en taxes sur les produits du tabac. Quand on compare ce chiffre aux 20 millions de dollars affectés à la prévention, on constate que c'est moins de un dollar par tranche de 1 000 dollars perçus sous forme de taxes.

Comment trouver une solution? Une partie de la solution réside dans un document intitulé: «Best Practices for Comprehensive Tobacco Control Programs» et daté du mois d'août 1999. Publié par le Centre for Disease Control à Atlanta, il est le fruit d'une étude menée dans les 50 États des États-Unis. L'étude porte surtout sur la Californie, le Massachusetts et la Floride, soit les États ayant des programmes de lutte contre le tabagisme qui se sont révélés efficaces.

Avant d'entreprendre mes voyages cet hiver, j'ai téléphoné à un médecin de Sacramento du nom de Dileep Bal. Le docteur Bal dirige le programme de lutte contre le tabagisme de l'État de Californie. La Californie est le pionnier de la lutte contre le tabagisme.

Le docteur Bal a le sens de l'humour. Je l'ai appelé et lui ai demandé comment ça allait. Il m'a répondu qu'il avait des problèmes, que les choses n'allaient pas tellement bien là-bas. J'ai exprimé mon étonnement, lui faisant observer qu'il avait le meilleur programme de lutte contre le tabagisme de toute l'Amérique du Nord. Il m'a répondu qu'il y a cinq ans la consommation par habitant en Californie était de 120 paquets par an et que cette année la consommation par habitant en Californie s'établissait à 60 paquets. Son budget a été amputé de moitié.

(1800)

Son programme est très similaire à celui dont il est question dans la mesure à l'étude. Son financement est établi en fonction de la quantité de cigarettes vendues. Comme il a réussi à réduire le volume des ventes de cigarettes, son budget a été réduit en conséquence.

La Californie est le chef de file incontesté aux États-Unis, mais le Massachusetts n'est pas loin derrière. Le Massachusetts a imposé une taxe supplémentaire de 25 cents sur chaque paquet de cigarettes. Au cours des trois premières années d'application du programme, la consommation de cigarettes a diminué de 17 p. 100 à l'échelle de l'État.

À propos de chiffres, la proportion de jeunes qui fument au Canada aujourd'hui est de 30 p. 100. Près d'un jeune sur trois fume. La proportion des jeunes qui fument en Californie s'établit aujourd'hui à 11 p. 100. Comment se fait-il que les jeunes Californiens jouissent d'une meilleure protection que les jeunes Canadiens? Voilà toute la raison d'être de la mesure à l'étude.

Ce projet de loi, honorables sénateurs, est conçu pour donner à nos enfants et aux enfants du Canada en général le même genre de protection que celle que nous observons dans les États de nos voisins du Sud. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions le faire. Il n'y a rien de magique là-bas. Ces États ont un programme complet. Ils se sont concentrés sur ce plan et y consacrent des montants sérieux pour que le programme prenne toute son efficacité car ils attachent de l'importance à leurs enfants. Ils veulent réduire le tabagisme, ils veulent mettre un frein à la consommation du tabac, et ils veulent y réussir maintenant.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je suis désolé d'interrompre le sénateur Kenny, mais il est maintenant 18 heures. Que désire faire le Sénat?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose de ne pas tenir compte de l'horloge. Cela dit, en consultant la liste des orateurs, je calcule que nous en avons encore pour environ 60 à 80 minutes de débat.

Son Honneur le Président: Désirez-vous, honorables sénateurs, ne pas tenir compte de l'horloge?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kenny: Merci, honorables sénateurs. Je vous sais gré de me permettre de poursuivre mon intervention.

Mon argument est très simple. Si la proportion des jeunes fumeurs est de 11 p. 100 en Californie, nous pouvons en faire autant au Canada. Je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas possible, si nous décidons de mettre ce programme en place. Nous disposons d'un modèle. N'importe lequel des médecins ici présents vous dira que les centres épidémiologiques d'Atlanta sont réputés en matière de santé publique. Ils nous ont tracé la voie à suivre, pour que nous puissions cibler les mêmes objectifs.

Honorables sénateurs, j'ai dit un peu plus tôt que nos programmes de lutte contre le tabagisme sont aujourd'hui financés à hauteur de 66 cents par personne. Le Center for Disease Control d'Atlanta nous invite à dépenser de 9 et 24 dollars canadiens par personne dans ces programmes et il n'est pas le seul. J'ai la liste des dépenses par habitant, en dollars canadiens, de quelques États. Le Vermont dépense 22,95$; le Mississippi, bon sang, 16,54$; le Massachusetts, 14,54$; Hawaï, 11,81$, et j'en passe.

Nous ne sommes pas seuls. Nous ne sommes pas en train d'inventer la roue. Ce n'est pas de la magie. Il est d'autres administrations qui consacrent des sommes importantes à ce problème et qui obtiennent des résultats probants.

Honorables sénateurs, le meilleur modèle à suivre, celui du Centre for Disease Control aux États-Unis, est fondé sur la conduite d'une action globale de lutte contre le tabagisme. Le principe se retrouve dans le projet de loi. Il y est question de programmes communautaires, de programmes scolaires, de programmes à l'échelle des provinces, de programmes nationaux, de campagnes d'information dans les médias, de programmes de contre-publicité, de soutien téléphonique aux décrocheurs, d'évaluation et de conseils aux administrateurs. Si nous devions nous inspirer de ce modèle, ce ne sont pas 3 millions de dollars que nous consacrerions au programme de lute contre le tabagisme, mais bien 90 millions. Si nos campagnes d'information sont inefficaces, c'est d'abord et avant tout pour la bonne raison que nous faisons appel à des publicités américaines, et non pas à des publicités créées ici même, au Canada. Quiconque comprend le moindrement le Canada sait que les campagnes d'information doivent être ciblées par région. On ne peut pas prendre une publicité réalisée pour Toronto, la faire traduire en français pour Montréal et penser qu'elle atteindra l'objectif visé. Nous savons tous que cela ne fonctionne pas.

Le sénateur Prud'homme: Au moins les organisateurs libéraux en sont conscients. Vous avez raison.

Le sénateur Kenny: Je vous remercie, sénateur Prud'homme. Les organisateurs libéraux ne sont pas les seuls à en être conscients. Les personnes qui veulent communiquer avec les Canadiens le savent. On ne saurait emprunter aux Américains, penser qu'une version de leur publicité peut être traduite en français et croire que cela peut réussir. Il nous faut créer nos propres campagnes.

Plus précisément, nous devons dépenser des sommes raisonnables. Si nous ne consacrons que trois millions de dollars à un objectif alors que le modèle recommande 90 millions de dollars, il est temps d'analyser pourquoi nous n'obtenons pas les résultats recherchés.

Quels sont les principes importants du projet de loi? D'abord, nous devons atteindre un niveau raisonnable de dépenses en passant des 20 millions de dollars dépensés à l'heure actuelle à un total de 360 millions de dollars, ce qui représente 12 $ par personne. Cela nous situe dans le quartile inférieur du barème recommandé par le CDC. Ce n'est pas beaucoup d'argent lorsqu'on y pense. C'est 6 $ de plus que le Mississipi. On peut faire mieux que le Mississipi. Deuxièmement, le projet de loi demande, pour l'élaboration d'un programme global de lutte contre le tabagisme, la création d'un modèle canadien semblable à celui du Center for Disease Control d'Atlanta.

Troisièmement, le projet de loi demande la constitution d'une fondation indépendante du gouvernement. J'y reviendrai dans un moment.

Le projet de loi imposerait un prélèvement de 0,0075 $ par cigarette, c'est-à-dire 19 cents par paquet ou 1,50 $ par carton. On recueillerait ainsi 360 millions de dollars par année, soit 12 $ par personne. Encore une fois, cela se situe dans le quartile inférieur selon les recommandations du CDC.

Le projet de loi prévoit un prélèvement pour les buts de l'industrie, ce qui assurerait un financement stable. Le secteur de la santé obtient du financement irrégulier, qui varie d'année en année. Il ne peut pas planifier d'une année à l'autre. Il se demande constamment s'il pourra maintenir en place le programme A ou B, uniquement parce qu'il doit attendre chaque budget avant de savoir s'il obtiendra des fonds. Cela bousille toute sa planification.

Le projet de loi prévoit aussi un processus de prise de décisions transparent. Chaque décision serait rendue publique. Nous saurions tous qui a reçu les fonds et quand ils ont été versés. Les réunions du conseil d'administration seraient aussi rendues publiques.

Je mets au défi quiconque dans cette salle de me dire ce qui se passe au quotidien pas seulement au sein du présent gouvernement, ni uniquement du ministère de la Santé, mais aussi au sein de tout gouvernement. C'est très difficile. Cela l'est pour les parlementaires et encore plus pour le public.

Le projet de loi prévoit également la création d'une fondation qui serait transparente. Toutes ses réunions seraient rendues publiques à l'instar de ses décisions. De cette façon, nous saurions tous ce qui se passe. La fondation serait dirigée de façon indépendante, de sorte que les responsables de la santé puissent prendre des décisions en matière de santé. Les coûts seraient plafonnés à 5 p. 100, car nous ne voulons pas que la bureaucratie prenne de l'ampleur.

(1810)

Ce qui importe plus, c'est que 10 p. 100 seront réservés à l'évaluation de tous les projets. Tous les intervenants du milieu de la santé vous diront que le principal problème est justement que nous ne consacrons pas suffisamment de fonds à l'évaluation des projets. En procédant à une évaluation, on évite ainsi de répéter les mêmes erreurs année après année.

En Californie, il y a un évaluateur qui intervient dès le départ, et l'on soumet un plan d'évaluation. On prévoit 10 p. 100 de la subvention globale à cette fin. L'évaluation est assortie de repères tout au long du processus, repères qui permettent de déterminer si le programme atteint ses objectifs. Le projet de loi dont nous sommes saisis propose le même type d'évaluation et de divulgation; de cette façon, nous saurons si un programme est efficace ou non.

Honorables sénateurs, le deuxième aspect que je veux aborder, c'est l'importance du financement. Nous avons parlé du nombre de décès passant de 40 000 à 45 000. Nous avons parlé du nombre de jeunes qui commencent à fumer de plus en plus tôt et du fait que, dans le cas de 80 p. 100 des fumeurs, l'âge où ils ont commencé à fumer est passé de 18 à 16 ans. Nous avons parlé des sommes de 9 $ à 24 $ que le centre de lutte contre la maladie dépense à Atlanta. Voilà pourquoi il est important que nous prévoyions un financement adéquat pour mettre en oeuvre ce projet de loi.

Nous avons parlé du modèle s'inspirant du Center for Disease Control aux États-Unis. L'étude visait 50 États. Nous pouvons consulter le résumé qui en a été fait. L'approche actuelle est laissée au hasard et inefficace. Il n'y a pas de principes permettant d'établir un financement adéquat. Il faut adopter une approche nationale globale.

Pourquoi avons-nous besoin de tout cela? Parce que, en Californie, cette formule a fait ses preuves. Elle est populaire. À long terme, elle permet des économies. Elle permet d'économiser l'argent des contribuables parce qu'on a utilisé une partie de l'argent qui sert à soigner les malades pour faire de la prévention et éviter que les gens ne tombent malades. Pourquoi dépensons-nous 3 milliards de dollars en soins et 20 millions pour faire de la prévention alors que, si nous faisions un peu plus de prévention, nous épargnerions aux gens toutes ces douleurs et tous ces malheurs qu'ils doivent vivre? C'est la simple logique.

Pourquoi la fondation devrait-elle être indépendante du gouvernement? Cette salle est pleine d'hommes et de femmes politiques d'expérience qui comprennent tous les tractations entre les ministres et les sous-ministres dans tout gouvernement, dès qu'un ministre est nommé. Le ministre convoque son sous-ministre. Ils se serrent la main. Ils s'entendent rapidement. Le ministre dit au sous-ministre: «Je vous aiderai à faire bonne figure si vous me rendez la pareille.» Nous savons tous que les ministères qui marchent bien ont besoin de ce jumelage. Le politique et l'administratif doivent aller de pair pour connaître le succès.

Nous savons aussi qu'il est dans la nature des ministères de mettre en valeur les bons programmes et de freiner les moins bons. Ce n'est pas propre aux libéraux ou aux conservateurs. C'est vrai des gouvernements de partout. C'est ainsi que fonctionnent les gouvernements.

Le problème avec la lutte contre le tabagisme, c'est que nous parlons ici de science de la santé. Nous parlons de quelque chose qui n'est pas sûr. Personne ne sait vraiment comment fonctionne le cerveau des adolescents. Je me risquerai à dire que les honorables sénateurs qui sont les parents d'adolescents ont encore du mal à leur faire ramasser leurs vêtements. C'est mon cas. Et je peux vous assurer que les adolescents me posent d'autres problèmes.

La nature même de la lutte contre le tabagisme fait que les programmes risquent d'échouer. Cela va de pair avec la démarche théorique et scientifique. Il faut l'accepter. Si vous allez en Californie, on vous montrera une liste d'échecs longue comme le bras dont on est fier. On vous dira qu'on se devait d'essayer telle et telle mesure pour voir si elles marchaient, qu'on a abandonné celles qui ne marchaient pas et qu'on a ainsi pu se concentrer sur celles qui marchaient. On vous en montrera la liste. Notre liste sera quelque peu différente, car nous sommes quelque peu différents et nous avons des problèmes différents à résoudre. Nous devons les résoudre à notre façon, mais nous ne devrions pas craindre d'échouer. L'une des difficultés, c'est qu'il ne peut y avoir d'échec si c'est un ministère qui s'en charge. Compte tenu de sa fonction, tout ministre doit défendre tout ce qui se fait dans son ministère et dire qu'il a fait ce qui s'imposait. La nature même de l'opposition, c'est de dire au gouvernement qu'il a mal fait son travail et d'expliquer pourquoi. Soudainement, le contrôle du tabac devient un enjeu politique.

Cela n'a aucun sens. Il faut éloigner la recherche du processus politique - pas trop, mais assez. Nous avons vu le gouvernement le faire récemment avec les Instituts canadiens de recherche en santé, les ICRS. Pour de bonnes raisons, le ministre de la Santé a décidé que ces organismes devraient être indépendants du gouvernement. Les expériences faites par les scientifiques ne donneront pas toutes les résultats escomptés, et le ministre ne voit pas pourquoi il devrait se porter tous les jours à la défense d'une expérience ayant échoué. Cela n'a aucun sens.

L'existence d'une fondation qui soit indépendante du gouvernement est fondamentale si l'on veut que la recherche favorise la santé plutôt que la politique. Les échecs seront connus de tous, car le projet de loi exige la transparence. Il requiert aussi une évaluation afin que la population sache ce qui a échoué. Tout sera public. Il n'y a pas de problèmes.

Je dois dire que dans tous les États où il y a eu un programme complet de lutte contre le tabagisme, il y a eu une ingérence politique flagrante. En Californie, la question a été abordée dans la proposition 99. L'assemblée législative de l'État a commencé à détourner les fonds en Californie et l'American Cancer Society a dû poursuivre l'État en justice, récupérer les fonds et les dépenser de nouveau pour les enfants.

Au Massachusetts, le gouverneur a commencé à censurer les publicités. Dieu sait pourquoi. Ce n'est certainement pas un expert sur la question. En fait, la publicité qu'il a censurée était celle qui a, je crois, été appelée les sept nains. Les directeurs généraux des grandes compagnies de tabac se levaient et disaient: «Je jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité», puis ils se rassoyaient et affirmaient, les uns après les autres, que le tabac ne créait pas de dépendance. C'était toute la publicité, pourtant elle a été retirée par le gouverneur. Allez comprendre. Cela ne fait pas partie du processus sanitaire.

Que les professionnels de la santé conçoivent des publicités qui toucheront les enfants, qui sont destinées aux enfants et qui obtiendront des résultats auprès des enfants. C'est la deuxième raison pour laquelle il est important que nous ayons ce projet de loi.

J'aimerais conclure en disant que nous avons un terrible problème de santé, mais que nous avons des lois assez bonnes et que nous avons une solution. Lorsque les honorables sénateurs réfléchiront à ce projet de loi, j'aimerais qu'ils se rappellent que 11 p. 100 des jeunes fument en Californie. Au Canada, le taux de jeunes qui fument est de 30 p. 100. Lorsque vous vous pencherez sur ce projet de loi, demandez-vous pourquoi les enfants sont mieux protégés en Californie qu'au Canada. Nous avons un manque important qu'il faut combler au Canada et il s'agit du manque de financement. Ce projet de loi apportera ce financement. Il répond à cette nécessité sans prendre un sou de l'argent des contribuables, pas un sou. Il ne s'agit pas d'une mesure fiscale.

Enfin, honorables sénateurs, je crois que, après toutes ces années, nous sommes arrivés à la conclusion que c'est la chose juste à faire et que c'est le bon moment pour le faire.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois que j'appuie le sénateur Kenny dans sa démarche en ce qui a trait aux produits du tabac et à la jeunesse canadienne. Je n'ai pas l'intention de répéter tous les propos soulevés habilement et élégamment par le sénateur Kenny.

Les honorables sénateurs qui ont participé et suivi les débats lors de la première session de la 36e législature se souviendront du projet de loi S-13, adopté à l'unanimité par cette Chambre. J'espère bien que le projet de loi S-20 recevra la même approbation après une étude minutieuse en comité, il va sans dire.

Le projet de loi S-13 n'a pas reçu l'approbation de la Chambre des communes. En corrigeant ce dernier, nous nous assurons que le projet de loi S-20 ne subira pas le même sort.

(1820)

Pour les honorables sénateurs qui ont le projet de loi sous les yeux ou qui décideront de l'examiner un peu plus tard, mon propos se limitera à ceci: le projet de loi S-20 modifie le projet de loi S-13 pour s'assurer que le Président de la Chambre à l'autre endroit accepte le projet de loi S-20 pas comme une mesure d'établissement d'une taxe, mais bien comme un prélèvement.

En comité, nous aurons tout le temps d'expliquer aux membres pourquoi le projet de loi S-20 vient à propos. Trois motifs rendent le projet de loi S-20 acceptable. Selon la décision du Président de la Chambre à l'autre endroit, c'est en raison du préambule. Il y a des opinions juridiques à cet effet. Ce préambule explique clairement pourquoi l'industrie du tabac, qui en ce moment subit l'opprobre populaire, n'a pas de crédibilité pour défendre, promouvoir ou contrecarrer l'évolution du tabagisme chez les jeunes alors qu'elle le voudrait. Plusieurs témoins de l'industrie ont témoigné à ce sujet, mais ils n'avaient aucune crédibilité pour le faire. De là l'importance de permettre que des fonds soient disponibles pour qu'un tel objectif soit atteint.

Le projet de loi S-20 améliore le projet de loi S-13. Il devrait obtenir l'approbation de l'autre endroit parce que l'article 3 du projet de loi établit qu'il doit y avoir une distinction entre la raison de l'établissement de la fondation - le programme d'éducation pour les jeunes - et le projet de loi. Cela peut sembler similaire, mais ce sont deux choses complètement différentes. Elles n'avaient peut-être pas été adéquatement comprises par le Président à l'autre endroit.

L'article 35 du projet de loi S-20 établit les bénéfices pour l'industrie.Vous avez là les trois raisons qui, selon le savant procureur qui a examiné le dossier, nous amènent à conclure que le projet de loi S-20 ne devrait pas recevoir le même sort que le projet de loi S-13. S'il obtient l'approbation de cette Chambre, lorsqu'il sera sous étude à l'autre endroit, nous avons toutes les raisons de croire que ce projet de loi y sera adopté.

Honorables sénateurs, il est important que envoyions ce projet de loi le plus rapidement possible en comité pour que nous puissions l'examiner de fond en comble, comme nous l'avions fait la dernière fois lors de l'étude du projet de loi S-13.

Pour les honorables sénateurs qui avaient suivi le débat, ce sera un peu une redite. Il est important de refaire l'exercice sérieusement, comme nous sommes capables de le faire.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je me joins aux propos du sénateur Nolin. Ce que je voulais dire aujourd'hui, je vais le dire en comité, comme il vient de nous le suggérer.

L'honorable Sharon Carstairs (Son Honneur le Président suppléant): Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kenny, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

Projet de loi sur la journée sir John A. Macdonald

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grimard, appuyée par l'honorable sénateur Atkins, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-16, Loi instituant la Journée sir John A. Macdonald.-(L'honorable sénateur Grafstein).

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le projet de loi S-16, présenté par mon collègue, le sénateur Grimard, a attiré l'attention d'un certain nombre de sénateurs. Je crois savoir que le sénateur Grafstein et le sénateur Grimard cherchent à savoir s'ils pourront ou non intégrer ce projet de loi à un autre.

D'ici là, nous avons le projet de loi S-16, qui est valable en soi, et j'estime qu'il peut être appuyé. Cependant, comme cet article est inscrit au Feuilleton depuis 15 jours et qu'il n'a toujours pas été débattu, j'ai hâte que des progrès soient réalisés et que ces questions soient approuvées ou rejetées, et non simplement laissées au Feuilleton sans être examinées.

Si j'ai bien compris, de longues consultations ont eu lieu au sujet du principe de ce projet de loi, et je suis impatient d'entendre encore le sénateur Grafstein parler du projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Hays, au nom du sénateur Grafstein, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales

Deuxième lecture - Ajournement du débat

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-473, visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, ce projet de loi ressemble à d'autres que l'autre endroit nous envoie à l'occasion et qui concernent la modification du nom de circonscriptions électorales. La démographie en est habituellement la raison.

Certaines personnes ont des préoccupations au sujet de ce projet de loi. Cependant, le comité est davantage en mesure que le Sénat d'examiner ces préoccupations.

Je propose que nous adoptions ce projet de loi en deuxième lecture et que nous l'envoyions au comité.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, il est vrai que ce débat a déjà eu lieu et que des objections ont été soulevées. Nous devrons jouer cartes sur table. Nous devrons demander aux honorables députés de cesser ce que je commence à considérer comme un abus des fonds publics. Cela paraît à première vue très facile.

Un député, par exemple, représente le comté de Dollard. Il pense qu'il serait bon électoralement que la ville de Kirkland, qui fait partie de la circonscription, soit reconnue et que dorénavant, le comté s'appelle Dollard-Kirkland. C'est un exemple, car Kirkland n'est pas située dans le comté de Dollard.

(1830)

Cependant, ce qui n'a jamais été dit - le whip en chef du gouvernement, l'honorable sénateur Mercier, le comprend très bien, puisque nous avons travaillé ensemble sur ces questions -, c'est que personne ne semble porter attention aux coûts immenses que cela représente pour Élections Canada chaque fois que nous changeons le nom d'un comté. J'ai appris récemment que cela risque de causer des problèmes sur le plan de la logistique. En ce qui concerne la capacité de mémoire des ordinateurs, entre autres, cela devient une impossibilité ou alors, il faut en payer le prix.

J'ai été député du comté de Montréal-Saint-Denis, lequel a été représenté par M. Azellus Denis, qui a été député pendant 29 ans et sénateur pendant 28 ans. Entre parenthèses, M. Denis détient le record de celui qui, depuis 1867, a siégé au Parlement pendant plus de 54 ans. C'est une chose que nous devrions au moins souligner, même si je n'ai pas toujours été d'accord avec lui. Il y avait toujours eu des pressions pour changer le nom du comté de Saint-Denis.

J'ai représenté un nouveau quartier qui faisait partie, dans le temps de M. Trudeau, du comté de Mont-Royal. Ce quartier s'appelait Parc-Extension. Politiquement, cela aurait été bon pour moi de dire qu'il s'agissait du comté de Saint-Denis-Parc-Extension, mais il aurait fallu que j'y ajoute le comté de Papineau. Après cela, je ne pouvais pas oublier Rosemont, où j'habite. C'est comme si le député actuel de Mont-Royal voulait que dorénavant, son comté s'appelle Mont-Royal-Côte-des-Neiges, par exemple. Il y aurait alors des problèmes politiques dans Hampstead et Côte-Saint-Luc. Cela deviendrait le comté de Mont-Royal-Côte-Saint-Luc- Hampstead-Côte-des-Neiges. Je n'ai rien contre, mais personne ne nous a jamais dit combien coûte chacun de ces changements.

Lorsque nous enverrons ce projet de loi au comité approprié, un sénateur devrait soulever cette question, à savoir combien ce processus va coûter. Autrement, le processus consistera simplement à sanctionner un projet de loi.

Vous vous souviendrez que j'ai été l'un de ceux qui - et je ne m'en suis jamais excusé - ont été accusés d'avoir laissé la loi suivre son cours lorsqu'on a parlé d'amender la Loi électorale et de geler dans le temps la réforme et la redistribution électorales.

Par un petit geste, le Sénat a fait épargner entre cinq et sept millions de dollars au gouvernement. Il est vrai que ce gouvernement était malheureux de ma décision, mais je n'ai pas à m'excuser d'avoir fait épargner une telle somme par mon entêtement, par ma «tête dure», comme on me l'avait dit à cette époque, ici même au Sénat. Personne ne se souvient qu'on a refusé aux députés leur caprice en ne modifiant pas la Loi électorale. Tout le monde a été réélu. Tout le monde était content. Son nom était Joe, il était Canadien et il était bien content. Mais c'est un autre débat.

Le sénateur Rompkey nous propose, sans les nommer, une liste composée de noms très longs. Cela veut dire que lorsque le directeur général des élections recevra la sanction du Parlement, ce sera fini. Il n'aura d'autre choix que de modifier les cartes électorales. Chaque fois, je présente les mêmes objections. À un moment donné, je n'aurai pas que des objections, j'essaierai de convaincre les sénateurs du bien-fondé de ce que je dis, qu'aucun changement de nom de circonscription ne devrait intervenir entre deux élections. Le Parlement devrait avoir la sagesse de le faire. Lorsqu'il y a eu une redistribution, qu'elle tienne jusqu'aux prochaines élections. C'est tellement raisonnable que je me demande pourquoi on ne le fait pas. Ainsi, nous épargnons des millions de dollars qui pourraient être employés à aider des organisations ou des associations internationales comme l'Union parlementaire internationale, qui fait de grands discours dans le monde et qui, avec un peu d'argent, pourrait promouvoir la démocratie et la paix dans le monde.

[Traduction]

Si je ne suis pas là quand le comité se réunira, j'espère que vous n'oublierez pas de poser ces questions. Combien cela coûte? Je ne veux pas jouer au philosophe ici. Combien coûte chaque changement qui se produit entre les élections?

[Français]

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Je suis tout à fait d'accord avec certains des principes soulevés par le sénateur Prud'homme. Plus particulièrement, je soulignerais la question du processus à la base de ce projet de loi.

Lorsqu'un projet de loi simple arrive au Sénat, il est adopté rapidement, mais lorsque nous entamons un processus de réflexion sur un projet de loi, nous soulevons forcément des questions de principe comme celle concernant le processus. Généralement, vous pensez que le changement de nom d'une circonscription dépend de circonstances sérieuses, graves, comme la redistribution des circonscriptions. Dans le projet de loi que nous avons reçu, nous pouvons citer la liste des circonscriptions qui désirent changer de nom. À première vue, cela me donne l'impression - peut-être que ai-je tort et je l'espère - que les députés croient que la circonscription est leur propriété. Ils en changent donc le nom quand ils le désirent. Prenons, par exemple, une circonscription dans la province de Québec. Je me demande combien de sénateurs sont consultés, ne serait-ce que par courtoisie, par les représentants des circonscriptions situées dans leurs districts sénatoriaux sur la nécessité d'un changement de nom.

De plus, si je me rappelle bien, les circonscriptions de la province de l'Ontario portent les mêmes noms, les limites territoriales des circonscriptions étant les mêmes pour le provincial que pour le fédéral. Lorsqu'un changement comme cela survient, il affecte donc directement la situation d'une province. Comme tous les sénateurs le savent bien, lorsqu'un projet de loi concerne les provinces, un règlement du Sénat stipule que les provinces ont le droit d'être consultées. C'est une autre question de principe qui se présente.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

(1840)

Privilèges, Règlement et procédure

Quatrième rapport du comité-Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure (questions de privilège soulevées par les honorables sénateur Andreychuk et Bacon), présenté au Sénat le 13 avril 2000.-(L'honorable sénateur Austin, c.p.).

L'honorable Jack Austin propose: Que le rapport soit adopté.

- Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques observations au sujet du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure. Le rapport est basé sur deux renvois du Sénat, le premier étant celui du 13 octobre 1999 qui résultait d'une question de privilège soulevée par l'honorable sénateur Andreychuk au sujet de la divulgation non autorisée d'un rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones qui a paru dans le National Post du samedi 11 septembre 1999. La deuxième question de privilège traitée dans ce rapport a été soulevée par le sénateur Bacon le 24 novembre 1999 et a trait à des articles parus dans Le Soleil et le Toronto Star.

Le Sénat a conclu que chacune des questions de privilège soulevées au Sénat était fondée et il a renvoyé ces questions au comité. Le comité s'est penché sur ces deux questions de privilège.

Le sénateur Andreychuk a demandé au comité de ne pas chercher à porter un blâme, mais plutôt d'examiner la pratique des comités et de formuler des recommandations concernant cette pratique et la manière dont les comités et leurs présidents pourraient réduire, sinon éviter, la fuite de rapports. Je n'ai pas besoin d'expliquer aux honorables sénateurs que la fuite de rapports préoccupe le Sénat. Le Sénat a pris très au sérieux la question de privilège.

Le sénateur Bacon voudrait que le comité permanent enquête plus activement sur sa question de privilège, surtout à cause du risque que la fuite de l'ébauche du rapport ne lèse certaines personnes et que la connaissance préalable de certaines données ne procure des avantages financiers.

Dans le cadre de son étude sur les deux cas, le comité s'est penché sur ce qui était la pratique à l'autre endroit, à la Chambre des communes britannique ainsi qu'au Sénat et à la Chambre des représentants de l'Australie.

Nous sommes d'avis qu'il y avait beaucoup de leçons à tirer des pratiques britannique et australienne. Par suite d'expériences, la pratique a évolué de sorte que le comité où la violation est censée avoir été perpétrée est le premier à faire enquête, par suite d'une motion qu'il propose, l'idée étant que le comité étant plus directement touché devrait donc, dès qu'une violation s'est produite, enquêter sur les causes possibles de cette violation et la responsabilité à cet égard.

Cela n'empêcherait aucunement un sénateur de soulever la question au Sénat même. Cependant, dans le cas où un comité signale au Sénat qu'il entreprend d'enquêter sur une question de privilège, la présidence reporterait le débat sur la question de privilège jusqu'à ce que le comité fasse rapport, que ce rapport conclue ou non qu'il y a matière à question de privilège. Le comité en question serait alors prié de déterminer si l'atteinte au privilège a causé des dommages importants. Cette demande lui serait faite afin de fixer un objectif pour déterminer les sanctions que doit prendre le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Le processus fonctionnerait de la façon la suivante. Si le comité au sein duquel on allègue qu'il y a eu fuite rapporte qu'à son avis la question de privilège semble fondée à première vue, qu'il a fait une enquête et que l'enquête a conclu que cette fuite a causé un préjudice léger ou substantiel, un rapport serait déposé au Sénat qui en débattrait et qui, dans sa sagesse, accepterait le rapport du comité en question ou bien accepterait le rapport et renverrait l'affaire devant le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure qui déciderait des sanctions à prendre par le Sénat.

Telle est la pratique à la Chambre des communes britannique ainsi qu'au Sénat et à la Chambre des représentants en Australie, qui se recommandent à notre comité. Nous faisons dans notre rapport une recommandation similaire.

Nous avons, honorables sénateurs, d'autres recommandations concernant la pratique des comités. Nous pensons qu'une plus grande sensibilisation à la nature confidentielle des documents et des rapports de comités est nécessaire. Dans notre rapport, nous avons demandé que les présidents des comités fassent plus attention lorsqu'ils font circuler des rapports de comité, qu'ils ne fassent pas circuler de projets de rapports excepté aux sénateurs, qu'ils numérotent les rapports en question et qu'ils identifient toutes les personnes présentes lors des réunions tenues à huis clos. Nous avons demandé aux présidents des comités de n'autoriser la présence dans la salle d'aucune personne autre que les sénateurs et le personnel du comité excepté s'ils jugent que sa présence est nécessaire et de n'autoriser personne à rester dans la salle sous prétexte qu'il s'agit de membres du personnel de divers sénateurs. Nous avons demandé que les noms de toutes les personnes présentes lors d'une séance à huis clos soient notés.

Nous avons également fait une mise en garde à l'égard des employés du Sénat, à l'égard des personnes qui sont des employés permanents. Il existe bien dans leur contrat une disposition concernent la confidentialité, mais à notre avis, il faudrait leur donner des conseils supplémentaires - encore que nous n'avons rien à leur reprocher, en tous cas dans l'immédiat.

N'oublions pas cependant le problème posé par les personnes engagées à titre temporaire, les agents contractuels. Il est fait appel à ces personnes du fait de leurs compétences particulières qui sont utiles au comité; or ces experts n'adhèrent pas nécessairement aux pratiques du Sénat ou ne se sentent pas à l'aise avec notre façon de faire. Il s'ensuit que, dans certains cas, ces experts ont aussi un avis qui leur est propre et, s'il se trouve qu'ils ne sont pas d'accord avec l'orientation que semble prendre un comité pour tel ou tel dossier, ils peuvent très bien décider d'adopter une attitude contradictoire.

(1850)

Dans une lettre adressée au comité, le sénateur Pearson a soulevé différentes questions concernant les travaux à huis clos. Le comité a réservé un accueil très favorable à ce courrier, le jugeant pertinent à ses travaux. Dans la sixième édition du Beauchesne, il est précisé que les comités doivent prendre des décisions claires en ce qui concerne la diffusion des projets de rapport, le traitement à réserver aux témoignages et la publication intégrale de leurs procès-verbaux.

Loin de nous l'idée de nous mêler du pouvoir discrétionnaire et des responsabilités des présidents des comités, du rôle des comités directeurs ou des droits de leurs membres. Il est toutefois important que les comités directeurs et les présidents de comités s'entendent d'avance sur la procédure à suivre pour les audiences tenues à huis clos et pour l'élaboration des rapports.

Depuis que nous avons fait rapport au Sénat, on a encore porté atteinte au privilège du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Dans son rapport, notre comité recommande que le comité au privilège duquel on a porté atteinte mène l'enquête initiale. Comme le Sénat n'a pas encore débattu, discuté, ni jugé notre rapport, je demande simplement à informer les sénateurs que, demain, le Comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure commencera à agir comme s'il était le comité au privilège duquel on aurait porté atteinte. Nous allons mener une enquête qui contribuera, je l'espère, à établir le modèle selon lequel les comités traiteront les questions de ce genre. Espérons qu'il y aura très peu de ces questions à l'avenir.

Pour ce qui est des sanctions, le Royaume-Uni et l'Australie prennent très au sérieux les atteintes au privilège. Là-bas, un parlementaire trouvé coupable d'atteinte au privilège perd son droit de siéger et de participer aux travaux parlementaires pendant une période dont la durée est déterminée par le comité et approuvée par la Chambre appropriée.

En outre, dans ces pays, un journaliste responsable de la divulgation d'un rapport de comité est habituellement trouvé coupable d'atteinte au privilège. Des sanctions, qui ont habituellement rapport au droit de fréquenter l'enceinte du Parlement, sont prises.

La liberté de la presse et la coutume qui veut que les deux Chambres ne traitent pas avec les journalistes trouvés coupables d'atteinte au privilège ne datent pas d'hier. Je m'explique. Le comité que je représente ne recommande pas que des mesures soient prises contre des journalistes.

Comme je l'ai fait remarquer la semaine dernière au Sénat, le journaliste qui a publié des extraits du rapport du Comité des banques a bien précisé, dans son article, qu'il citait un avant-projet de rapport qui n'avait pas encore été publié. Il a laissé entendre qu'il serait publié dans les semaines qui suivraient. En Grande-Bretagne et en Australie, cela aurait nettement constitué une atteinte au privilège de la part du journaliste.

Je ne rends pas justice au texte de ce rapport. J'exhorte les sénateurs à le lire. Il n'est pas long et il est bien écrit. Le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure demande au Sénat de recevoir et d'approuver son rapport et d'adopter la nouvelle procédure dont j'ai exposé les grandes lignes en ce qui concerne les questions de privilège. Je crois que ce système est plus pratique que celui que prévoit le Règlement actuel.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur Austin pour son excellent travail. J'ai examiné ce rapport avec intérêt. Le sénateur a fait allusion dans son discours à une lettre du sénateur Pearson. Dans le rapport lui-même, au paragraphe 31, on parle de cette lettre. Dans la mesure où le comité a reçu la lettre du sénateur Pearson, le Sénat devrait peut-être profiter également de cette lettre. Le sénateur Austin aurait-il l'obligeance d'en déposer une copie?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je vais voir si cette lettre est personnelle et confidentielle ou si elle renferme des restrictions. Je répondrai ensuite à l'honorable sénateur. Je voudrais parler à l'auteure de la lettre pour obtenir son consentement à cet égard.

Le sénateur Cools: Voici ce qu'on dit dans le rapport du comité:

Dans une lettre datée du 8 décembre 1999, le sénateur Landon Pearson a soulevé plusieurs questions concernant les délibérations à huis clos des comités qui présentent un intérêt pour les questions examinées dans le présent rapport.

Je ne peux que supposer que, dans la mesure où vous l'avez mentionnée dans le hansard du Sénat, vous aviez l'intention de la faire connaître au Sénat. Cela me semble tout à fait logique. Étant donné que vous demandez au Sénat d'approuver votre étude, il est tout à fait approprié que le Sénat obtienne copie de ce document.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, le sénateur Pearson est ici. Elle pourrait peut-être nous aider.

Le sénateur Cools: Je n'ai aucune objection à cela.

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, je vais en discuter avec le sénateur Austin. Je n'ai aucune objection à ce que cette lettre soit déposée au Sénat. Je vais m'assurer que c'est la bonne version, car j'y ai apporté certaines modifications et améliorations avec l'aide de quelques collègues. Nous en discuterons, mais je n'ai aucune objection en principe à la requête de l'honorable sénateur Cools.

L'honorable Marcel Prud'homme: Vous la déposez ou non.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, c'est une situation intéressante. L'auteure de la lettre, le sénateur Pearson, se dit prête à déposer sa lettre au Sénat. Le sénateur Austin affirme pour sa part avoir des préoccupations au sujet de la confidentialité. Cela justifie presque de soulever une toute nouvelle question de privilège, ce que je ferais volontiers. Une lettre de ce genre peut-elle être confidentielle lorsque l'honorable sénateur Austin demande que le Sénat approuve le rapport? On pourra régler cette question un autre jour.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je vais répondre de la façon suivante au sénateur Cools. Il importe que le président d'un comité prenne bien soin des documents qui sont présentés. Je ferais de même pour tout sénateur. Je lui demanderais s'il a des objections. Je suis enchanté que le sénateur Pearson ait dissipé mon inquiétude au sujet de la bonne façon de procéder.

Je voudrais simplement ajouter que le paragraphe 31 ne contient pas de recommandation dont le comité demande l'adoption ou l'incorporation dans le Règlement. Il s'agit d'une observation sur la façon dont les audiences à huis clos pourraient être menées. Cela ne fait pas partie de notre rapport sur les questions de privilège.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, la question à l'étude est l'adoption de la totalité du rapport, à moins que le sénateur Austin ne dise que cette partie n'est pas contenue dans le rapport.

Nous devrions féliciter le Comité du Règlement, car certaines de ces questions sont en plan depuis très longtemps. Ces dernières années, le sénateur Kinsella et moi avons soulevé un grand nombre de questions de privilège, en espérant que, à un certain moment, le Sénat les examinerait sérieusement. Je suis donc ravie des travaux intenses que le comité a menés.

(1900)

À propos des fuites, le sénateur Austin sait que j'ai des opinions bien arrêtées sur les abus de confiance et la divulgation de renseignements importants aux médias.

De toute façon, j'ai beaucoup à dire sur la question, qui m'intéresse vivement. On dirait que pas un jour ne passe sans qu'un journal parle d'une nouvelle fuite. À une certaine époque, ces incidents ne mettaient jamais en cause le Sénat. Je n'aborderai pas la question aujourd'hui. Je voulais simplement poser ces questions au sénateur Austin. Cela dit, je vais ajourner le débat pour revenir plus longuement sur le sujet.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

La défense nationale

La nécessité pour le Canada de se joindre aux États-Unis aux fins du programme de défense nationale antimissiles-Interpellation- Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Forrestall, attirant l'attention du Sénat sur la nécessité pour le Canada de se joindre aux États-Unis aux fins du programme de défense nationale antimissiles.-(L'honorable sénateur Taylor).

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le fait que le gouvernement prévoit faire étudier au Cabinet la participation du Canada au système de défense nationale antimissile qui est en développement aux États-Unis, confère une importance renouvelée au débat. Le sénateur Forrestall, qui jouit au Sénat d'un grand respect que lui valent ses longs états de service dans les deux Chambres du Parlement, a fait une importante contribution à la discussion. Ma propre intervention, dont la perspective est différente, tourne autour de trois points principaux. Tout d'abord, ce que ferait le programme américain de défense appelé NMD et l'opposition exprimée publiquement par les plus proches alliés des États-Unis. Deuxièmement, les raisons pour lesquelles le NMD présente un grand danger pour la stabilité internationale. Enfin, les raisons pour lesquelles ce serait pour le Canada une erreur gigantesque de participer à ce programme.

Premièrement, le dispositif de défense NMD de 60 milliards de dollars a pour objet de protéger les 50 États des États-Unis contre les attaques de faible envergure menées à l'aide de missiles balistiques intercontinentaux. Le principal argument invoqué pour justifier le déploiement immédiat du dispositif est la possibilité que des États émergents dotés de missiles et hostiles aux États-Unis, comme la Corée du Nord, puissent bientôt acquérir des ICBM et s'en servir pour attaquer le territoire américain. Le dispositif de défense NMD proposé comprendrait des intercepteurs au sol déployés au départ en un seul endroit, et par la suite en deux endroits. Ils seraient appuyés par un réseau étendu de radars terrestres et de capteurs infrarouges situés dans l'espace. Ce dispositif repose sur une technologie très pointue.

Étant donné que les tests effectués jusqu'à maintenant n'ont pas réussi à montrer de façon conclusive que le dispositif fonctionnerait, un autre test devrait se dérouler sous peu. Le président Clinton a déclaré qu'il prendrait ensuite une décision finale concernant l'engagement ou non des États-Unis de déployer ce dispositif. Toutefois, c'est précisément le déploiement d'un tel dispositif que le traité sur les missiles antimissile signé par les États-Unis et l'ancienne Union soviétique était censé empêcher. Ce traité visait à interdire l'érection de systèmes défensifs en vue de décourager la construction d'armes plus offensives pour venir à bout de ces derniers. Les États-Unis reconnaissent que le dispositif NMD va à l'encontre du traité et exercent des pressions afin que la Russie modifie ce dernier ou l'abroge complètement.

Des documents concernant les négociations en cours entre les États-Unis et la Russie ont été publiés dans le New York Times du 28 avril. Comme l'explique la Union of Concerned Scientists dans ces documents, les États-Unis affirment que la Russie n'a pas à craindre que le dispositif de défense NMD américain sape le dispositif de dissuasion nucléaire russe pour deux raisons. Premièrement, les États-Unis soutiennent que les deux pays posséderont, en vertu de tout accord ultérieur possible de réduction des armements, des arsenaux d'armes offensives stratégiques qui seront vastes et diversifiés, et que les deux pays pourraient déployer plus de 1 000 ICBM et missiles balistiques dotés de têtes nucléaires et lancés à partir de sous-marins au cours de la prochaine décennie et des années qui suivront, ce qui conférerait à l'un et l'autre pays «l'aptitude à mener une contre-attaque destructrice».

Ces documents, qui ont au départ été obtenus par le Bulletin of the Atomic Scientist, montrent que pour déployer leur dispositif de défense NMD, les États-Unis sont disposés à abandonner indéfiniment la possibilité de réduire l'arsenal russe à moins de 1 000 missiles. Si les États-Unis disent à la Russie que le maintien par cette dernière d'un vaste arsenal au cours d'un avenir indéterminé constitue sa protection contre un dispositif de défense NMD américain, ils ne peuvent alors soutenir de façon crédible qu'ils adoptent aussi des mesures en vue d'une réduction marquée ou de l'élimination des armes nucléaires.

Pourtant, la semaine dernière, à la Conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui a eu lieu aux Nations Unies, conférence à laquelle j'ai assisté, la secrétaire d'État Albright et d'autres représentants officiels des États-Unis ont cherché à donner au reste du monde l'assurance que les États-Unis ont toujours à c9ur de s'acquitter de leurs obligations, en vertu du traité de non-prolifération, de chercher à aboutir au désarmement nucléaire. Ces documents montrent à quel point les assurances données sont creuses.

Ce serait un euphémisme de dire que les intentions des États-Unis ont causé un émoi dans la communauté internationale. Elles ont semé la consternation. La question a non seulement divisé les États-Unis et la Russie, mais elle a pratiquement isolé nos voisins du sud du reste du monde. Même les partenaires sur le plan nucléaire et les plus fidèles alliés des États-Unis ont essayé publiquement de dissuader les États-Unis d'aller de l'avant à cause des torts irréparables que cela causera au programme de désarmement nucléaire.

Le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Igor Ivanov, a prévenu les États-Unis que les programmes de réduction de l'arsenal seront compromis si les États-Unis vont de l'avant avec le dispositif de défense NMD. Le traité sur les missiles antimissiles qui concerne les systèmes antimissiles balistiques est une pierre angulaire du régime de non-prolifération et, de l'avis du ministre, il ne faut pas y toucher. Alors que Mme Albright disait qu'il n'y avait aucune bonne raison empêchant qu'on modifie le traité, M. Ivanov a simplement dit ceci:

Le respect du traité dans sa forme actuelle et sans modification est une condition préalable à toute autre négociation sur le désarmement nucléaire.

Dans le discours qu'il a fait devant les Nations Unies, il a dit la même chose à plusieurs occasions. Il a déclaré ceci:

De nouvelles réductions des armes offensives stratégiques ne peuvent être envisagées que dans le contexte de la préservation du traité sur les missiles antimissiles.

En d'autres termes, honorables sénateurs, si le dispositif de défense NMD va de l'avant, on peut dire adieu au désarmement nucléaire.

La Chine est très prudente en ce qui concerne un accord américano-russe sur le système de défense NMD. L'ambassadeur de Chine, Sha Zukang, est intervenu lors de l'examen du TNP en reprochant à tout système de défense contre les missiles balistiques de menacer gravement la stabilité et l'équilibre stratégiques mondiaux. Il a accusé les États-Unis d'essayer d'organiser une sécurité absolue pour leur pays, une tâche impossible qui suppose l'accumulation d'armes nucléaires. Il a fait une mise en garde, expliquant que le processus de désarmement nucléaire international s'écroulerait si les États-Unis allaient de l'avant avec le dispositif de défense NMD.

Même s'ils ont fait preuve de plus de circonspection, le Royaume-Uni et la France, des alliés des États-Unis sur le plan nucléaire, ont tous deux exprimé des préoccupations semblables. Peter Hain, ministre d'État du Royaume-Uni, a dit, et je cite:

La défense active au moyen de missiles soulève des problèmes complexes. Nous avons dit clairement...

- aux États-Unis et à la Russie -

... que nous reconnaissons toujours la valeur du traité sur les missiles antimissile et que nous souhaitons le voir préservé.

L'ambassadeur de France, Hubert de La Fortelle, a déclaré que son pays était «désireux d'éviter toute contestation du traité qui risquerait de briser l'équilibre stratégique et de redémarrer la course aux armements».

De plus, Javier Solana, ancien secrétaire général de l'OTAN, intervenant au nom de l'Union européenne, a déclaré que le programme NMD pourrait réellement «briser le lien de sécurité entre les États-Unis et ses alliés au sein de l'OTAN, ce qui risquerait vraiment d'aboutir au chaos».

(1910)

Honorables sénateurs, les États-Unis ne cessent de dire qu'ils doivent se protéger contre les États parias et ils centrent l'attention sur la Corée du Nord, l'Iraq et l'Iran, mais rien ne prouve qu'un de ces pays pourrait fabriquer une ogive nucléaire. Selon les normes internationales, le programme missilier de la Corée du Nord est primitif. De plus, les États-Unis et la Corée du Nord font des progrès dans un programme de collaboration visant à éliminer la menace que posent les missiles de la Corée du Nord. Un sommet historique entre la Corée du Nord et la Corée du Sud paraît imminent. Selon la tendance actuelle, l'économie de la Corée du Nord risque de s'effondrer; la tendance vers la démocratisation en Iran pourrait modifier l'orientation de ce pays; enfin, l'Iraq de l'après-Saddam Hussein pourrait rétablir des relations amicales avec l'Occident.

Bref, la menace venant des autres pays s'estompe; pourtant, les défenseurs du programme NMD prétendent qu'un ennemi rôde, précisément parce qu'ils doivent être en mesure de repérer un ennemi quelque part pour gagner l'appui des contribuables américains. En outre, comme la brillante analyste américaine Frances Fitzgerald le fait remarquer dans son livre, Way out There in the Blue, le programme NMD fait suite à l'initiative de défense stratégique des années 1980, qui est aujourd'hui discréditée, connue sous le nom de «Star Wars» et dirigée par l'extrême droite américaine qui cherche une sécurité unilatérale impossible, au détriment des accords conclus depuis 30 ans sur le contrôle des armes et le désarmement.

Le but de cette bande d'idéologues qui contrôle le Congrès des États-Unis consiste à préparer le terrain pour la domination militaire américaine dans l'espace sidéral. Le spectre d'une chétive Corée du Nord à titre de raison d'être du dispositif de défense NMD n'est qu'un subterfuge camouflant le véritable objectif, qui est le développement d'armes dans l'espace et la préparation des guerres à caractère spatial du XXIe siècle. Dans tout cela, les profits du complexe militaro-industriel, qui ont déjà atteint des sommets inégalés grâce au budget annuel de 280 milliards de dollars de la Défense américaine, seront spectaculaires.

Honorables sénateurs, le dispositif NMD est un piège tendu au Canada.

Le Canada étant partenaire géographique des États-Unis en Amérique du Nord, la défense canado-américaine est intimement liée depuis des décennies. L'accord du NORAD, né durant la guerre froide pour contrer les attaques soviétiques aux missiles, est l'expression de la relation structurale canado-américaine. On ne peut altérer à la légère les accords structuraux du NORAD et les systèmes de défense de l'OTAN. Quoi qu'il en soit, une campagne concertée d'intimidation du Canada ayant pour but de le forcer à contribuer au projet de dispositif de NMD a été amorcée. Ses partisans les plus bruyants sont les colonels insignifiants du Pentagone, comme l'ex-premier ministre Trudeau les a déjà appelés, qui tentent d'instiller chez les Canadiens la crainte que les États-Unis cessent de protéger le Canada s'il ne le fait pas. Le ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, a fait l'objet d'attaques parce qu'il a dit aux Nations Unies il y a deux semaines que le dispositif de défense antimissile national unilatéral proposé aurait de graves répercussions sur le régime du TNP. Comme je l'ai déjà dit, M. Axworthy a été modéré comparativement au reste de la communauté internationale.

Honorables sénateurs, à la fin des années 80, lorsque le Canada a été invité à adhérer au programme américain de la guerre des étoiles, les États-Unis ont proféré les mêmes menaces gratuites en cas de refus du Canada. Après un examen attentif, le gouvernement canadien a dit non. Qu'est-il arrivé? Rien, sauf que l'Accord de libre-échange nord-américain a été adopté et que le Canada a profité d'autres avantages économiques. Si le Canada a su dire non à la folie de la défense antimissile durant la guerre froide, pourquoi ne pourrions-nous pas - poliment, évidemment, comme il convient à notre rôle en diplomatie internationale - dire non durant l'après-guerre froide?

Parlant de diplomatie, l'un des plus grands diplomates militaires canadiens, Tommy Burns, qui a représenté notre pays dans les négociations sur le contrôle des armements, se retournerait dans sa tombe à l'idée que, s'il se joignait à une aventure aussi mal conçue, le Canada ne soit la risée du monde en renonçant à une capacité à laquelle il tient tant et qui consiste à contribuer à l'édification de la paix. D'autres grands internationalistes, comme Lester Pearson, John Humphrey, Hugh Keenleyside, Saul Rae et King Gordon, en feraient autant.

Le temps est venu - et un très grand nombre de Canadiens suivent de près ce qui se passe à Ottawa pour voir comment nous allons réagir dans ce dossier - pour le gouvernement du Canada d'affirmer que la première priorité des Canadiens est d'enrichir l'ensemble de lois internationales que constitue le système des Nations Unies, sans succomber aux militaristes américains qui ne veulent rien de mieux que d'annoncer au monde entier que ce pays si respecté qu'est le Canada a adopté le dispositif de défense NMD. Le Canada ne doit pas se laisser berner et se laisser entraîner dans un projet qui est mené par la politique interne des États-Unis.

Si le Canada devait participer à ce projet de dispositif de défense NMD, cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour notre capacité à continuer de promouvoir la non-prolifération des armes de destruction massive. Le Canada joue présentement un rôle important pour assurer que le traité sur la non-prolifération, actuellement en cours de révision à New York, continuera de constituer un rempart contre la prolifération des armes nucléaires. C'est dans ce sens que doivent se poursuivre les efforts du Canada.

Enfin, la solution face aux menaces à venir en ce qui touche les missiles balistiques sera de préserver et de renforcer le réseau actuel de mesures militaires, politiques, économiques et juridiques destinées à interdire, entraver, isoler et exposer les activités des États potentiellement hostiles et des intérêts non étatiques ainsi qu'à y faire face. Il y a une solution de rechange au dispositif de défense NMD, et c'est le maintien de normes juridiques internationales appuyées sur des systèmes de vérification, des programmes de contrôle des armements, des incitatifs économiques, des programmes de collaboration et des systèmes de contrôle des exportations adéquatement financés. Cette méthode jette les bases de la paix. Le Canada doit rechercher la paix et ne pas revenir en arrière, vers la guerre.

Des voix: Bravo!

L'honorable Marcel Prud'homme: J'aimerais poser une question au sénateur Roche. Le sénateur a eu la gentillesse de citer les paroles du ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, mais pour mieux comprendre l'intensité du débat, le sénateur pourrait-il nous dire ce qu'il pense des commentaires du ministre de la Défense nationale, qui semble en complet désaccord avec M. Axworthy? Je dois avouer que j'ai été assez troublé de voir, pour la première fois depuis 37 ans que je suis au Parlement, deux ministres occupant des postes d'importance «perçus» comme étant en complet désaccord. Pour mieux nous faire comprendre son solide point de vue, point de vue que je comprends puisque je le partage, le sénateur pourrait-il nous donner son avis sur l'opinion du ministre de la Défense nationale face à la position que le ministre Axworthy a si bien énoncée?

Le sénateur Roche: Honorables sénateurs, je ne crois pas que le ministre de la Défense nationale, M. Eggleton, pour qui j'ai un grand respect, ait fait une déclaration définitive à cet égard. J'ai cité les propos tenus par le ministre des Affaires étrangères, M. Axworthy, il y a deux semaines aux Nations Unies, à la Conférence d'examen du traité de non-prolifération. Il a exprimé de grandes réserves. Je ne crois pas pouvoir rendre justice à M. Eggleton en l'absence d'une déclaration définitive de sa part.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je trouve les arguments du sénateur Roche très convaincants et je le félicite pour son intervention.

Il semble y avoir un désaccord sur la question de savoir si ces États non scrupuleux ont ou non une capacité nucléaire. Il y a quelques semaines, j'étais à Washington où des représentants du Pentagone m'ont dit que quatre ou cinq États parias avaient la capacité d'atteindre les États-Unis avec des armes nucléaires. Ou bien ils étaient mal informés, ou bien ils essayaient délibérément de nous induire en erreur. Je n'aime pas l'idée que des représentants du Pentagone puissent faire cela. Je suis perplexe. Si en fait, ces États possèdent des armes et si, en fait ces armes peuvent atteindre les États-Unis, il faut alors se demander ce que feront les États-Unis pour se protéger étant donné que certains de ces États parias ne prennent pas part aux structures internationales mises en place pour le désarmement nucléaire.

La deuxième question est assez inexplicable, mais le sénateur pourrait-il m'éclairer sur la première?

(1920)

Le sénateur Roche: Je crois qu'une campagne concertée est en cours et qu'on utilise d'anciennes méthodes de propagande pour convaincre la population qu'elle est en danger, sous prétexte que certains pays possèdent des armes. Les pays qui ont été mentionnés - l'Iran, l'Iraq et la Corée du Nord - ne possèdent pas d'armes nucléaires. Ils n'ont pas la capacité de frappe nécessaire pour atteindre les États-Unis.

En outre, en ce qui concerne leur participation aux accords internationaux, ces trois pays adhèrent au traité de non-prolifération. L'ancien secrétaire de la Défense, M. Perry, a dirigé une délégation en Corée du Nord, au nom des États-Unis, pour nouer des relations entre les deux pays. Les États-Unis ont déjà dépensé des montants énormes pour financer la fabrication de réacteurs en Corée du Nord, à des fins d'utilisation pacifique. Le partenariat qui peut être établi, comme en témoigne le fait qu'un sommet aura lieu sous peu entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, illustre que la prétendue adaptation des pays délinquants qui nous mettent en danger est grandement exagérée par ceux qui cherchent à se faire du capital politique, économique et militaire en alarmant la population.

(Sur la motion du sénateur Taylor, le débat est ajourné.)

L'avenir de la politique du Canada en matière de défense

Interpellation

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Forrestall, attirant l'attention du Sénat sur l'avenir de la politique du Canada en matière de défense.-(L'honorable sénateur Rompkey, c.p.).

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, je suis très heureux de traiter du sujet qu'a soulevé le sénateur d'en face. Je dois dire que mes observations seront à la fois élogieuses et complémentaires. Je félicite le sénateur d'avoir soulevé cette question. J'avoue que je suis d'accord avec lui sur une bonne partie de ce qu'il a dit, peut-être pas sur tout, mais sur une bonne partie. J'espère que mes observations en témoigneront.

En 1994, j'ai eu le privilège de coprésider le Comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada. En fait, mon coprésident siège à ma droite. J'étais alors à l'autre endroit, et lui siégeait au Sénat. Le sénateur Forrestall était membre de ce comité. Nous avons produit le rapport final, «La sécurité dans un monde en évolution», qui constituait notre examen de la politique en matière de défense. Je peux dire qu'à l'époque le Canada était un des rares pays du monde où un examen parlementaire était effectué avant un examen bureaucratique et gouvernemental.

Nous étions très heureux parce que, avec la publication du livre blanc il était affirmé, conformément à nos souhaits, que les Forces canadiennes devaient être polyvalentes, aptes au combat et capables de combattre aux côtés des meilleures armées. Le livre blanc reconnaît que, même si nous ne pouvons couvrir tout le spectre militaire, les Forces canadiennes doivent être en mesure de défendre le Canada et de défendre l'Amérique du Nord en collaboration avec les États-Unis. Les deux tiers de nos recommandations se retrouvaient dans le livre blanc. Nous étions heureux. Cette réaction avait de quoi nous réconforter en tant que parlementaires. Toutefois, quand on y regarde de plus près, on constate que certaines des recommandations les plus importantes n'ont pas été retenues, et c'est là-dessus que je voudrais insister aujourd'hui.

Certaines des recommandations du comité qui ont été rejetées avaient trait au budget de défense et à la taille des forces régulières. À cause du rejet de ces deux aspects fondamentaux, les architectes de notre politique de défense ont sensiblement réduit la capacité des Forces canadiennes de réaliser les objectifs que s'était fixés le gouvernement.

Certes, les objectifs de la politique de défense énoncés dans le livre blanc de 1994 restent valables. Cependant, comme le sénateur Forrestall, je crois, je doute fort que les Forces canadiennes d'aujourd'hui soient aptes à les réaliser.

En 1994, notre comité mixte avait avisé le gouvernement que les dépenses de défense ne devaient pas être inférieures à celles enregistrées en 1994. Nous prétendions que des réductions supplémentaires auraient des effets dramatiques sur leurs capacités. Le livre blanc n'a pas donné suite à cette recommandation fondamentale, et c'est ainsi que les budgets de défense ont été réduits de 23 p. 100, soit un montant de 2 milliards de dollars, depuis 1994.

Qui plus est, les forces régulières sont passées de 75 000 à 60 000 membres ces dernières années, et cela, malgré l'avertissement du comité mixte selon lequel un nombre de 66 700 membres représente la capacité minimale nécessaire pour que les Forces canadiennes puissent jouer un rôle significatif au pays et à l'étranger.

Même si le budget du MDN a été amputé de 23 p. 100 au cours des années 1990, les pressions plus récentes et plus intenses exercées sur l'armée pour qu'elle accomplisse de nombreuses missions à l'étranger ont incité le gouvernement à y investir de l'argent frais. Des événements tels que le retrait des Forces canadiennes des missions de maintien de la paix au Kosovo et les retards observés dans le déploiement des forces de maintien de la paix au Timor oriental par suite des pannes de nos appareils de transport sont au nombre des causes les plus évidentes qui ont forcé le gouvernement à agir et à aider financièrement les Forces canadiennes à court d'argent.

Le budget de la Défense nationale a été augmenté une seconde fois depuis la présentation du budget fédéral de 2000. Selon ce budget, les Forces canadiennes recevront 1,7 milliard d'argent frais sur trois ans. C'est-à-dire 400 millions de dollars en 2000-2001, 500 millions de dollars pour la prochaine année financière et 600 millions de dollars la suivante. Le ministère de la Défense affirme que l'augmentation de son budget lui permettra de parer aux mises à pied éventuelles de soldats et de commencer à acheter de l'équipement neuf, dont 28 hélicoptères maritimes pour remplacer les Sea King, de moderniser les CF-18, les avions patrouilleurs Aurora et les avions Hercules. Bien que les militaires soient heureux de ces augmentations après des décennies de compressions, ce n'est pas suffisant comparé aux augmentations que nos alliés, soit l'Australie et les États-Unis, ont accordées à leurs armées respectives.

Nous devons aussi tenir compte du fait que 10 p. 100 de cet argent frais a déjà été dépensé, car le ministère de la Défense doit 180 millions de dollars au gouvernement fédéral pour les prêts que ce dernier a contractés afin de financer l'adaptation à l'an 2000. Le ministère s'est aussi déjà engagé à utiliser une bonne partie du reste de l'argent pour financer les programmes destinés à améliorer la qualité de vie. Entre les fonds consacrés au maintien de la paix et la portion allouée au paiement de la dette et à l'amélioration de la qualité de vie, aucune autre somme supplémentaire ne sera investie dans les biens d'équipement, dans la formation ni dans les secteurs qui ont désespérément besoin de plus d'argent. Cet apport limité d'argent frais accroît à peine le budget de base. Les militaires devront encore faire des pieds et des mains pour maintenir le nombre d'employés à plus de 60 000 et pour payer l'équipement neuf.

Une question tout aussi importante que le financement inadéquat est la réduction du personnel militaire. Malgré l'augmentation considérable du budget du ministère de la Défense, le nombre effectif des troupes pourrait bien descendre sous la barre des 60 000 indiquée dans le livre blanc cette année. En effet, les Forces canadiennes retireront des soldats des missions de maintien de la paix pour faire passer le nombre des troupes en sol étranger de 4 500 à 3 000 puisque les augmentations ne permettront pas aux Forces canadiennes de conserver le niveau actuel de l'effectif déployé outre-mer.

(1930)

En dépit du soutien dont elle bénéficie, il demeure que l'institution fonctionne au-delà de ses capacités. Il est de moins en moins évident que les forces armées du Canada puissent maintenir leur actuelle charge opérationnelle. Beaucoup d'hommes et de femmes accomplissent déjà leur quatrième ou cinquième mission outremer en sept ans. Les déploiements répétés de nos militaires compromettent la capacité du Canada de faire face à des situations délicates.

Je voudrais dire quelques mots sur les conditions auxquelles sont exposées nos forces armées. Le ministère de la Défense nationale met l'accent, depuis quelques années, sur les programmes Qualité de vie et les changements opérés ont été probants. Une partie importante des crédits alloués dans le budget de 2000 seront consacrés au programme d'amélioration de la qualité de la vie, et notamment à l'augmentation de la rémunération, des avantages sociaux et des allocations pour invalidité. Cette initiative est assurément heureuse, mais il demeure que les programmes Qualité de vie ne compensent pas le fait que nos soldats sont surmenés et débordés du fait d'une très lourde charge opérationnelle et de la diminution des effectifs. Ces programmes ne peuvent pallier la série de difficultés qui obligent nos soldats à travailler avec du matériel dépassé et non fiable. Les fonds injectés dans les programmes Qualité de vie sont investis à bon escient, cela ne fait aucun doute. Mais nous avons la preuve que des financements complémentaires sont requis pour faire face à l'autre crise confrontant les forces armées.

Les forces de réserve, voilà un autre aspect des plus importants de nos forces armées. Le ministère de la Défense nationale a décidé de donner suite aux 36 recommandations formulées dans le rapport de la Commission spéciale sur la restructuration des réserves. Il en a déjà exécuté intégralement huit, dont quatre concernent le soutien aux programmes des cadets et des Canadian Rangers, et quatre autres concernent la composition générale des forces armées du Canada et la nécessité de supprimer les différences sur le plan administratif entre les forces régulières et les forces de réserve.

L'harmonisation de la rémunération et des avantages sociaux, primordiale pour le personnel, avance à grands pas grâce à ce programme qui améliore considérablement la rémunération du personnel de la réserve. Les taux des soldes de la force de réserve sont maintenant fixés à 85 p. 100 des taux de la force régulière et toutes les futures initiatives en matière de rémunération s'appliqueront à tous les membres des Forces canadiennes.

La mise en oeuvre des 28 autres recommandations est en cours, et la plupart visent surtout la restructuration de la réserve de la force terrestre qui se déroule en deux phases concurrentes. Jusqu'à maintenant, la première phase, qui porte sur l'infrastructure et les effectifs, a permis d'ajouter des effectifs pour remplacer 14 districts de milice comportant une organisation initiale de 10 groupes-brigades. Il reste à relever le défi de la restructuration au niveau des unités, ce qui pourrait entraîner certains ajustements aux organisations régimentaires; cette tâche sera le principal objectif des prochains mois. La deuxième phase portera sur des éléments à plus long terme, y compris la formation, la mobilisation, l'équipement, les politiques et les musiques.

Il me tarde de recevoir le rapport de John Fraser. Je crois que le ministre l'a déjà en main. Je ne l'ai pas vu. Cependant, je m'inquiète car il semble qu'il pourrait exister certaines différences entre le contenu de ce rapport et les projets d'avenir du ministère. Notre tâche est toute déterminée d'avance car nous devrons suivre de près le déroulement de la restructuration des forces de réserve.

Dans son rapport provisoire de 1998-1999, le comité de surveillance du ministre pour les changements a critiqué sévèrement la mise en oeuvre des réformes touchant la restructuration des forces de réserve. Les décisions ministérielles visant l'organisation du processus de restructuration n'ont pas été mises en oeuvre. Le comité a constaté que les Forces canadiennes ont abandonné la plupart des principaux principes de la restructuration et ont accompli trop peu depuis les examens de 1988 et de 1999.

Alors que les forces de réserve peuvent appuyer la force régulière, et le font effectivement, tant à l'étranger qu'au pays, on peut se fier à elles seulement dans une certaine mesure. Après avoir essayé, au début des années 90, de déployer des contingents de maintien de la paix comportant une proportion élevée de réservistes - jusqu'à 40 p. 100 en fait - les Forces canadiennes ont ensuite limité à 20 p. 100 le nombre de réservistes dans un contingent à cause des coûts de formation et de la perte de cohésion au sein de l'unité.

Les projets de la Défense, tels que décrits dans le Guide de planification de la défense 2000 et la Stratégie 2020, accordent une grande importance à l'intervention rapide en cas de crises naissantes, une tâche que les réservistes ne peuvent accomplir facilement et économiquement. En outre, l'absence de rappel garanti signifie que les opérations nationales doivent s'appuyer sur un nombre important de membres de la force régulière, même si un grand nombre de réservistes sont déployés.

Comme toujours, le facteur décisif semble être l'argent. Le manque de fonds a également un effet très négatif sur la formation et le matériel. Cela a ensuite des effets sur la préparation et la capacité fondamentale des Forces canadiennes. Près de la moitié des réductions de budget du ministère ont été assumées par le budget d'immobilisations du matériel. En 1996, à la suite d'une série de réductions budgétaires, le ministère a pris l'engagement d'éviter de répéter l'expérience des années 70, lorsque l'état du matériel est devenu un grave problème. En dépit de cet engagement, les plans d'immobilisations à long terme et les programmes des services de la Défense prévoient actuellement un déclin des dépenses en matériel au cours des 5 à 15 prochaines années.

Le budget d'immobilisations des Forces canadiennes représente maintenant quelque 90 p. 100 du budget global. Le vérificateur général a mis en garde, en 1998, contre le fait que le MDN risquait de voir son matériel finir par être trop vieux et se détériorer si le budget d'immobilisations n'augmente pas.

La Stratégie 2020, qui a été mise en oeuvre l'été dernier, fixe un objectif sur cinq ans de 23 p. 100 du budget de défense pour les immobilisations. Toutefois, la dernière tentative du MDN d'atteindre un objectif pour les achats de matériel à la fin des années 80 et au début des années 90 a été un échec.

Honorables sénateurs, le financement inadéquat a entraîné de nombreux retards et annulations dans le processus d'acquisition de matériel. Le matériel inadéquat a également compromis la capacité des Forces canadiennes, dans leurs missions à l'étranger et au Canada. Il existe des lacunes importantes dans la surveillance stratégique et seulement une capacité limitée pour exercer la volonté de notre pays dans le milieu très exigeant de l'Arctique canadien. Des ressources inadéquates signifient également que le Canada trouve de plus en plus difficile de suivre les progrès technologiques.

Lorsque notre comité mixte a soumis son rapport au gouvernement, il a consacré une section entière au rôle du Parlement. Cette section des recommandations a été complètement négligée dans le livre blanc et elle continue de l'être. Des recommandations telles que celles-là pour créer un comité mixte permanent sur la défense ou une journée annuelle au Parlement pour examiner la politique de défense sont des recommandations qui doivent être appliquées non pas par le MDN, mais directement par le Parlement. Au bout du compte, le Parlement est le grand responsable des ses actions et de ses contributions dans le domaine de la politique de défense.

Le Comité de la défense nationale de la Chambre des communes a fait du travail utile, notamment son étude et son rapport sur la qualité de vie dans les forces armées, mais il n'a pas abordé les problèmes opérationnels centraux qui hantent les Forces canadiennes et sapent la mission du MDN. Les déficiences et les lacunes des Forces canadiennes n'ont pas seulement eu des répercussions directes sur les moyens d'action et l'état de préparation de nos forces. Elles ont aussi attiré l'attention des pays alliés et de la population canadienne. L'OTAN a exprimé l'avis que le Canada ne faisait pas sa part dans les organisations multilatérales et bilatérales vouées à la sécurité.

Son Honneur le Président suppléant: Je regrette d'informer l'honorable sénateur Rompkey que son temps de parole est terminé. Y a-t-il consentement unanime pour que le sénateur poursuive?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Rompkey: Merci. J'ai presque terminé, honorables sénateurs.

Le secrétaire général de l'OTAN, lord Robertson, a signalé que le Canada était à l'avant-dernier rang, parmi les membres de l'OTAN, pour ce qui est de ses dépenses en matière de défense comme pourcentage du PIB. Malgré tous nos prétextes, nous sommes loin d'être le seul pays qui doit faire face à des contraintes financières et à la restructuration de ses forces armées. Les dépenses en matière de défense ont diminué dans la plupart des pays de l'OTAN, mais les dépenses globales du Canada restent parmi les plus faibles. En 1997, le Canada a consacré 1,3 p. 100 de son PIB à la défense, contre 3,4 p. 100 aux États-Unis, 2,7 p. 100 au Royaume-Uni et 1,6 p. 100 en Allemagne.

La population canadienne considère aussi avec scepticisme les moyens d'action de nos forces. Selon un sondage de la firme torontoise Pollara effectué au début de 1999, 69 p. 100 des répondants estiment que les militaires n'ont pas le matériel nécessaire pour faire leur travail. Le Parlement commence aussi à remettre en question de nouvelles compressions dans le budget de la défense. De nombreux députés réclament maintenant un programme quinquennal d'augmentations budgétaires. Les difficultés sont bien connues. Des pressions accrues pour intervenir dans les cas d'éruption de violence dans le monde entier imposent un fardeau supplémentaire aux services et les progrès technologiques révolutionnent la façon dont les guerres sont menées. Dans cet environnement volatile, nos forces ont subi des compressions massives. Au cours de la dernière décennie, le nombre de missions militaires a triplé, mais le nombre de membres des forces armées est passé de 90 000 à moins de 60 000 en l'an 2000-2001.

(1940)

De 1994 à 1999, on a réduit de 2,7 milliards de dollars environ le budget des Forces canadiennes. Sans appui et financement adéquats, le ministère de la Défense nationale va inévitablement continuer de faire face à des problèmes persistants qui peuvent conduire au type de scandales et de camouflages dont nous avons été trop souvent témoins au cours des dernières années. Nous n'avons tout simplement pas fait assez. Des mesures partielles et des succès partiels sont inacceptables. Les Canadiens méritent mieux.

Des voix: Bravo!

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Rompkey: Bien sûr.

Le sénateur Kenny: Je voudrais m'associer aux observations formulées par l'honorable sénateur Rompkey. J'ai eu l'occasion de siéger au comité spécial qui était si bien présidé par les sénateurs Rompkey et De Bané.

Je voudrais vous poser la question suivante au sénateur Rompkey: le comité spécial aurait-il formulé les mêmes recommandations s'il avait su à l'époque à combien s'élèverait le financement dans les années suivantes?

Le sénateur Rompkey: Honorables sénateurs, c'est une question à laquelle il est difficile de répondre. On se demande ce que le comité aurait recommandé s'il avait su. Je pense que nous avions raison dans nos recommandations. Nous avons établi une limite. Cependant, je ne crois pas qu'on a respecté cette limite. Je pense que nous sommes tombés au dessous de ce seuil. La réalité maintenant est que je crois, à l'instar, sauf erreur, de bien d'autres, que nous n'avons pas la capacité de remplir toutes les missions dans lesquelles nous nous sommes engagés ici et à l'étranger. Nous avons pris certains engagements à l'égard des Canadiens, du NORAD, de l'OTAN et des Nations Unies. Je ne crois pas que nous pouvons respecter tous nos engagements, étant donné la structure et le budget en place à l'heure actuelle.

Je suis déçu que le seuil que nous avions fixé n'ait pas été respecté. Je crois qu'il nous incombe, en tant que parlementaires, de continuer d'assurer une surveillance. Je crois que le Sénat a un rôle à jouer pour ce qui est d'assurer la mise en oeuvre de ce que nous avons recommandé en 1994.

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question à poser à l'honorable sénateur Rompkey. Tout d'abord, je tiens à le remercier pour son allocution. Je serais tenté de demander à son coprésident s'il est d'accord. Il fait signe que oui. On le comprend. C'était du bon travail, et je crois que cela a très bien servi les Canadiens. Cependant, cela n'a pas servi le gouvernement, j'ignore pourquoi.

J'aimerais que l'honorable sénateur dise si nous n'avons pas un peu failli à nos responsabilités en ne réclamant pas avec plus d'insistance - et je regrette que le coprésident du comité ne soit pas ici en ce moment - l'instauration, soit par le Sénat, soit de concert avec l'autre endroit, du mécanisme de surveillance qui nous aurait permis, ainsi qu'aux Canadiens - en nous faisant part de leur opinion - d'établir clairement que nous avons dépassé depuis longtemps le point de vétusté.

Je peux dire officieusement aux honorables sénateurs que les chiffres que nous pensons être exacts sur les Forces canadiennes sont surestimés. Nous le voyons dans l'évacuation de la Sierra Leone. Nous l'avons lu dans le Globe and Mail de ce matin. Le capitaine Jackson, un officier de réserve très distingué, a fait implicitement état des difficultés. L'honorable sénateur pense-t-il qu'il serait utile que le Sénat fasse cavalier seul? Nous savons que l'inconvénient, c'est que nous ne sommes pas nombreux et que, si nous créons un autre comité, il ne pourra pas se réunir les mardis, mercredis ou jeudis, mais devra probablement le faire les lundis et vendredis. Vaut-il la peine de se débattre? Si c'est votre argument, alors tentons notre chance. Voyons si nous pouvons obtenir des résultats. Le sénateur Roche et moi-même sommes engagés dans un débat sur le dispositif de défense NMD. J'aimerais que les sénateurs - et je suis convaincu que l'honorable sénateur Rompkey me donnera raison - participent à un débat sur ce dispositif de défense. C'est crucial.

Je m'interroge aussi sur la plate-forme. Je sais qu'il est tard, que les gens ont faim et veulent rentrer chez eux, mais ces sujets seront plus adéquatement étudiés par un comité intéressé qui s'y connaît dans le domaine. Nous n'avons pas les ressources. L'honorable sénateur pourrait-il commenter cet aspect? Il est question d'un dispositif de défense NMD, d'une opération précise et des budgets d'entretien et d'immobilisations. Il est absolument nécessaire d'examiner la question et de produire un livre vert et un livre blanc. Il est essentiel de faire profiter le gouvernement de nos excellentes lumières dans ces domaines. L'honorable sénateur pourrait-il se prononcer sur tout cela?

Le sénateur Rompkey: Je le ferai avec plaisir. Je suis heureux que cette question ait été soulevée. C'est quelque chose que nous pouvons faire à cet endroit. Depuis quelques années, bon nombre d'entre nous ont appuyé l'établissement d'un comité sénatorial permanent de la défense nationale et de la sécurité. Loin de moi l'idée de mettre le leader adjoint du gouvernement et le chef adjoint de l'opposition sur la sellette, mais je remarque qu'ils sont tous les deux au Sénat et qu'ils ont suivi attentivement le débat et écouté la question soulevée par l'honorable sénateur Forrestall, ainsi que la réponse. Loin de moi l'idée de les mettre sur la sellette aujourd'hui; je veux simplement leur rappeler que de nombreux sénateurs estiment que la création d'un comité sénatorial permanent sur la défense et la sécurité aurait dû se faire il y a longtemps et qu'on devrait y voir dès maintenant, car il y a du travail à faire.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, si aucun autre sénateur ne veut prendre la parole, je considère clos le débat sur cette interpellation.

[Français]

La visite du premier ministre au Moyen-Orient et dans la région du Golfe persique

Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Pierre De Bané, ayant donné avis le jeudi 4 mai 2000:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la visite du premier ministre du Canada au Moyen-Orient et dans la région du golfe Persique du 8 au 19 avril 2000.

- Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de faire rapport à cette Chambre de la visite effectuée du 8 au 19 avril dernier par le premier ministre du Canada, le très honorable Jean Chrétien, dans plusieurs pays du Moyen-Orient, soit Israël, la Palestine, l'Égypte, le Liban, la Jordanie, la Syrie ainsi que l'Arabie Saoudite.

J'étais très heureux que le premier ministre ait invité plusieurs parlementaires des deux Chambres de notre Parlement à l'accompagner. C'est ainsi qu'en compagnie des sénateurs Marcel Prud'homme et Leo Kolber, ainsi que de nos collègues de l'autre Chambre, MM. Mark Assad, Sarkis Assadourian, Mme Carolyn Bennett, MM. Yvon Charbonneau et Irwin Cotler, j'ai eu l'honneur de faire partie de la délégation parlementaire qui a accompagné le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien.

(1950)

C'était la première fois dans l'histoire du Canada que le chef du gouvernement faisait une visite aussi étendue et couvrant un si grand nombre de pays dans cette région où nous sommes engagés, pourtant, depuis si longtemps.

On pourrait même dire que le rôle décisif assumé par le Canada lors de la crise du canal de Suez en 1956 nous a non seulement permis de dénouer une crise impliquant les deux anciennes mères patries du Canada, soit la France et l'Angleterre, mais que cette participation a également été un moment très important dans l'histoire de notre pays.

C'est pour avoir joué un rôle central en vue de désamorcer la crise du canal de Suez que le prix Nobel de la paix a été décerné au ministre des Affaires étrangères de l'époque, M. Lester B. Pearson, plus tard premier ministre du Canada. C'est à l'occasion de cette crise que le Canada a instauré le concept moderne de maintien de la paix par l'Organisation des Nations Unies.

Depuis, le Canada participe à toutes les opérations de maintien de la paix au Moyen-Orient, notamment à celles des Première et Deuxième Forces d'urgence, de la mission d'observation au Yémen, de la Force intérimaire au Liban, du Groupe d'observateurs militaires pour l'Iran et l'Iraq et de la Commission spéciale des Nations Unies.

Le Canada croit profondément que les activités de maintien de la paix contribuent à la stabilité dans la région, ce qui facilite le processus de paix au Moyen-Orient. À l'heure actuelle, 239 membres des Forces canadiennes participent à cinq opérations de maintien de la paix et missions connexes au Moyen-Orient:

1. La force des Nations Unies chargée d'observer le dégagement (FNUOD) du plateau du Golan par Israël et la Syrie. Nous avons là-bas 190 membres des Forces canadiennes, dont en qualité de commandant.

2. L'organisme chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) compte 11 membres des Forces canadiennes qui assurent la médiation entre l'Égypte, Israël, la Jordanie, le Liban et la Syrie, et aident d'autres missions de l'ONU.

3. De plus, six membres des Forces canadiennes participent à la Mission d'observation des Nations Unies pour l'Iraq et le Koweït.

4. La Force multinationale et observateurs (FMO), qui surveille le désengagement entre Israël et l'Égypte en vertu des Accords de Camp David, dispose de 30 membres des Forces canadiennes affectés à des postes d'état-major, de contrôle de la circulation aérienne et de l'administration.

5. Enfin, deux Canadiens font partie de la Commission de contrôle, de vérification et d'inspection des Nations Unies créée en décembre 1999 afin de poursuivre l'inspection et la destruction des missiles balistiques et des armes chimiques, nucléaires et biologiques de l'Iraq.

Le Canada a également participé à deux missions de maintien de la paix des Nations Unies au Liban, celle du Groupe d'observation, en 1958-1959 et celle de la Force intérimaire, en 1978.

Le Canada est un ardent défenseur du processus de paix au Moyen-Orient, un participant actif aux négociations multilatérales et un important bailleur de fonds pour les programmes d'aide dans la région. Cela fait près de 50 ans que le Canada participe aux efforts déployés par la communauté internationale pour assurer la paix au Moyen-Orient.

Le processus de paix de Madrid a été lancé par les États-Unis et l'ex-Union Soviétique en 1991, dans le but de trouver une solution complète au conflit israélo-arabe. Pour la première fois depuis la création de l'État d'Israël en 1948, les dirigeants de trois pays arabes, Israël et les Palestiniens ont été réunis pour discuter de paix. Le processus a donné lieu à une suite de négociations bilatérales entre Israël et ses voisins, la Jordanie, la Syrie, le Liban et les Palestiniens.

Les négociations ont été longues et ardues, à l'image de la complexité des questions et des compromis à faire pour instaurer une paix durable. La Déclaration de principe d'Israël et de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), signée à Washington en 1993, les accords intérimaires subséquents, signés en 1994 et en 1995, étendant l'autonomie palestinienne à la Cisjordanie et à Gaza, et le traité de paix israélo-jordanien, signé en 1994, ont constitué des temps forts de ces négociations.

En 1992, les États-Unis et la Russie ont lancé à Moscou la deuxième phase du processus de paix de Madrid. Les ministres des Affaires étrangères et les délégués de 36 pays - comprenant des représentants du Moyen-Orient, de l'Europe, du Japon, de la Chine et du Canada - s'y sont trouvés engagés.

Les négociations multilatérales viennent compléter - et non remplacer - les négociations bilatérales. Cinq groupes de travail ont été constitués: contrôle des armements et sécurité régionale, développement économique régional, réfugiés, ressources en eau et en environnement. Jusqu'à présent, la Syrie et le Liban ont décidé de ne pas participer tant que les négociations bilatérales n'auront pas progressé davantage.

Le Canada est un grand partisan d'une solution négociée au conflit israélo-arabe et il appuie sans réserve le mécanisme des négociations bilatérales. Son principal objectif est d'aider les pays du Moyen-Orient à trouver des moyens de collaborer les uns avec les autres.

Le Canada est l'un des principaux partenaires du processus multilatéral. Il préside le groupe de travail sur les réfugiés et il est membre du groupe de direction qui a pour tâche de superviser les cinq groupes de travail. Je suis heureux de rendre hommage à M. Robinson, qui dirige ce groupe de travail sur les réfugiés. Le Canada fait également partie du comité ad hoc de liaison qui coordonne l'aide internationale à l'Autorité palestinienne. Le ministre canadien des Affaires étrangères s'est rendu dans la région en 1997 pour rencontrer les dirigeants arabes et israéliens.

Le Canada fait également partie du groupe de travail sur la sécurité régionale et le contrôle des armements. En tant que facilitateur des mesures de renforcement de la confiance dans le domaine maritime, il a été l'hôte de plusieurs manifestations, dont le Symposium sur la sécurité maritime qui s'est tenu en Nouvelle-Écosse en 1997. Des experts en recherche et sauvetage du Moyen-Orient ont été réunis à cette occasion, à l'invitation de la Garde côtière canadienne et avec l'appui de l'Agence canadienne de développement international (ACDI).

Le Canada apporte en outre son savoir-faire technique et une aide au développement au groupe de travail sur les ressources en eau et à celui de l'environnement. Sous l'égide de l'ACDI, un programme de formation à l'intention de techniciens israéliens, palestiniens et jordaniens spécialisés en données sur l'eau est actuellement mis sur pied.

La crise persistante des réfugiés palestiniens déplacés par le conflit israélo-arabe est l'un des plus importants dossiers qui doive être abordé dans le processus de paix au Moyen-Orient. On compte à l'heure actuelle 3,6 millions de réfugiés inscrits auprès de l'Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient. Ils vivent en Jordanie, au Liban, en Syrie, de même qu'en Cisjordanie et à Gaza. Toutes les parties au processus de paix reconnaissent que, pour instaurer une paix globale et durable au Moyen-Orient, il est fondamental de trouver une solution juste au problème des réfugiés.

Sous la présidence du Canada, représenté par M. Andrew Robinson, le groupe de travail sur les réfugiés cherche à réunir les familles et à améliorer les conditions de vie des réfugiés et des personnes déplacées sans porter atteinte à leurs droits ni à leur statut futur. On sait que la question des réfugiés est difficile et délicate. C'est avant tout une affaire de négociations entre Israël et les Palestiniens, tout comme les questions des frontières, des colonies de peuplement et de Jérusalem.

Le Groupe de travail fonctionne par consensus, selon des règles fixées par l'ensemble des membres. Les principaux sujets en discussion sont les bases de données, le perfectionnement des ressources humaines - y compris la formation de la main-d'oeuvre et la création d'emplois - la réunification des familles, le développement de l'infrastructure économique et sociale, le bien-être des enfants et la santé publique. Le Canada a accueilli deux des huit séances plénières tenues jusqu'ici.

Même si le Liban ne fait pas partie du groupe de travail sur les réfugiés, le Canada a travaillé avec cet État et avec d'autres pays concernés afin d'obtenir de l'aide internationale à l'intention des réfugiés palestiniens au Liban et de s'assurer que la question de leur avenir demeure présente sur la scène internationale.

Le Groupe de travail sur les réfugiés a aidé l'Office de secours et de travaux des Nations Unies à recueillir des fonds pour son programme de mise en 9uvre de la paix.

(2000)

Il a réuni plus de 90 millions de dollars américains pour des projets à réaliser en Cisjordanie, à Gaza, en Jordanie, en Syrie et au Liban. Le groupe a apporté un soutien financier à la formation dans les domaines de la santé publique, de la construction, de la petite entreprise, de l'agriculture et de l'administration publique.

Il a aidé les réfugiés palestiniens au Liban à avoir accès aux hôpitaux. Il a livré des fournitures médicales et du matériel sanitaire à l'Office de secours et de travaux et à la Société du Croissant-Rouge pour les Palestiniens, et il a appuyé leurs cliniques. Le Groupe de travail a élaboré et financé en partie un programme visant à satisfaire aux besoins urgents des enfants palestiniens. Les membres du Groupe de travail ont également accordé un soutien financier à un grand nombre de projets individuels.

Les parties au Groupe de travail sur les réfugiés ont un objectif humanitaire commun, celui de réunir les familles séparées lors du conflit israélo-arabe. Leurs efforts ont permis d'accroître le contingent des personnes admises en Cisjordanie et à Gaza pour y retrouver leurs familles. Avec l'aide du Canada et du Koweït, la relocalisation à Gaza de quelque 500 familles du Camp Canada, dans le Sinaï égyptien, est censée être terminée avant la fin de l'an 2000.

Le Groupe de travail sur les réfugiés a parrainé plusieurs initiatives de collecte et d'analyse de renseignements de base dans le but de définir l'ampleur du problème des réfugiés, d'établir les priorités et d'évaluer l'incidence des différentes options politiques. Le Groupe de travail constitue une instance au sein de laquelle les parties régionales peuvent dialoguer. La dernière réunion, qui s'est tenue à Paris en mars 1999, a porté sur la réunification des familles.

Le Groupe de travail encourage aussi le dialogue avec les réfugiés eux-mêmes en menant des missions internationales dans les camps de réfugiés, comme ceux de Jordanie en 1994, en 1996 et en 1999, ainsi que de Gaza et de Cisjordanie en 1998. Des missions semblables ont été menées au Liban en 1994 et en 1997. J'ai voulu dresser cette toile de fond de la contribution canadienne à ce problème, qui est une tragédie immense qui dure depuis plus d'un demi-siècle.

Au terme de la visite que le premier ministre, le très honorable Jean Chrétien, a effectuée en compagnie de plusieurs parlementaires de cette Chambre et de l'autre endroit, on peut affirmer que cette visite, comme je l'ai dit, était la plus exhaustive jamais entreprise par un premier ministre de notre pays dans cette région et qu'elle fut un succès à tous égards. C'est un voyage qui était semé d'embûches, mais il ne fait aucun doute que le jeu en valait la chandelle. Nous avons été frappés personnellement par l'accueil extrêmement chaleureux que le premier ministre a reçu partout, de Jérusalem à Djeddah.

Le premier ministre avait fixé quatre grands objectifs à ce voyage, à cette visite au Moyen-Orient et dans le golfe Persique. Premièrement, montrer que le Canada continue d'avoir à c9ur la recherche d'une paix juste, durable et globale, où la dignité de chaque groupe est respectée. Le premier ministre a encouragé toutes les parties à ne pas perdre de vue cet objectif. Pour que nous ayons une paix juste et globale, il faut que la dignité soit accordée à tout le monde.

Deuxièmement, le voyage a permis au premier ministre d'évaluer personnellement ce que le Canada peut faire pour aider à bâtir et à maintenir la paix. Troisièmement, ce voyage a permis de promouvoir le commerce, les investissements et la coopération. Aussi, le premier ministre a annoncé qu'un groupe d'hommes d'affaires, sous la direction de notre ministre du Commerce international, se rendra dans la région d'ici la fin de l'année.

Enfin, le premier ministre a encouragé un dialogue sur les valeurs de la démocratie, les droits de la personne, la bonne gouvernance et la règle de droit. Au sujet du processus pour la paix, tous les interlocuteurs du premier ministre connaissent la politique canadienne fondée sur les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, et en respectent l'équité. Le premier ministre ne cherchait pas à prescrire des solutions, car il appartient aux parties de négocier entre elles, mais il a exhorté le premier ministre Barak, le président Arafat, le président Assad et les dirigeants libanais à aller de l'avant et il a prêté l'oreille à leurs points de vue. De plus, le premier ministre les a assurés que le Canada sera là pour aider à réaliser les accords de paix. Au sujet du maintien de la paix, j'ai déjà rappelé que le Canada a pris part à la première mission de maintien de la paix, en 1956, sous Lester B. Pearson. Nous avons participé à chacune des missions de paix depuis ce temps. Sur le Golan, le premier ministre a dit que si les parties le désirent, le Canada poursuivra les nouvelles avenues possibles de maintien de la paix. Au Liban-Sud, il s'est également engagé à évaluer les circonstances ainsi que les demandes qui lui seront faites. Tant le premier ministre Barak que le président Assad ont souligné le rôle positif joué par le Canada dans le maintien de la paix au Moyen-Orient.

Sur la question des réfugiés, le Canada est l'un des principaux contributeurs au fonds de l'UNRWA, ce qui lui a mérité d'être nommé, à Madrid, à la présidence du Groupe de travail sur les réfugiés. Lors de la rencontre du premier ministre avec le président Arafat, prix Nobel de la paix, ce dernier a chaleureusement remercié le Canada pour son leadership en ce qui a trait à la question des réfugiés et il a remis au premier ministre du Canada une décoration de l'Ordre de Bethléem 2000.

Son Honneur le Président suppléant: La période de 15 minutes qui vous était allouée est écoulée. La permission est-elle accordée de poursuivre, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur De Bané: En plus de décorer le premier ministre Chrétien, le président Arafat a également octroyé au sénateur Prud'homme l'Ordre de Bethléem 2000. J'ai ici en main cette décoration. Le sénateur Prud'homme a travaillé sans relâche depuis nombre d'années pour donner justice au peuple palestinien, et je veux lui rendre ici hommage.

De plus, le premier ministre canadien, M. Chrétien, a rendu visite aux réfugiés du camp de Souf, en Jordanie. Il les a assurés que le Canada fera tout ce qu'il peut pour qu'ils ne soient pas oubliés du reste du monde. Il leur a répété qu'il faut arriver à une solution juste et négociée entre les parties.

Au sujet de la promotion, du dialogue et des valeurs dans la région, le premier ministre a rappelé à tout le monde que la mission du Canada est de bâtir des ponts. Le premier ministre a annoncé que le Fonds pour le dialogue et le développement est reconduit pour quatre ans, afin de promouvoir un rapprochement entre les Israéliens et les Arabes.

Concernant le déminage, le premier ministre a annoncé un octroi additionnel de 500 000 dollars pour les opérations de déminage dans la vallée du Jourdain. Quant à la priorité à la population - aux hommes, aux femmes et aux enfants - le premier ministre a proposé la création d'un centre régional de sécurité humaine qui serait basé à Amman, capitale de la Jordanie.

Le roi Abdullah a applaudi cette proposition innovatrice visant à répondre aux besoins des gens dans toute la région. Au Liban, le président Lahoud nous a dit que notre peu de bagage nous donnait une crédibilité spéciale dans la région. L'Université juive de Jérusalem a décerné un doctorat honoris causa au premier ministre du Canada pour récompenser le rôle que M. Chrétien joue pour le progrès de la paix dans toute la région.

Le premier ministre Chrétien est le premier chef de gouvernement étranger à visiter la communauté arabe en Israël, depuis la fondation de ce pays il y a plus de 50 ans! En effet, M. Chrétien s'est rendu à Nazareth, la principale ville arabe en Israël. M. Shimon Peres, lui aussi prix Nobel de la paix, s'est joint au premier ministre Chrétien à Nazareth et ils ont tous deux parlé de tolérance, de fraternité et de compréhension à des étudiants arabes et juifs, fréquentant respectivement l'école secondaire et le séminaire Saint-Joseph de Nazareth, de même que l'école secondaire Lyada rattachée à l'Université hébraïque de Jérusalem.

(2010)

Je voudrais rappeler ici que le père Émile Shoufani, connu à travers le monde comme «le curé de Nazareth», et qui est également directeur de l'école Saint-Joseph de Nazareth, a été reçu en audience par le premier ministre Chrétien en octobre dernier ici même, au Parlement canadien. Le père Shoufani était accompagné. de l'évêque des Grecs catholiques du Canada, Son Excellence Mgr Sleiman Hajjar, ainsi que de Mme Soad Haddad, de Haïfa, en Israël.

Sur le plan économique, je peux également mentionner que cette visite du premier ministre Chrétien visait à stimuler le commerce et d'autres formes de coopération, telles les entreprises communes et les investissements. Au Liban, il a visité en compagnie de M. André Ouellet, président-directeur général de Postes Canada, Liban Poste, où Postes Canada, avec de grandes sociétés canadiennes, travaille à revitaliser Liban Poste. J'ai vu le travail exceptionnel que le président André Ouellet et son équipe, en collaboration avec les autres entreprises canadiennes, font, à la grande satisfaction des autorités gouvernementales libanaises.

La visite du premier ministre canadien a ouvert des portes au plus haut niveau pour les entreprises canadiennes. Qu'il me suffise de mentionner notre rencontre à la Chambe de commerce de Djeddah, en Arabie Saoudite, où certains des hommes d'affaires les plus influents en Arabie Saoudite étaient présents et ont établi des liens avec le premier ministre et les membres de sa délégation.

Le ministre du Commerce international, l'honorable Pierre Pettigrew, se rendra au Moyen-Orient dans les prochains mois. Le premier ministre a également annoncé un renouvellement de la Fondation Canada-Israël pour la recherche et le développement industriels. Il s'agit d'un partenariat dans le domaine de la haute technologie. Également, le premier ministre a annoncé que le Canada se joindrait à Israël pour développer des partenariats avec les Palestiniens dans le secteur de la haute technologie. Nous avons également signé une entente avec l'Égypte sur les technologies de l'environnement. Nous avons été très heureux de constater que le savoir-faire du Canada est très en demande dans quasiment toutes les disciplines.

En Égypte, le premier ministre, le Dr Ataf Ebeid, a complimenté publiquement le Canada. Nous sommes, a-t-il dit, des partenaires fiables qui possédons une expertise technique et d'excellentes compétences de gestion.

Enfin, pour promouvoir le dialogue et les valeurs canadiennes, le premier ministre a répété à plusieurs reprises:

Nous ne sommes pas ici pour prêcher, mais pour partager notre expertise et notre expérience.

L'expérience du Canada peut être pertinente. Notre Charte canadienne des droits et libertés a inspiré la Cour suprême d'Israël, dont le président a eu un entretien avec le premier ministre Chrétien. Le premier ministre n'a pas hésité à aborder des sujets délicats avec ses interlocuteurs. Je pense notamment à la question des droits de la personne et de gouvernance, qu'il a abordée entre autres avec les autorités de plusieurs des pays qu'il a visités, notamment avec l'Autorité Palestinienne, la Syrie et l'Arabie Saoudite. À Amman, il a abordé la question des crimes d'honneur en Jordanie. Il a aussi parlé de l'impact de la mondialisation, de la tolérance dans la diversité, et du respect des droits de la personne.

Enfin, à l'aube du troisième millénaire, le premier ministre a rappelé le caractère indispensable de la démocratie, qui permet de libérer les énergies de tous les citoyens d'un pays en même temps que de reconnaître leurs droits fondamentaux d'être les artisans de leur destin.

En un mot, cette visite du premier ministre Chrétien au Moyen-Orient a été un succès exceptionnel sur tous les plans. On nous a dit combien on estimait le Canada, et la reconnaissance que l'on vouait au Canada pour tout ce qu'il a fait et continue de faire pour cette région, une des régions les plus troublées et souffrantes de la planète.

En Arabie Saoudite, je me rappelle cette observation du ministre des Affaires étrangères Saud Al-Faysal, fils de feu le roi Faysal, qui a tenu à dire combien il appréciait la franchise du premier ministre Chrétien. Il a ajouté que l'humilité traditionnelle du Canada ne rend pas justice à l'importance du rôle que nous jouons.

Bref, ce fut une visite exceptionnelle et ce succès est redevable au premier ministre du Canada, M. Jean Chrétien, qui a eu le courage d'entreprendre cette visite au Moyen-Orient. Il est le premier chef du gouvernement canadien à entreprendre une visite aussi étendue au Moyen-Orient.

Avant de répondre à certaines critiques qui ont été faites et qui démontrent davantage l'ignorance et le parti pris de certains journalistes canadiens, je voudrais rendre hommage à nos diplomates qui oeuvrent dans les pays que nous avons visités. Dans chacun de ces pays, j'ai rencontré des hommes et des femmes qui représentent le Canada et qui font un travail exceptionnel. Je voudrais leur rendre hommage, que ce soit des chefs de mission ou leurs collaborateurs. Je me rappelle, honorables sénateurs, au Caire, où le premier ministre du Canada a offert un dîner d'État. Presque tout le cabinet égyptien était présent. Qui croyez-vous a agi comme maître de cérémonie? Mme Isabelle Martin de la ville de Québec, une jeune diplomate en poste à notre ambassade du Caire. Elle s'est adressée à l'assistance dans les trois langues: en arabe, en français et en anglais, avec une parfaite aisance, sans aucun texte. Vous auriez dû voir l'assistance l'applaudir. C'était comme cela dans chacun des pays. J'étais fier de voir ces diplomates canadiens à l'oeuvre.

[Traduction]

Avant de parler des diverses critiques dont le premier ministre a été la cible pendant son voyage là-bas, il convient de dire que, pour ceux qui accompagnaient le premier ministre, il était assez évident que certains journalistes avaient déjà décidé, avant même d'arriver au Moyen-Orient, de s'en prendre à M. Chrétien, cette attitude allant tellement à l'encontre de l'éthique journalistique, et que de nombreux autres journalistes ont fait part de leur malaise à cet égard. La couverture médiatique de cette visite et la visite elle-même étaient tellement différentes que les participants ont eu l'impression que deux voyages très différents se déroulaient - celui que nous faisions avec le premier ministre, et celui dont les médias canadiens faisaient rapport.

La malveillance de certains journalistes a atteint son paroxysme pendant une réunion d'information générale organisée par des diplomates canadiens à Damas, en Syrie. On a peine à imaginer le traitement rude et agressif que certains journalistes ont infligé à notre ambassadrice en Syrie, Mme Alexandra Bugailiskis. L'hostilité était palpable et a souvent dégénéré en mauvaise foi pure et simple. Malgré cela, l'ambassadrice a répondu habilement aux questions. Pendant la dernière conférence de presse à Djeddah, en Arabie Saoudite, la journaliste de TVA, Lina Dib, qui a préparé certains des reportages les plus biaisés et malveillants, a eu le culot de demander au premier ministre s'il avait été blessé par les attaques dont elle était elle-même l'auteure.

C'était la plus longue visite officielle d'un premier ministre du Canada au Moyen-Orient. M. Chrétien savait très bien qu'il s'engageait sur un terrain miné, si bien que ses prédécesseurs - tous sans exception - s'étaient abstenus de visiter la région. Il était par ailleurs convaincu qu'il était temps que le Canada, après avoir été engagé dans la région depuis plus de 50 ans, surtout depuis 1956, fasse une visite officielle pour cimenter les relations bilatérales et contribuer à faire avancer la cause de la paix.

En fait, la visite a donné une impulsion importante au dialogue politique entre le Canada et chacun des pays visités, a contribué à stimuler les exportations des entreprises canadiennes actives sur ce marché important, a encouragé le processus de paix dans lequel le Canada est très engagé, a souligné les points de vue du Canada en tant que président du comité sur les réfugiés formé à Madrid, a favorisé l'adhésion à l'accord d'Ottawa sur l'interdiction des mines terrestres antipersonnel et, à Amman, a vu épouser l'initiative canadienne visant à créer un centre régional de solution des conflits pour aider les parties dans la région - l'Égypte, Israël, la Jordanie et les Palestiniens, pour commencer - à fortifier la paix et à entreprendre différents programmes comme la formation professionnelle pour les casques bleus, le renforcement des institutions démocratiques et la réforme judiciaire. La visite de notre premier ministre aura des répercussions qui continueront de se faire sentir durant de nombreuses années encore.

Pour bien montrer que les reportages des médias n'avaient aucun rapport avec la réalité, je ferai remarquer que pas un seul des interlocuteurs du premier ministre Chrétien n'a exprimé la moindre critique, désapprobation ou réserve à propos de ses déclarations. Bien plus, chacun d'eux a insisté pour exprimer, avec des gestes clairs et éloquents, la qualité des relations qu'ils avaient nouées avec le premier ministre du Canada. Le président Moubarak a exprimé publiquement la cordialité de son amitié avec M. Chrétien, et le Cabinet égyptien a assisté presque au complet à un dîner offert par M. Chrétien.

[Français]

Je faisais allusion plus tôt dans mon discours à ce dîner d'État où le maître de cérémonie était Mme Isabelle Martin, originaire de la ville de Québec et dont la compétence et la prestance nous ont fait honneur.

[Traduction]

La même chose s'est produite en Israël, lors d'un dîner offert par le premier ministre Barak, auquel assistait presque tout son Cabinet. Le prix Nobel de la paix, Shimon Peres, avait réservé presque toute une journée pour accompagner M. Chrétien à un événement sans précédent à Nazareth, dont on reparlera plus tard.

On peut difficilement imaginer accueil plus chaleureux que celui que les trois principaux dirigeants du Liban - MM. Lahoud, Hoss et Berri - ont fait à M. Chrétien. Au besoin, on pourrait citer des exemples similaires pour chacune des rencontres qu'a eues M. Chrétien avec ses homologues dans chacun des pays où il s'est rendu. Non seulement les reportages de certains journalistes ne reflètent pas les échanges entre M. Chrétien et ses homologues, mais ils passent sous silence les événements qui auraient pu contredire leurs préjugés.

(2020)

Par exemple, près de 1 000 personnes ont assisté à la réception donnée en son honneur au Liban par la communauté libano-canadienne et organisée par notre ambassadeur au Liban, Son Excellence M. Haig Sarafian.

Plus important encore, quand le premier ministre a tourné une nouvelle page de l'histoire, les médias n'ont accordé aucune attention. À preuve, M. Chrétien est le premier chef de gouvernement à visiter la communauté arabe d'Israël depuis la création de cet État, il y a plus d'un demi-siècle. Selon les dirigeants de la communauté arabe d'Israël, aucun autre chef de gouvernement étranger n'avait encore fait cela.

Il est pratiquement impossible de décrire l'émotion et la fierté de la communauté arabe d'Israël en recevant cette reconnaissance d'un leader du G-7, après un demi-siècle d'obscurité relative.

Près de 20 p. 100 de la population d'Israël est arabe. Cette population se concentre en Galilée, en particulier à Nazareth, ville mi-chrétienne et mi-musulmane. C'est la plus grande ville arabe d'Israël, une sorte de capitale nationale, culturelle et patriotique pour les Israéliens arabes. M. Chrétien, accompagné par Shimon Peres, a visité le séminaire et école secondaire Saint-Joseph de Nazareth, école que fréquentent des élèves arabes de diverses fois et qui, depuis une douzaine d'années, poursuit un projet de dialogue avec l'école de l'université hébraïque de Jérusalem, la Lyada. Un moment mémorable du voyage a été celui où le premier ministre a parlé, de façon éloquente et poignante des valeurs de tolérance et de multiculturalisme des Canadiens, tout en louant la communauté arabe d'Israël.

[Français]

Vous me permettrez, honorables sénateurs, une note personnelle. Comme vous le savez, je suis né à Haïfa, en Palestine. C'était la première fois que je retournais à Haïfa depuis le départ de ma famille en 1947. Un moment de très grande émotion, où j'ai revu non seulement ma ville natale, mais également la maison où je suis né, que je n'avais pas vue depuis plus d'un demi-siècle! De même, de me retrouver à Nazareth, comme parlementaire canadien en compagnie de collègues parlementaires et du premier ministre du Canada - que j'ai eu l'honneur d'avoir comme collègue lorsque nous étions tous deux ministres dans le gouvernement de M. Trudeau -, pour rendre hommage à cette communauté, fidèle à ses valeurs culturelles et patriotiques, a été un des moments les plus émouvants de ma vie et je le garderai précieusement dans mon coeur jusqu'à la fin de mes jours.

En octobre dernier, lors de la visite à Ottawa du père Émile Shoufani, ou Abouna Émile comme on dit à Nazareth, et de Mme Soad Haddad, qui consacre sa vie à son Église et à sa communauté, le premier ministre leur avait fait part de son espoir de se rendre à Nazareth pour visiter l'école dirigée par le père Shoufani. Si j'y vais, a-t-il dit au père Shoufani, ce sera non pas pour rencontrer l'administration, mais pour échanger avec les étudiants de cette école ainsi que les étudiants juifs de Jérusalem. C'est exactement ce que le premier ministre a fait lorsqu'il s'est rendu à Nazareth. Le premier ministre a non seulement tenu parole, mais il a écrit une page d'histoire en le faisant. J'avais les larmes aux yeux lorsque j'ai été témoin de ce moment qui sera toujours présent en ma mémoire et en mon coeur.

[Traduction]

Que dire des déclarations que certains journalistes ont qualifiées de gaffes?

Il y a eu d'abord l'erreur qu'aurait commise le premier ministre en ne se rendant pas à Jérusalem-Est. Comment la nouvelle est-elle sortie? Quelques journalistes canadiens sont allés voir le haut fonctionnaire de l'OLP responsable pour la question de Jérusalem, Faisal Husseini, et lui ont demandé ce qu'il pensait du fait que le premier ministre ne s'était pas rendu à Jérusalem-Est. Celui-ci s'est dit déçu. On en a déduit que les dirigeants étrangers acceptent habituellement l'invitation de l'OLP de visiter Jérusalem-Est et que M. Chrétien commettait une erreur. Les Israéliens s'efforcent de faire accompagner tout dirigeant étranger qui se rend à Jérusalem-Est par des hauts fonctionnaires israéliens afin de montrer leur souveraineté sur une ville unifiée. Le président Clinton a annulé sa visite à Jérusalem-Est lorsque le maire de Jérusalem, Ehud Olmert, a insisté pour l'accompagner.

Les dirigeants étrangers peuvent contourner le problème en visitant les lieux saints à Jérusalem-Est, comme l'a fait le président chinois, Jiang Zemin, quelques heures à peine après que M. Chrétien les eut visités.

Le premier ministre britannique, Tony Blair, a évité d'aller à Jérusalem-Est après que son ministre des Affaires étrangères, Robin Cook, eut suscité la controverse en se rendant à Jérusalem-Est rencontrer un législateur palestinien.

La visite de Jérusalem-Est par le président Chirac a entraîné une sérieuse bousculade avec les forces policières israéliennes. Or, reconnaissant le rôle joué par Faisal Husseini en tant que président de la délégation palestinienne aux pourparlers multilatéraux, M. Chrétien m'avait demandé avant de partir d'Ottawa de diriger une délégation officielle auprès de M. Husseini. J'ai rencontré M. Husseini le 10 avril, en compagnie de M. Tim Martin, chef du Bureau de représentation canadien à Ramallah, et de M. John McNee, directeur général du Bureau pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Ce dernier m'a assuré que les Palestiniens étaient reconnaissants au Canada du rôle diplomatique qu'il a joué sur la question de la Palestine. Après tout, M. Husseini est venu plusieurs fois à Ottawa et y a été chaleureusement accueilli par des hauts fonctionnaires.

Bref, comme vous vous en souviendrez, le secrétaire au Foreign Office de la Grande-Bretagne, Robin Cook, avait été accusé de toutes sortes de choses lorsqu'il était allé à Jérusalem-Est et le premier ministre français a connu toutes sortes de problèmes. Notre premier ministre, lui, n'a eu à subir que les critiques des médias canadiens.

Il y a eu ensuite l'entretien avec le président de l'OLP, Yasser Arafat, à Gaza. Cette fois-ci, on a accusé M. Chrétien de nous mettre dans l'embarras face aux Israéliens en appuyant la menace du président Arafat de faire une déclaration unilatérale d'indépendance. Le Jerusalem Post, journal de langue anglaise qui est la propriété de Conrad Black, a rapporté la rencontre avec Arafat en ces termes: «Chrétien conseille à Arafat de ne pas faire de déclaration unilatérale d'indépendance.»

Le journal hébreu Ha'aretz a publié un long article sur la rencontre avec Chrétien, disant que le Canada appuyait la création d'un État palestinien, mais seulement par la voie de négociations. Plusieurs paragraphes suivaient sur l'appréciation qu'a le président Arafat du rôle du Canada concernant la question des réfugiés et l'aide humanitaire et l'aide au développement du peuple palestinien. Aucun de ces journaux n'a parlé d'appui en faveur d'une déclaration unilatérale d'indépendance.

En fait, le premier ministre avait fait la même remarque au président Arafat en mars 1999 à Ottawa, lorsque ce dernier faisait une tournée des capitales mondiales pour essayer de faire redémarrer les négociations qui étaient dans une impasse. Arafat avait insisté sur le fait qu'Israël ne respectait pas les délais fixés dans les accords d'Oslo, et M. Chrétien avait dit que la menace de déclaration d'indépendance était un moyen de faire avancer les négociations. Quand la même chose s'était produite à Ottawa un an plus tôt, cela n'avait provoqué aucun tumulte dans la presse canadienne.

La troisième gaffe a été la remarque du premier ministre à Nazareth, où il a dit qu'il comprenait que les Israéliens revendiquent les eaux de la mer de Galilée. Quand on lui a demandé où devrait se situer la frontière, le premier ministre a répondu que c'était une question à négocier entre la Syrie et Israël, mais la plupart des médias canadiens ne l'ont pas relevé.

L'ex-premier ministre israélien Shimon Peres a appuyé la déclaration de M. Chrétien, et cela est apparu comme étant de la pure partisanerie de la part du premier ministre. La question est complexe et elle n'est pas aussi simple qu'elle a pu le paraître. En fait, le conflit entre la Syrie et Israël est plus une question de frontières et de sécurité qu'une question d'eau. Les négociations avaient été rompues à Genève le 26 mars durant une rencontre entre les présidents Assad et Clinton sur cette question. Selon des sources bien informées en Europe, en Israël et aux États-Unis, le compromis qui avait été conclu était que la Syrie reconnaissait le droit d'Israël à des droits sur l'eau de la mer de Galilée, mais que la frontière syrienne devait être réétablie à la ligne du 4 juin 1967, sur la rive nord-est du lac, et qu'il fallait établir une sorte de patrouille commune pour compenser les concessions de la Syrie relativement aux droits à l'eau des Israéliens. Israël insistait pour que la frontière soit tracée à 100 mètres du lac. En fait, nombre d'habitants de la région n'étaient sans doute pas au courant des détails des négociations ayant échoué. Ces remarques de M. Chrétien ont été reprises par le quotidien du parti Baath, à Damas. La question est source de profondes divisions au sein du Cabinet israélien et, semble-t-il, entre le président Assad et son ministre des Affaires étrangères, mais les propos du premier ministre ne s'éloignaient guère de l'accord de compromis ayant échoué.

(2030)

Ayant pris note de la présence de M. Chrétien à Nazareth, la presse canadienne a complètement oublié de mentionner que c'était la toute première fois de l'histoire qu'un chef politique étranger visitait Nazareth, le foyer de la principale communauté arabe d'Israël.

La visite du premier ministre a été particulièrement bien reçue à un moment où il y avait, à ce qu'on disait, des tensions entre les communautés musulmane et chrétienne de Nazareth. Les appels du premier ministre en faveur de la tolérance et de la nécessité de respecter la diversité dans toute société ont également été bien accueillis par l'auditoire, y compris Shimon Peres. De même, la presse israélienne a fait paraître un long article sur l'influence des lois et des pratiques judiciaires canadiennes sur les pratiques d'Israël en matière de droits de la personne. Les histoires relatant les succès canadiens au Moyen-Orient font, de toute évidence, moins les manchettes que de supposés échecs.

L'histoire la plus embarrassante aurait été, selon la presse, l'accord intervenu entre le premier ministre canadien et le premier ministre Ehud Barak, selon lequel le Canada accueillerait 15 000 réfugiés palestiniens après la conclusion d'un accord final entre l'OLP et Israël. Cette histoire vient d'un conseiller principal du premier ministre Barak lors d'un vol qui le ramenait d'une réunion urgente avec le président Clinton à Washington au sujet de l'échec des négociations. L'histoire a été publiquement niée, en l'espace de quelques heures, par le premier ministre lui-même, M. Chrétien, et ensuite par M. Barak. La question des réfugiés est l'une des plus controversées du programme de paix et une pour laquelle la neutralité du Canada, en tant que président du groupe de travail multilatéral sur les réfugiés palestiniens, est cruciale.

Les Israéliens n'ont jamais été satisfaits du groupe de travail et l'histoire était potentiellement préjudiciable, particulièrement au Liban où le Canada a, à maintes reprises, été accusé par la presse de tenter d'établir des réfugiés palestiniens sans s'occuper de la revendication des Palestiniens, appuyée par les Nations Unies, d'un droit de retour et de compensation.

La presse israélienne a rapporté qu'une réunion d'experts sur la question des réfugiés, tenue à Ottawa en 1999, avait aidé à faire progresser la question de la compensation. Tout comme pour les visites de M. Arafat ou de M. Husseini à Ottawa, la presse d'Ottawa ne semble pas s'intéresser à la politique canadienne au Moyen-Orient, si ce n'est lorsqu'il pourrait y avoir une histoire embarrassante.

Les autres histoires portaient sur le fait que M. Chrétien n'a pas critiqué la présence militaire syrienne au Liban ni le non-respect des droits de la personne en Syrie et en Arabie Saoudite, mais la presse ne pouvait certainement pas s'attendre à ce que le premier ministre, lors d'une visite protocolaire, condamne directement ses hôtes.

La dernière histoire portait sur la mauvaise interprétation présumée des coutumes vestimentaires en Arabie saoudite.

[Français]

Voilà, honorable sénateurs, une revue des critiques qui ont été faites par certains médias canadiens. Je tiens à rappeler que la couverture dans les médias des pays visités par le premier ministre Chrétien a été beaucoup plus exhaustive et objective. Par ailleurs, les ambassadeurs de ces pays en poste au Canada ont transmis à notre ministère des Affaires étrangères leur vive satisfaction suite à cette visite. Leur seul regret concernait la couverture partisane et irresponsable de certains médias canadiens.

Je voudrais remercier publiquement le professeur John Sigler, de l'Université Carleton, un de nos plus grands spécialistes des questions du Moyen-Orient, dont la collaboration précieuse m'a aidé a réfuter les différents points soulevés par certains médias canadiens et à les mettre dans une juste perspective.

[Traduction]

La visite avait été planifiée longtemps avant la lutte de pouvoir au sein du Parti libéral qui a tellement occupé la Tribune de la presse dans les semaines ayant précédé la visite. Les médias canadiens ont même rapporté que les articles parus sur la visite du premier ministre au Moyen Orient pourraient rouvrir le dossier du leadership.

Nous avons longtemps déploré l'absence relative d'intérêt face à la politique étrangère parmi les médias canadiens. Nous avons maintenant devant nous un exemple classique d'une histoire locale jouée dans un contexte étranger où la couverture même de l'affaire a pu constituer un embarras.

La conclusion la plus triste à tirer de toute cette affaire est que les Canadiens devraient éviter toute la question du Moyen-Orient tant comme sujet de discussion que comme enjeu politique ou tragédie humaine parce qu'ils pourraient avoir des problèmes quoi qu'ils fassent ou quoi qu'ils disent. M. Chrétien a eu le courage d'entreprendre la première visite consacrée à tous les pays importants du Moyen-Orient jamais effectuée par un premier ministre canadien. Il a été chaudement accueilli par tous ses hôtes, qui reconnaissent le rôle positif joué par le Canada dans cette région au cours des cinquante dernières années et le dévouement personnel de M. Chrétien dans le cadre du processus de paix. C'est là le sens même du leadership dans le domaine de la politique étrangère.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

Affaires étrangères

Autorisation donnée au comité d'étudier le Rapport sur le rendement du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international

L'honorable Peter A. Stollery, conformément à l'avis donné le 4 mai 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à étudier le Rapport sur le rendement du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour la période se terminant le 31 mars 1999, déposé au Sénat le 2 novembre 1999 (document parlementaire no 2/36-71); et

Que le comité fasse rapport au plus tard le 31 mars 2001.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, le sénateur Stollery ne veut rien ajouter de plus, la motion étant relativement claire. Le sénateur et moi nous sommes concertés pour la rédiger. Je suis d'accord pour que le sénateur Stollery et son Comité des affaires étrangères étudient le rapport sur le rendement du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Le sénateur Stollery et moi nous étions mis d'accord pour fixer le délai de rapport au 31 août de cette année, mais au fil du processus de présentation de la motion, la date est devenue le 31 mars 2001. Comme il s'agit de la motion du sénateur Stollery et qu'il ne convient pas qu'il modifie sa propre motion, je propose donc de modifier la motion à la dernière ligne pour qu'elle se lise comme suit:

Que le comité fasse rapport au plus tard le 31 août 2000.

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion modifiée?

Des voix: D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

(2040)

Affaires étrangères

Autorisation donnée au comité d'examiner les faits nouveaux en Russie et en Ukraine

L'honorable Peter A. Stollery, conformément à son avis du 4 mai 2000, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, en tenant compte des politiques et des intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 15 juin 2001; et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final et ce jusqu'au 29 juin 2001.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Stollery pourrait-il dire au Sénat si le compte rendu des travaux de son comité indique que les membres de celui-ci ont appuyé la motion à l'unanimité?

Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, la réponse est oui. En fait, les deux partis ont participé à la rédaction de la motion.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

(La motion est adoptée.)

Ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 10 mai 2000, à 13 h 30;

Que, à la suite du vote différé sur l'amendement au projet de loi C-2, le Président interrompe les délibérations pour ajourner le Sénat;

Que, si un autre vote devait être différé à 17 h 30 demain, le Président suspende la séance jusqu'à 17 h 30 pour la mise aux voix du vote différé; et

Que tous les points figurant à l'ordre du jour et au Feuilleton des avis, qui n'ont pas été abordés, demeurent dans leur ordre actuel.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 10 mai 2000, à 13 h 30.)


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